Endless fall [Sous contrat d'édition]

3 | Jamais plus.

AVERTISSEMENT - Ce chapitre contient de la violence verbale, du cyberharcèlement ainsi qu'une mention de la mutilation ainsi qu'une une scène dont elle est l'objet (plus ou moins explicite, mais je le précise). C'était déjà expliqué dans les avertissements TW avant le roman, mais je préfère le dire à nouveau. Rien ici ne doit vous inciter à quoique ce soit, et ce n'est pas à prendre à la légère.

3. Jamais plus.

Je n'ose pas ouvrir les yeux. Je ne dois, en réalité, surtout pas ouvrir les yeux. Je pose une main sur ma poitrine, tentative infructueuse pour calmer la souffrance qui y réside. Mon autre main s'agrippe si fort à la faïence du lavabo que mes phalanges blanchies deviennent douloureuses. Ma jambe me fait souffrir, elle aussi. J'ai probablement l'air pathétique, là, debout devant le miroir avec pour seul appui mon unique jambe à moitié valide et un lavabo que je suis à deux doigts de décrocher.

Mon téléphone vibre contre la porcelaine. En fait, il ne fait que ça depuis ma chute, qui remonte pourtant à plus d'un mois. J'essaie de m'en tenir éloignée, de le laisser éteint le plus possible, mais c'est peine perdue. Je n'arrive pas à échapper au raz-de-marée que ce satané appareil renferme. Chaque nouvelle notification me rappelle que bientôt, je n'aurai plus d'autre choix que de retourner au lycée. J'ai pu utiliser l'excuse du fauteuil roulant jusqu'ici, mais ça ne va pas durer. Tôt ou tard, je vais devoir délaisser ce siège encombrant contre des béquilles, et je me retrouverai totalement démunie.

Il vibre à nouveau. Mes yeux sont déjà embués de larmes lorsque je balaie l'écran du doigt. Des dizaines de notifications défilent. Sans réfléchir, je clique sur le premier message qui, comme tous les autres, provient d'un numéro inconnu.

Ma respiration s'affole avant même que je pose les yeux sur le message.

De : Inconnu

Eden, où t'es passée ? On s'inquiète pour toi. T'as choisi quelle maison close pour te cacher qu'on fasse un tour ?

Puis, sans pouvoir m'en empêcher, j'en lis un autre, puis un autre, laissant leurs mots s'ancrer un à un dans ma tête, et m'ôter progressivement tout le bon sens qu'il me restait. Tous les messages se mélangent, pour ne devenir qu'un seul démon. Ils sont les rois de mon enfer personnel.                

— Laissez-moi tranquille, murmuré-je.

De : Inconnu

Fais ce que tu veux, pétasse, mais ne reviens pas. Ça vaudrait mieux pour toi.

De : Inconnu

Je t'avais prévenue, sale trainée. C'est pas pour toi le patinage, tu risquais trop de fêler la glace. Reviens, petite pute, je m'ennuie.

Je ne peux en lire plus. Mon téléphone s'échappe de mes mains tremblantes pour s'écraser sur le sol.

Je n'aurais jamais, jamais, jamais dû faire ça. Je n'aurais pas dû y aller.

Je suis ma propre ennemie, et ce depuis le début. Mon anxiété me joue des tours, me fait croire que c'est de ma faute, toujours de ma faute, et mes démons me susurrent des choses que je n'arrive pas à me sortir de la tête. À force, j'ai appris que la meilleure solution, c'est de tout mettre à distance. Moi et les autres. Moi et le monde.