HASARD • benjamin pavard

trois | to travel is to live

▬ E L I E

Le bruit de la foule dans l'aéroport de Roissy me fait sortir de mes pensées. Bagages à la main, je suis Adam à travers l'immense infrastructure tout en observant les gens autour de moi. Certains semblent perdus et désorientés, d'autres s'enlacent inlassablement sans doute pour se dire au revoir pour un long moment. J'aime les aéroports. Ici, il suffit d'un regard vers les autres pour ressentir toutes les émotions du monde. La joie de retrouver un proche parti depuis bien trop longtemps, l'angoisse de prendre l'avion pour la première fois, la tristesse de laisser son âme-soeur s'envoler pour d'autres horizons. Ici, tout est vrai.

- Elie, fais un peu attention où tu marches.

Je regarde mon petit-ami et laisse échapper un long soupir. De toutes les choses qu'Adam ait pu me faire faire au cours de notre relation, partir à l'autre bout du monde est sans aucun doute la plus folle et inimaginable. Un mois en Russie, un mois loin de tout.

f l a s h b a c k, deux semaines plus tôt

- Nom de Dieu, Adam. Ce n'est pas en réactualisant la page toutes les trois secondes que les résultats arriveront plus rapidement.

Tout en continuant de fixer l'écran de son ordinateur, j'entends mon petit-ami grogner, comme pour me dire que j'ai tord. Ce garçon a-t-il vingt-cinq ans ou bien six? Telle est la question. Depuis cette fameuse inscription afin d'avoir le privilège de partir supporter les Bleus en Russie pendant un mois, il n'a d'yeux que pour cette page Internet. Matin et soir, il la rafraîchit afin de savoir si oui ou non, nous sommes les heureux gagnants.

- Ecoute, je soupire, ils ont indiqué dans leur mail de validation que les gagnants seront prévenus par téléphone. Alors, s'il te plait...

Je suis coupée par une sonnerie et je regarde dans la direction du téléphone d'Adam. Numéro inconnu.

r e t o u r a u p r é s e n t

Après qu'Adam ait raccroché ce soir-là, j'ai mis quelques instants pour réaliser ce qui était en train de se passer. Parmi tous les participants, parmi toutes les personnes qui désiraient rencontrer l'équipe de France, nous avions été tirés au sort. D'un seul coup, notre appartement a été imprégné d'une joie inqualifiable. J'ai vu Adam sauter et crier, pleurer de joie aussi. Nous avons rigolé, dansé et bu à cette petite victoire, selon les dires d'Adam. Et, durant quelques heures, nous nous sommes retrouvés. J'ai oublié ces moments où je me sentais à part, ces moments où j'ai douté de nous.

- Dépêche-toi un peu, on va rater l'avion si tu continues à traîner des pieds.

Je lève les yeux vers ma moitié qui me regarde comme si j'étais un boulet accroché à son pied et je ne peux m'empêcher de comparer mon couple à celui des autres personnes de mon entourage. Adam ne tient presque jamais ma main, ses regards amoureux se font très rares, il ne me complimente que lorsqu'il a un service à me demander. Et si je décidais de mettre un terme à tout ça, maintenant? "C'est fini entre nous, Adam". Une simple phrase pourrait changer le cours de ma vie. Une seule phrase, et je le laisserais ici, seul, tandis que je ferais demi-tour sans un dernier coup d'oeil.

- Elie, ton billet s'il te plait.

Mais je ne fais rien, comme d'habitude. Au lieu de protester, je tends mon billet d'avion à l'hôtesse qui me sourit de toutes ses dents puis, après nous avoir souhaité un très bon voyage, elle nous laisse nous diriger vers ce long couloir qui nous mènera jusqu'à l'appareil.