7. Obscurité

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Jisoo se laissa entraîner à la suite de Jeonghan, sans même prendre la peine de protester. L'Ange le guidait et il vouait en lui une confiance à la fois aveugle et dangereuse.

Ils descendirent les escaliers rapidement, sans même que l'asiatique ne s'en doute. Il ne sentait que le léger contact des doigts sur son poignet et cela suffisait à lui faire perdre la tête. Une chaleur s'en émanait, bien trop agréable pour être réelle. Jisoo se demandait s'il ne dormait pas encore, si les limbes du sommeil ne se jouaient pas de lui. De ses ridicules faiblesses sous le règne des Ténèbres.

L'air fraie s'abattit sur la peau nue des deux garçons, leur arrachant un frisson commun. La brise nocturne était singulière, effrayante et interdite. Le plus jeune se perdit quelques instants dans la contemplation du paysage. Lui qui sortait si rarement, l'obscurité lui donnait un aspect tout autre. La Lune était la source de luminosité et ses reflets offraient un rendu macabre. Elle dessinait des ombres inquiétantes sur le toit et sur le sol gris de la cour. Dans l'herbe, les mêmes spectres glissaient au sol, sinueux et rampants. Les nuages bas masquaient la pâleur de l'astre de la nuit par courts moments. La nuit vivait en silence, sans que personne n'en soit témoin !

Jeonghan s'arrêta et se retourna, faisant face à son vis-à-vis. Il s'était placé dans un coin de la cour. Accès de pudeur ou simple prudence ? Il dévisageait intensément Jisoo, à tel point que ce dernier fut tenté de fuir ce regard inquisiteur. La beauté de l'Ange, dans l'obscurité, s'éveillait d'une toute autre manière. Il était magnifique à en faire mal, à détruire la certitude et la réalité.

-Pourquoi m'as-tu emmené ici ?

La question avait déchiré le silence, comme un cri de dément, celui de la nuit. L'asiatique sursauta presque en entendant sa propre voix. Il était gêné, pour une raison qui lui échappait encore. Le regard de Jeonghan le transcendait, déchirait en lui quelque chose, un sentiment sans nom. Sa question résonnait en lui, écho à sa plus grande stupidité. L'Ange tenait encore sa main dans la tienne, un contact léger et d'une intimité incroyable. Jisoo peinait à y croire, alors que son épiderme brûlait délicieusement.

-J'aimerai que tu comprennes ...

Cette phrase laissée volontairement en suspens. Un visage angélique et des intentions masquées. Le plus jeune mourait d'envie de renchérir, de tomber là où chacun serait tombé. Mais il garda le silence, avec toute la difficulté que cela impliquait. Jeonghan cherchait quelque chose, il l'attendait de Jisoo sans que ce dernier n'y parvienne. L'ainé plaça lentement la main du plus jeune sur son cœur, dans un geste saturé de sens.

-Je suis humain, Jisoo. Tu le sens ?

Oui, il le sentait. Le jeune homme sentait sous sa paume la chaleur et les battements du cœur de l'Ange. Tout cela l'électrisait, alors que l'humanité de Jeonghan ne pouvait plus être remise en doute. Le regard le happa soudainement et il ne pu y échapper. Des sentiments mais surtout des blessures, des cicatrices qui ne partiraient pas. Jisoo en était témoin malgré lui, une réalité qui le touchait dans sa dureté. Il voyait un passé sombre et douloureux dont il ne savait encore rien. Ce que les mots ne pouvaient définir, confrontés à leurs propres limites.

-Qu'est-ce que tu veux que je ...

La main de Jeonghan faisait pression sur celle de Jisoo, lui intimant le silence. Le plus jeune était dans l'incompréhension la plus totale, tandis que le contact rendait toute réflexion impossible. La nuit autour de lui avait cessé d'exister, il sentait à peine son inquiétante noirceur autour de lui. Toute son attention était rivée sur cet être qui lui faisait face. Lui, dans son mystère et sa différence.

Au levé du jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant