Triangle

CHAPITRE 2 : à 3 on ira, 3 on sera

« Enfants nous doutions parfois du vent
Jamais de nos ailes » - concours RATP

L'amour m'a toujours intriguée.
Mais je ne suis pas du genre fleur bleue. Pour moi, le coup de foudre n'existe pas. Ma mère dirait que j'ai peur de me lier à quelqu'un car je veux tout contrôler. Je peux lui accorder ce point. Depuis que je suis toute petite je m'accorde pour ne pas me laisser surprendre. Je révise avec sérieux mes cours pour ne pas paniquer devant une interrogation surprise. Je prends des pansements avant une randonnée pour ne pas me trouver les mains vides face à une blessure. Tout est réglé. Rien n'échappe à mon contrôle. Seul l'amour me paraît difficile à être assujetti alors je préfère passer mon tour. Cela ne signifie pas que je resterai vieille fille. J'ai plutôt fait un deal, va pour les conquêtes mais une autre fois pour l'amour.
L'amour m'a donc toujours intriguée mais plutôt comme un élément incontrôlable.
Mon frère s'amuse à dire que chanceux sera celui dont je tomberai amoureuse. Il pense que cet amour sera encore plus véritable puisque rien en moi ne l'aura encouragé. Je ne sais pas s'il est dans le tort. Lui se trouve plutôt à mon opposé. C'est un tombeur. Qui n'hésite pas à se déclarer amoureux. Il se calme un peu avec ses études scientifiques qui lui prennent tout son temps mais cela n'empêche pas toutes les filles de sa classe de baver sur lui. Pourtant il n'en a en tête qu'une seule ; Lola. Il faut reconnaître qu'elle est gâtée par la nature, gentille, intelligente, habile, talentueuse.

- Lil' à table !
Mon frère me tire de ma rêverie. Je le laisse cuisiner la plupart du temps car je n'ai pas la patience pour cela. Il dit que ça le fait décompresser. Je ne suis pas convaincue mais je ne m'en plains pas.
- Tu comptes parler à Chloé ?
- Non, je ne saurai quoi lui dire.
- Elle risque de venir quand même. Elle est assez déterminée.
- Je peux lui proposer de rester amis ?
- Tu peux, soupirai-je en me demandant si c'était réellement le genre de chose que j'aimerais entendre. Je dis souvent à mes conquêtes qu'elles ne sont le coup que d'un soir, ça évite les faux espoirs. Je suis déjà restée quelques mois mais pas assez pour m'attacher irrémédiablement.
- Et toi alors ? Joseph ou Lucas ? s'amuse mon frère
- Je t'ai déjà dit ! Ni l'un ni l'autre. Ce sont des amis rien de plus.
- Parle pour toi ... Je sais très bien qu'ils se battraient pour toi si tu leur laissais de l'espoir. Enfin toi et ton cœur de glace.

Mon frère continue à parler et me raconte sa journée. Je suis bientôt perdue au milieu des termes mathématiques qu'il ne peut s'empêcher d'utiliser. Cela le rend craquant mais moi je déconnecte. Mon esprit s'égare vers deux sourires familiers.
Je sais que Joseph et Lucas pourraient m'aimer plus que comme une amie. Mais ils se sont toujours contenté de ça. Et ils ne sont presque jamais lourds sur le sujet. Ils respectent ma décision. J'essaie de ne pas les faire souffrir en exhibant d'autres garçons auxquels j'ai concédé quelques faveurs supplémentaires mais notre relation est sans ambiguïté. Je connais Joseph depuis très longtemps. On dit qu'on est presque nés ensemble. Lucas s'est rajouté à notre petit clan ( on ne parle pas d'un groupe quand on n'est pas trois apparemment ) au collège. Depuis on ne s'est plus quittés. On part en vacances ensemble depuis quelques étés et on se raconte tout. C'est agréable d'avoir deux personnes sur qui compter.

Il est vrai qu'avec eux je forme un trio. Comme un triangle amoureux. Sauf qu'il n'y a pas d'amour. Je ne suis pas comme Katniss partagée entre Peeta et Gale. Je me demande si l'une des catégories de mon professeur me correspondra.

Le week-end arrive et avec lui les fêtes étudiantes débauchées. Rites initiateurs pour une vie décomplexée.
J'ai découvert plusieurs pratiques douteuses et je ne suis pas au bout de mes surprises.
Mais se prendre au jeu est si bon qu'on en oublie vite les conséquences. Quoique toutes ne soient pas mauvaises.

M. Robert ce qui s'est passé sera retenu comme partiellement de votre faute.

Avec l'engouement collectif pour le cours de français, les étudiants ont décidé de faire un jeu. « L'amour c'est toujours à 3 ». Il s'agissait de trouver ces deux autres personnes et advienne ce qu'ils voudront.
Le hasard m'a donné Inès, une très belle jeune fille de 3e année, et Lucas. Je me sentais déjà mal à l'aise. Pas Lucas, pas devant Joseph.
On a traîné la majeure partie de la soirée ensemble. Inès était charmante, blonde aux yeux bleus, passionnée de philosophie, unique en son genre. Partout des rapprochements entre trio.
Puis Inès m'a embrassée. Comme ça sans prévenir. Puis elle a embrassé Lucas. Puis nous a regardé. Alors on s'est embrassé. J'ai abrégé, pensant à notre amitié. Mais l'alcool aidant, on ne peut pas dire qu'on ne s'y soit pas recollé.

Étrange soirée. Finalement l'amour à trois c'est plutôt sympa.

J'ai peur que ma vie en soit dérangée, bousculée, à jamais. Je n'avais pas vu Joseph de la soirée. Que dirait-il ?