Dimanche

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Le regard perdu dans le vague je me laisse kidnapper par de funestes pensées. Comment serait mon père si il réagissait violemment à l'alcool ? Que se passerai t'il si il levait la main sur moi ou ma sœur? Aurais je le courage de le dire à quelqu'un et d'accepter le fait que je dois arrêter de le voir? C'est tout de même mon père, je l'aime quoiqu'il arrive , est-ce possible de passer de l'amour à la haine dans un contexte comme ça ?

Il est midi, ma valise est déjà prête, mon père est stressé, il boit donc plus que d'ordinaire, est encore plus sur notre dos et éloigne ma sœur de lui, elle reste enfermée dans sa chambre. Moi je suis assise là, sur le canapé qui sert de lit à notre père, n'aillant plus la force de monter dormir dans sa chambre, il se tient à côté de moi, impassible, le visage fermé ne laissant passer aucune émotions.Je risque un œil sur lui, le poids des années a ravagé son visage, les rides semblables à des rides courent le long de sa peau rougeâtre, il a le regard triste, vide, nostalgique et mort. Mon cœur se brise en milles morceaux, le malheur m'a toujours été insupportable c'est vrai mais à cet instant un sentiment infiniment plus puissant, aussi féroce que le tsunami s'abattant sur toute une ville, détruisant tout sur son passage, quelque chose d'inévitable et inexplicable. Jamais plus, à partir de cet instant je ne verrais mon père de la même manière, je ne pourrai jamais le voir comme l'être protecteur et imposant dans une maison comme il est sensé l'être. Je serai toujours entrain de faire attention à lui, me disant que c'est sûrement d'attention dont il a besoin pour aller mieux tout simplement, et quoi de mieux que l'amour de ses enfants pour se sentir bien, alors j'ai pris  soin de lui, comme j'ai pu, avec le peu de moyens que j'avais, je me suis souvent rendue malheureuse, désemparée et seule.

Le soleil se retire lentement, ma mère et venue nous chercher, on rentre à la maison, je n'en suis pas plus heureuse, je sais que lorsque nous partons mon père pleure sa solitude, qu'il se console avec l'aide de ses vieux amis Jack's Daniels, et tout les autres. Je sais aussi ce qu'il se passe lorsque les fêtes de noël arrivent, tout seul dans sa maison froide, sans personne avec qui fêter ce moment si important dans l'année, celui ou l'on sent l'amour d'une famille dans une maison autour du sapin à l'heure des cadeaux, autour d'un repas fait avec envie et amour. Alors moi, un an sur deux encore aujourd'hui je hais cette célébration sachant pertinemment qu'une personne proche est seule, qu'il ne peut pas bouger parce que le lendemain il doit travailler, un an sur deux mon cœur est serré le 24 décembre, me rendant honteuse de devoir faire la fête, sourire et faire comme si de rien n'était.

Les jours défilent dans une année, les choses ne changent pas, comme si on était rentré dans une indésirable routine. Ma sœur est de plus en plus recluse, ne sortant de sa chambre que pour des choses essentiels comme manger ou aller aux toilettes, mon père pleure pratiquement tous les soirs, laissant ma sœur et moi dans la maison seules à le regarder par la fenêtre du salon. Même lors de fête de famille je ne pourrais pas m'empêcher de le surveiller comme s'il s'agissait d'un enfant un peu fripon. Ce genre de comportement sera pesant plus tard dans ma vie mais je finirai par me relever et parvenir à me relever sans avoir peur de ce qu'il va se passer.

Le rossignol dans un verreWhere stories live. Discover now