Jour 12

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Après avoir attendu une bonne partie de la matinée que Tess arrive, nous pouvons enfin prendre la route en direction du salon de tatouage alors qu'il est déjà onze heures. Le trajet se fait en silence. Alors que je me concentre sur la route qui en cette fin de matinée est agitée par la débauche de certains employés, Tess ausculte sa manucure sans vraiment m'adresser une attention particulière. Après avoir passé plusieurs heures ensemble la veille, il est vrai que nous n'avons plus grand chose à nous raconter. La radio diffuse une de ces chansons actuelles qui m'aurait faite danser, il n'y a pas si longtemps que ça. Une fois garées sur la grand-place dans le centre-ville, nous nous dirigeons vers la façade la plus sombre de la rue. Un écriteau, sur lequel on peut distinctement lire « Tatoo'van » écrit en lettres rouge sang, surplombe le bâtiment. La vitrine qui était anciennement transparente est aujourd'hui remplie d'affichettes et la porte vitrée est teintée de haut en bas de noir corbeau. Pénétrer dans ce genre de lieu n'est pas vraiment la chose la plus rassurante que j'ai faite de toute ma vie mais notre enquête en dépend alors je prends mon courage à deux mains et pousse cette sinistre porte. Nous arrivons dans une petite pièce aussi étroite que sombre qui n'accueille qu'un petit comptoir qui sert assurément d'accueil. Tess appuie frénétiquement sur la sonnette installée sur ce petit meuble jusqu'à ce qu'un grand brun tatoué sur tout le corps, que je n'ai jamais vu au paravent, n'arrive exaspéré d'avoir dû bouger si rapidement pour faire cesser le bruit incessant de la sonnerie. Après avoir lancé un regard assassin à Tess, il se tourne vers moi attendant ma requête.

"Est-ce qu'Ivan Morganson est là ? Demande-je.
- Ouep ! Réplique l'homme du haut de ses deux mètres. C'est pour quoi ? Pas un tatouage, ça c'est sûr !"

Son air de Monsieur je-sais-tout est assez exaspérant mais il est vrai que nous n'avons pas vraiment l'allure de deux filles qui viennent pour se faire tatouer.

"Non effectivement, déclare-je. Nous aimerions lui parler à propos d'un client ...
- Vous êtes flics ? me méfie-t-il soudain.
- Non.
- Okay ! Entrez ! Il est dans la pièce où on range les modèles, nous indique-t-il en nous montrant le fond de la salle.
- Merci ..."

Après nous avoir ouvert la porte, j'observe rapidement la pièce. Plusieurs portes, menants d'après leur écriteau à des salles de tatouages, sont quasiment toute fermée. Le peu de lumière de la pièce ne nous éclaire pas vraiment et c'est bien pour ça que je ne serais pas étonnée d'entendre Tess se plaindre d'avoir marché dans quelques choses de bizarre. Nous nous dirigeons dans la direction que Monsieur-je-sais-tout nous a indiqué et alors que Tess hésite entre deux portes, je pousse instinctivement celle de droite et m'y engouffre. Un homme grand, brun et avec des tatouages un peu partout nous tourne le dos, rangeant quelques plaques en verre où sont dessinées les modèles dont l'homme de l'accueil nous avait parlé. Entendant du bruit, il se retourne vers nous et me regarde étonné.

"Maya Bright ! s'exclame-t-il avant de regarder Tess. Quelle surprise ! Si on m'avait dit que j'accueillerais Madame Bright, la femme qui est soi-disant la personne la plus riche du comté, je ne l'aurais pas cru ! Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
- On aurait aimé savoir quel lien est-ce que vous aviez avec le trafic d'œuvre d'art !" lance-je.

Après avoir vérifié rapidement si la porte était correctement fermée, il nous fait signe d'approcher.

"Pas si fort ! nous chuchote-t-il presque paniqué. Certaines oreilles traînent un peu trop dans ce genre d'endroit alors ne faites pas trop de bruit ! Personne n'est au courant que j'ai un lien avec le trafic et je ne veux pas qu'on l'apprenne.
- Nous ne dirons rien ! Lui assure Tess.
- Très bien. Comment êtes-vous au courant que j'ai un lien avec tout ça ?
- Nous ne l'étions pas, déclare-je simplement.
- Quoi ?!
- Peu importe, réplique-je en sortant la photo de ma poche. Vous connaissez cet homme ?
- Alphonse ?! Ouais, bien sûr ! Il vient au salon presque tous les mois pour avoir un nouveau tatouage.
- Alphonse ? L'interroge Tess. Alphonse Rodriguez ?
- Ouais, vous le connaissez ?
- C'est le moins que l'on puisse dire ! On était marié, il n'y a pas si longtemps que ça !
- Ton deuxième mari, c'était lui ?! m'exclame-je. Mais je croyais que c'était l'héritier d'une grosse entreprise de construction ?!
- C'est le cas ! Enfin, c'était le cas ... Montre la photo un moment ! (Après avoir observé la photo une court instant) Il n'avait pas de tatouage avant, c'est pour ça que je ne l'ai pas reconnu plus tôt mais c'est bien lui !
- Alors c'est vous la Tess avec qui il s'est marié l'année dernière ?! S'exclame Ivan.
- Et avec qui il a divorcé la même année ! Effectivement.
- Waouh ! Alors là, je suis chanceux ! La femme la plus riche de la ville et celle qui a battu le record de mari à dix-neuf ans dans mon salon ! Si ça ce n'est pas de la chance !
- Oui, enfin bref. Quel lien avait-il avec le trafic ? Demande-je à Ivan.
- C'est le superviseur des transports. Certaines rumeurs disant qu'il a reprit la direction du trafic depuis la mort de Monsieur Bright ... nous explique-t-il.
- Et vous savez où nous pouvons le trouver ?
- À Brighton Valley, bien sûr ! S'exclame Tess.
- Non plus maintenant, déclare presque solennellement Ivan. Il a abandonné sa maison après son divorce parce qu'il ne pouvait plus payer les traites.
- Oups ... murmure Tess.
- Depuis il loge dans les Cabanons du Sud, reprend Ivan.
- Les Cabanons du Sud ?! s'écrie Tess avant de baisser d'un ton. Mais il n'y a que des racailles là-bas ! Sans vouloir vous offenser, bien sûr.
- Je ne vis pas là-bas donc vous ne m'offensez pas et oui, c'est ça. Alphonse n'est plus celui que vous avez épousé. Il est devenu plus ... rebelle, sombre et peut-être aussi un peu torturé sur les bords. D'après ce qu'on dit, il n'a jamais oublié son ex !
- On n'a plus qu'à aller vérifier ça !" Réplique Tess.

The GrenadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant