Au levé du jour

2. Intérêt et savoir

La journée qui suivit avait tout de normale. Les cours et des adolescents un peu plus bruyants qu'à l'ordinaire. Les nonnes faisaient leur possible pour faire taire l'excitation qui peinait à disparaître.

Le nouvel arrivant n'était pas venu en cours, et si c'était parfaitement naturel, les jeunes orphelins accusaient une certaine déception. Les heures passaient lentement et le temps semblait s'allonger. Les minutes duraient des heures entières et le monologue des religieuses était interminable.

Jisoo, qui d'ordinaire était attentif en classe, ne parvenait pas à reporter son attention sur les paroles de la sœur. Son esprit, comme animé d'une vie propre, n'était visiblement pas prêt à coopérer ce jour-là. A côté de la fenêtre, il avait tout le loisir d'observer l'extérieur, éveillant son côté rêveur. L'aube avait disparu depuis longtemps déjà, laissant au jeune garçon une douce nostalgie. Les nuances pâles et pourtant si chaudes avaient été remplacé par un ciel uniforme, d'un bleu clair. Les nuages avaient eux aussi déserté et la pureté de l'horizon était indéniable. En son centre, l'astre du jour brillait de tous ses éclats et Jisoo se risquait à le regarder, aux risques de s'arracher quelques larmes. Malgré cette beauté, le levé du jour lui était toujours préférable, et cette vision lui arrachait une douloureuse mélancolie.

L'asiatique ne parvenait pas à oublier ce garçon aux allures féminines. Il en gardait un souvenir aussi amer que délicieux. Il mourait d'envie de le revoir, de se retrouver à nouveau face à ce nouveau. Non. En fait, il en crevait d'envie ! Il savait que ce besoin était partagé par ses camarades dont la curiosité ne s'était pas vue assouvit. Il n'était en rien différent de eux tous, l'étranger attisait l'excitation comme la terreur. Mais à cet âge-là, on ne connaissait pas encore cette peur si tenace !

Jisoo revoyait ces yeux, ces cheveux et cette beauté. Il ne parvenait pas à l'oublier, à en faire abstraction l'espace d'un instant. Tout cela aurait du l'effrayer, mais ce n'était pas le cas. C'était seulement un peu agaçant, surtout un jour de classe, mais rien de plus.

Alors que le Soleil atteignait son apogée, tous les adolescents se réunirent dans la salle à manger. Les bavardages faisaient régner un bruit constant, qui agaçait les nerfs et forçait quiconque à hurler pour se faire entendre. Le nouveau fit alors son apparition et il ne passa inaperçu que quelques instants. L'attention générale fut alors sur lui, des curieux par dizaines rendus impudiques par leur soif de connaissance l'assaillaient déjà. On s'asseyait à ses côtés, le questionnait sur tout et rien, avide de détails croustillants sur celui dont tout le monde parlait.

Jisoo était trop loin pour entendre, seules des bribes de conversation lui parvenait, rien de bien utile. Il mangeait en silence, la soupe avait un goût presque métallique dans sa bouche. Il avait pitié pour le nouvel arrivant, une envie tenace d'hurler à tous ces impolis de se rassoir et surtout, de se taire. Il s'imaginait être à sa place, au milieu de l'horreur. Une sensation d'étouffement, un malaise permanent et une terreur bien réelle. Et ses camarades ne remarquaient rien, comme vides de compassion et de sentiments humains.

-Il ne t'intéresse pas, ce « Jeonghan » ?

Chan, en face de lui l'observait, perplexe. Le plus jeune avait combattu sa curiosité et était resté sagement assis à sa place. Jisoo tiqua en entendant enfin le prénom du nouveau. Jeonghan ... Etrangement, il n'aurait pas pu imaginer un autre à la place de celui-ci. Il sonnait net à ses oreilles, presque naturel.

-Si, bien-sûr. Mais ... je ne veux pas être comme eux.

Ce n'était pas forcément méchant, ou même insultant. Rien ne l'était jamais dans la bouche de Jisoo, toutes les personnes qui étaient proches de lui le savaient.