8. Plein jour

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C'était dimanche. Un jour particulièrement calme et spécial pour tous les chrétiens. Jisoo appréciait particulièrement cela, bien que l'agitation ne lui soit pas familière. Tous les élèves se réunissaient dans la petite chapelle de l'orphelinat où le maître des lieux donnait l'office. Une heure durant laquelle le patriarche lu des passages de la Bible, le livre sacré qu'il tenait dans ses mains telle la chose la plus importante en ces lieux. Un vulgaire bouquin qui reliait ces humains à Dieu, dont aucun ne doutait de son existence.

Des chants s'élevaient alors du petit groupe, d'une langue qu'aucun ne comprenait vraiment. Vieille comme le monde. L'adolescent sentait les mots glisser dans sa bouche, une mélodie agréable aux intonations particulières. Tout se passait de manière identique, sans que jamais rien d'anormal ne se produise. Une routine agréable, un peu monotone mais bien commode.

Ce jour-là, Jisoo ne parvint pas à se concentrer. Son regard plus que jamais porté vers l'extérieur. Il ne supportait plus de rester ainsi, immobile et contraint. L'Ange était venu, lui aussi, et l'autre n'avait pu échapper à son regard. Jeonghan semblait perdu et la tristesse de ses prunelles n'avait rien de factice. Une vérité trop difficile à regarder en face. Il s'était assis à l'autre bout de la chapelle, avec respect. Mingyu était à côté, son éternel sourire aux lèvres, joyeux et plein de vie.

L'heure passa lentement, une torture sans nom pour Jisoo. Des efforts inconsidérés pour n'accorder aucun regard à l'objet de ses pensées. Les souvenirs de la veille étaient trop frais, trop douloureux encore. L'asiatique avait besoin plus qu'à n'importe quel moment de solitude. De la chaleur du Soleil sur sa peau et l'immensité de la Terre. Il avait failli se lever durant l'office, à multiples reprises, et quitter la pièce. Retrouver la Nature qui l'appelait, une envie primaire et incontrôlable. Jisoo combattait ses pulsions, la fatigue le rendant étonnamment vulnérable.

Lorsque la messe prit fin, l'adolescent fut le premier à sortir. Se levant avec une brutalité étrangère et sans attendre quiconque. Il sentit clairement le regard grave de Jeonghan sur lui mais ce fait même ne l'arrêta pas. Cela n'avait aucune espèce d'importance !

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Les champs verdoyants s'étendait jusqu'au-delà de l'horizon. Un paysage uniforme qui plaisait au jeune homme, bien plus que de raison. Des arbres s'y dessinaient, solitaires et immenses. Le Soleil embrasait tout cela, réchauffait l'atmosphère matinale. La rosée s'attardait sur les pétales de coquelicots et les brins d'herbes, innombrables. Jisoo avait respiré longuement cette douceur incomparable, calmement la tension qui l'habitait tantôt.

Il avait marché longuement, sans quitter le décor du regard. Il voulait l'imprimer dans son esprit, les parfums du printemps et les lignes de la terre. Il s'assit finalement, et après un long moment d'errance, au pied d'un arbre. Une Saule pleureur juste à côté d'un fleuve qui le bordait. Un sens inconscient pour Jisoo qui ne releva même pas son geste.

Il se laissa submerger par ses pensées, celles qui ne parvenaient pas à faire taire. Jeonghan était le centre de chacune d'elles, l'Ange étendait son emprise sur le jeune homme. Ce dernier ne pouvait rien y faire, son cœur avait fait son choix et les révélations de la nuit dernière n'y changeaient rien.

L'adolescent pleura longuement alors que la plaine s'était effacée, le laissant seul avec ses états d'âme. Qui était-il ? Qui était ce garçon pour lui faire autant de mal ? Le mystère était entier, bien que des parts de vérité se détachent de la noirceur. L'ignorance était alors plus douce, moins douloureuse pour les êtres par ici. Jisoo avait été transpercé par celui qui lui avait fait face la veille. Il pouvait encore sentir ses mains sur lui, et son corps réagir en conséquence. L'horreur des mots qui ne pardonnent pas et le silence, pire encore !

Au levé du jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant