Mensonge

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Ce jour là, il en sortit. Il n'avait sur lui,  que son caleçon blanc mal lavé ainsi que sa longue cape de roi. Cela faisait plus d'une semaine qu'il y était. Une petite moustache eut le temps de pousser. Ses cheveux ébouriffés de nature, partaient encore plus dans le ridicule. Les cernes lui faisaient limite d'autres yeux. Aucun bruit à ses alentours. Tête baissée, Maka avança lentement vers la salle du crime. Ses pas étaient lourds, comme les péchés qu'ils gardaient au plus profond de son être. Son ventre criait famine comme la vérité qui devait exploser en plein jour. Il ne s'arrêta pas lorsque les nombres qui logeaient dans ce bâtiment titanesque essayait de prendre de ses nouvelles. Aucun son ne sortait de sa bouche. Ces beaux personnages aux gestes typiquement hautains, ne purent que s'écraser devant le roi. Ils le regardèrent, entrain de s'enfoncer au plus moins du château. Par la suite Maka emprunta les escaliers menant aux cachots. Il y passa rapidement, regardant d'un œil vif chaque cellule où des gens tout aussi fou les uns que les autres étaient prisonniers. Ces monstres tapaient les barreaux. C'était un moyen pour comprendre à leur bourreaux leurs rages et leurs haines qu'ils éprouvaient.
Cela faisait plus de dix ans qu'il était enfermé dans ce trou à rat pour l'un, trois jours pour l'autre, dix-sept semaines pour celui-ci. Le jeune dragon ne fit point attention à ces personnes. Surtout, il ne les entendit pas, trop peu intéressé par eux et trop concentré à se diriger vers le cachot du fond. Il tendit Le Bras, clé en main pour ouvrir la porte de la prison la plus sécurisée du bâtiment. Cette fois-ci, aucun garde. Meilleur moyen pour le roi de manigancer ce qu'il voulait. Encore une fois, il dût se cacher de tous. Avant de l'ouvrir complètement, Maka scruta les horizons, les prisonniers  s'étaient tus et le regardaient. Même ces charognards le défiguraient, étaient dépités de cet acte, ne sachant pas de ce qu'il en tourne. Porte ouverte, une petite pièce ronde était maintenant à la vue de tous. Une seule fenêtre y était encrée en pierre, du haut des fondations. Aucune issue possible pour la personne séjournant ici. D'ailleurs, un homme assez vieux et faible était attaché par une chaîne en acier, contre le mur. A voir son corps, cela faisait des jours qu'il ne mangeait pas convenablement et loin de sa faim. Pourtant, il avait le visage si juvénile, si propre et paraissait jeune. Il n'avait qu'un vêtement qui cachait ses bijoux de familles. Si Maka était venu en ces lieux, ce monsieur n'était pas n'importe qui. Le roi en faisait même appel à un « vieil ami » dans la solitude et le désarroi de ses problèmes. L'hôte du dragon miroir ferma la porte derrière lui. La honte de devoir demander à un prisonnier tel que lui était vraiment la dernière chose qu'il voulait cacher. Il haletait encore et transpirait à grosses gouttes. Le prisonnier ne parla pas. Il le fixa, yeux ternes. Maka attendit un peu et il prit une grande respiration.

« - J'ai besoin de t...

- je t'arrête tout de suite. Tu as besoin de moi alors que tu m'as enfermé ici. je n'ai que vingt trois ans. Tu m'as envoyé ici car tu pensais que j'étais fou.

Maka resta silencieux. Pas par pure réflexion, il devait se concentrer et gérer ses respirations. Ce n'était pas facile. Il buta légèrement, bougeant sa tête dans tous les sens. Les rires revinrent une fois, puis, s'estompèrent. Le roi regardait Anatole qui essayait de clarifier la venue de ce dernier.

- cela fait combien de temps que tu ne l'as pas vu ? Qu'elle hante ton esprit ?

Étonné, Maka s'approcha brusquement d'Anatole attaché au mur. Comme la dernière fois, dans la salle du trône, une aura - cette fois-ci - rougeâtre sortit du roi et prit en otage la pièce. L'air devint pesante et lourde. La chaleur montait. Le jeune dragon fixait son vieil ami avec des yeux rouges, comme lors des ébats avec la déesse selon ses dires. Il attrapa le nu par le cou, le faisant traîner et le détacher du sol de quelques centimètres.

- comment le sais-tu ? Y'a-t-il un moyen de la faire partir de ma tête ? Ou...y'a-t-il un moyen qu'ElLe SoIT MieNne...?

Une voix rauque et très grave sortit de la bouche du Kamirai. Ragnar était revenue. Un sourire en coin en était révélée. Le dragon miroir en voulait savoir plus. Reviendrait-elle ? Serait-elle à lui une bonne fin pour toute si Maka n'était plus ? La créature mythique était plus présente qu'auparavant. Par peur, le sorcier prisonnier ne perdit pas de temps pour dire à la partie de Maka, comment la faire disparaître de sa vie. La main écailleuse du roi tremblait.

- Ramène moi la personne que tu chéries le plus. Je m'occuperai du reste... »

Ne comprenant l'idée derrière cette étape pour faire disparaître la jeune femme blonde, Ragnar disparut au fond de Maka. Le roi reprit forme. Se tenant la tête, cause de migraine, le sorcier tomba à la renverse. Maka sortit de la prison sans un bruit. Il referma la porte à double tour et repartit. 

Le château était paisible et harmonieux. En cette saison monotone qu'était le printemps, les jours des morts draconiens avaient débuté. Les murs étaient jonchés de plantes simples et plates. Le genre de fleurs utilisées durant les cérémonies tels que les enterrements et les hommages. Certaines personnes présentent dans la cour pleuraient à chaudes larmes, d'autres affichaient des légers sourires. Dur de ne pas penser à ses défunts proches en cette période. Le pays avait connu quelques hauts et bas. Entre le tournoi des douze dragons et le sacre de Maka, il s'en était passé des choses. Des génocides, des guerres, des batailles, des duels. Puis des pourparlers, des négociations, de l'espionnage. Depuis peu, la politique du pays draconien était : seul le victorieux vit. On remarquait la longévité de la lignée Kamirai. Le roi avait toujours ses tics et ses visions de Julie. Elle était désormais dans l'entièreté de son être. Le roi ressentait son cœur plus qu'à son habitude. Il frissonnait de la tête au pied, passait ses soirées dans sa salle de bain à se vider de ses tourments, de ses problèmes, de ses fuites. Dur de parler de ça pour sa majesté, homme avec beaucoup de foi et modèle pour son peuple. L'image qu'il dégageait maintenant n'était que peu fiable. Le roi n'inspirait plus les mêmes convictions et semblait délaisser les principes de sa politique. Maka était affalé dans son bureau, bavant sur la paperasse étalé sur son meuble de travail. Le gentil jeune homme serviable et digne de confiance avait repris le contrôle de ses émotions et s'était endormi. Tout à coup, quelqu'un pénétra dans son bureau sans toquer, ce qui eût pour effet de réveiller sa majesté. C'était la reine qui eu la chance de revoir son bel époux. Une semaine s'était écoulée sans que leurs regards se croisent. Une semaine de silence. Aucun contact humain entre deux personnes qui s'aimaient, sans doute plus maintenant. L'amour n'était plus réciproque depuis peu. Naïve, Nagisa affichait un grand sourire naissant des retrouvailles avec son bel homme. Même si le réveil était un peu rude, Maka se leva lentement de sa chaise cabossée avant de se réfugier dans les bras sa reine. Cette dernière, étonnée de son geste, buta deux secondes avant de lui parler.

- Que t'est-il arrivé mon Roi ? Pourquoi nous fuyais-tu comme cela ?

- un grand mal m'est arrivé. Je devais me cacher pour ne pas causer de tort. Toi et le peuple...,mentit-il.

- Quel grand mal ?  Dis-moi tout.

Nagisa était stupéfaite et inquiète de ce qu'il avait pu arriver au roi. Une maladie imaginaire selon ses dires. Qu'il ne pouvait plus sortir de son lit. Quelque chose d'immensément grave. Ou plutôt un mensonge d'une si grande importance qu'il dut le cacher à tout le monde. Aucune exception. La plus grande perte du jeune dragon serait plutôt la disparition de son peuple aimé. Les citoyens n'aimeraient pas qu'un roi si bon que lui soit un menteur et un manipulateur. Qu'il soit malsain stratégiquement lors de batailles étaient une chance et un talent, mais pas lors de la vie quotidienne. Deux servantes qui suivaient la reine entrèrent dans la petite pièce de travail. A la vue du roi, elles sourirent, émerveillées de la renaissance de ce dernier. Maka sur sourire mécaniquement. Le malaise était présent pour sa majesté, mais aucun geste ni paroles ne montraient une seule faille dans son mensonge. C'était son art.

Les Tourments du roi Où les histoires vivent. Découvrez maintenant