Encore un jour, encore un soir, la même rengaine. Je monte dans le bus, le pas lancinant et le regard vide, pour aller m'entasser sur un siège près de la vitre. Je suis encore chargée comme une mule, mon sac de cours et mon carton à dessin que j'ai essayé tant bien que mal de protéger de la pluie. Cette journée avait été particulièrement longue. Le projet de fin d'année avait débuté depuis maintenant quelques mois. L'examen approchant à grands pas, le stress monte et les profs sont de plus en plus exigeants, pour que l'on ai le plus de chances de réussir, même si noter de l'art est toujours compliqué....
J'ai plus de chance que d'habitude, tous les feux sont verts, j'aurais peut être le troisième bus à l'heure cette fois. Je grimpe juste à temps, les portes se referment derrière moi. Ma place est toute réservée, à l'avant du bus qui ne mène que dans les bleds perdus. Est ce que ma vie se résumera à ça ? Trimer dans un endroit que je déteste, pour ensuite stresser pour avoir mes lignes de bus et rentrer pour continuer de bosser ? Bientôt fini, bientôt finie la dernière année de ce cauchemar qui dure depuis des années.
Je n'aime pas beaucoup la ville où je vis depuis toute petite, mais je dois admettre qu'au bout de toutes ces années je la connais par cœur et je me sens plus ou moins dans une zone de confort. Les rues sont étroites et hautes, je m'y sens étouffée, surtout dans le quartier que je traverse tous les jours pour rentrer chez moi. Cela fait un peu partie de son charme aussi, on entend la musique chez les gens, les sons de plusieurs vies qui se croisent. La rue que je traverse est la plus ancienne de la ville, très longue et presque totalement composée de restaurants atypiques, nous faisant faire un voyage autour du monde l'espace de 200 mètres. J'évite les zones qui me rappellent des mauvais souvenirs, même si maintenant je commence à me dire que c'est un peu puéril. Il serait temps que je passe à autre chose.
À cette heure ci, personne ne marche avec moi, j'attends mon bus sur le rond point en face de l'arrêt. Je m'assois sur le banc devant la grosse fontaine, qui fonctionne d'avril à octobre, et envoie des gouttes d'eau sur mon portable quand le vent tourne. Mon deuxième bus n'apparaît qu'au bout d'une demie heure, tous les soirs. Quand la circulation est bonne, j'arrive à avoir mon troisième à l'heure.
J'ai toujours espéré sortir du rang et faire quelque chose de reconnaissable. Après tout je n'ai que dix sept ans, ma vie ne fait que commencer, pourtant j'ai l'impression d'en avoir gâché une partie. Je n'ai pas de repères, j'ai toujours vécu ici et pourtant je ressens au plus profond de moi ce besoin de partir. J'ai fait des erreurs, comme tout le monde, personne n'est parfait. Mais je crois que j'ai besoin de cette page blanche où je pourrais enfin commencer à y écrire mon histoire, telle que je la veux, mais surtout uniquement comme JE la veux.
Les mêmes maisons défilent, les mêmes bars, les mêmes rues, sans cesse. Je descends du bus, et entame la dernière partie de mon trajet vers la maison. Un corps de ferme du XVII ème siècle entouré de champs et d'une forêt, dans laquelle je passe tout mon temps libre. Je longe la clôture en marchant lentement, n'aillant plus d'horaire à respecter. Le ciel orange et rose de début de printemps annonce l'arrivée des beaux jours.
J'ai parfois une voix dans ma tête. Elle me dit que tout va bien, et qu'un jour j'obtiendrais ce que je veux. Mais j'ai du mal à y croire.
***
Deux jours plus tard, quand le week-end est enfin là, je peux m'enfuir avec Wild dans la forêt. Il n'y a rien que je puisse comparer à la sensation de monter à cheval. Sentir le vent, la force de la terre à chaque fois que les sabots frappent le sol, la vitesse et l'adrénaline, ces moments qui arrêtent le temps, je me sens vivante et je sais que Wild adore ça.
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Wella Sol
ParanormalJe suis née dans un monde que j'ai du mal à comprendre. J'ai toujours eu l'impression de venir d'ailleurs. Et si c'était vraiment le cas ?