Les Rois de Néropé

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Les Rois de Néropé

Pour une pianiste talentueuse qui me fait rire en ré mineur.

Dans une Syrie ravagée, les habitants souffrent et les soldats saccagent villes et vies humaines. L'eau manque comme l'espoir. Comment sauver cette terre aride et condamnée ? Comment arrêter cette violence qui terrorise enfants, adultes et même grivetons ? Si les Hommes ne peuvent se protéger, qui le peut ? La lumière de la Lune, rassurante et mystérieuse ou les rayons du Soleil, ardents et salvateurs ?

A l'écart des champs de bataille et du malheur vit un peuple de bêtes fantastiques et pacifistes ; les Rois de Néropé. Jadis, ils habitaient un village et éduquaient les petits angelots au grand plaisir des mères de ces derniers. Mais ce bonheur disparut ainsi que le village après le passage d'oiseaux, noirs comme la stannite, assourdissants comme les sept trompettes de l'apocalypse et meurtriers comme la nature humaine. Seuls cinq Rois de Néropé et une petite fille réussirent à fuir ce raz-de-marée de flammes et de nuages noirs qui étouffèrent les larmoiements des nourrissons et consumèrent les souvenirs joviaux d'antan.

Aujourd'hui, les six survivants sont réfugiés dans le cœur d'une montagne, à l'abri des révolvers et des regards perçants. Williams est le plus ancien et, de par ce fait, le « Rois des Rois ». Comme ses frères, il a un ventre très arrondi, un long cou, des bras courts, des petites jambes et un masque sibyllin cachant un visage inconnu de tous. Ce masque représente le caractère de chaque Roi de Néropé ; celui de Williams, lui, a un air très sérieux. Il eut deux fils avant la catastrophe, Comice et Concorde. Ces deux moutards sont inséparables comme le jour et la nuit et passent leur journée à s'amuser avec tout et n'importe quoi ; le simple bâton peut devenir une épée de chevalier ou un balai de sorcière et la feuille vieillie de l'automne sur son arbre perché tombe dans les mains des deux frères et se métamorphose en un Damier des marais ou en un éventail chasseur de chaleur et de pensées mauvaises. Ces deux esprits débordants ne sont pas les plus jeunes ; leur compagnon de jeu, Seckel, l'est. C'est un grand plaisantin et un danseur hors pair. Avant, le soir, quand au village c'était jour de fête, il se plaçait sur le plus haut toit et commençait à danser au rythme de l'oud, du daf et du zurna. Aujourd'hui, il ondule son corps au doux son du chammal, du sifflement des vipères et du bêlement des chèvres égarées dans le désert. Angélys, sa sœur, adore le regarder et aimerait tant pouvoir l'imiter à la perfection mais à chaque fois que Seckel lui donne une leçon, elle a la tête ailleurs et pense sans cesse au temps d'avant. Un temps révolu où son masque montrait un sourire qui n'est pas retourné et des yeux qui n'ont jamais pleuré.

Parmi ces « animaux » fantasmagoriques, il y a cette jeune adolescente qui n'était qu'une enfant lors de la catastrophe. Son prénom est Hélène. Elle a les yeux marron chocolat, de longs cheveux noirs et, à cause du manque presque constant de nourriture, elle est mince. Sa joie de vivre est si resplendissante que le soleil honteux, parfois, se cache derrière de grands nuages.

Ses dix-huit ans approchent à grands pas et les Rois de Néropé lui préparent une inoubliable surprise qui se déroulera, d'après Williams :

« Ce soir, sous la Lune pleine de bonté et de douceur. Oui, ce soir, autour d'un feu perturbé par nos rires et non par le vent. »

Comice et Concorde vont distraire Hélène jusqu'à ce que les autres aient fini de préparer, avec une multitude de brindille, un gigantesque feu. Un gigantesque feu qui scintillera telle une étoile accrochée dans cette mer mystérieuse et infinie.

La grande nuit tombe et tombe le beau soleil.

Hélène arrive et admire la grande merveille.

Elle est là, devant ces flammes qui dansent.

Elle écoute ses amis qui chantent et pense :

« Cela est grandiose ! mon cadeau ! j'le veux ! »

Williams regarde l'enfant et voit dans ses yeux

L'impatience.

Les cinq monstres fabuleux et la nouvelle adulte se tiennent la main et forment une ronde autour du gargantuesque brasier. Tous ferment les yeux et lèvent la tête au ciel.

Ce soir-là, près du cœur d'une montagne, un feu isolé brûlait, des fleurs germaient et une constellation souriait aux Hommes. 

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