Le téléphone se mit à pousser des gémissements aussi aigus que stridents dans toute la maison, nous tirant de notre morne contemplation du feu dans la cheminée, ma mère et moi. Elle poussa un soupir, posa son ouvrage sur la table et se leva avec à peu près autant de détermination qu'un paresseux forcé de faire un cent mètres. Elle décrocha avec une pointe de mauvaise humeur. Moi, toujours enfoncée dans mon fauteuil, perdue sous une tonne de couvertures et de plaids, j'eus seulement à tendre le bras pour décrocher l'oreillette qui se trouvait à l'arrière du téléphone. Et oui, nous avions encore un appareil rustique, avec tout un tas de fils et même le cadran qui tourne avec les chiffres inscrit dessus. C'était une fantaisie de ma mère : elle ne supportait pas tous ces bidules électroniques et ces gadgets dernier cris auxquels sont vissés la plupart des adolescents de mon âge. Il faut dire aussi que je ne suis pas comme les autres, loin de là. Je portais la petite partie ronde à mon oreille afin d'entendre le correspondant à l'autre bout de la ligne :
"Bonjour, Madame Mcmorlann" dit-il avec courtoisie et politesse, ce qui eut pour effet de radoucir immédiatement ma mère. C'était manifestement un homme et Maman était comme ça : un homme courtois, du moins avec des bonnes manières, la rendait toujours plus douce.
"Je vous prie de bien vouloir m'excuser, Madame, je suis maître Etalon, le notaire particulier de Jacques LongueVie-de-Mcmorlann"reprit-il.
Il marqua une pose, comme pour laisser le temps à ma mère de bien comprendre l'information.
"Le notaire de mon cousin par alliance ? interrogea Maman
- C'est cela même, Madame, explicita le notaire, je suis au regret, Madame, de vous informer qu'il est décédé en début de semaine. Toutes mes condoléances, Madame."
Il m'agaçait ce drôle d'oiseau à caser des "Madame" partout. C'était ma mère, d'accord, mais il ne s'adressait pas à la reine d'Angleterre non plus. Je trouvais sa manière de lui parler un peu surjouée. Maman n'avait pas l'air si choquée que ça, mais elle interrogea quand même le notaire sur les causes du décès de ce "pauvre cousin Jacques".
" On l'a retrouvé mort noyé, Madame."
"Encore un Madame", me dis-je pour moi même en soupirant. Enfin, ça n'était rien en comparaison de la triste fin que semblait avoir eut le cousin Jacques. Mourir noyé... J'avais entendu dire que ça n'était pas la mort que l'on pourrait rêver d'avoir, si tant est que l'on puisse un jour rêver de mourir.
" C'est atroce " commenta ma mère d'un ton neutre qui n'était pas du tout de circonstance pour quelqu'un qui vient de perdre un proche, même si c'est un proche par alliance.
Elle laissa planer un long silence que le notaire n'interrompit pas.
"Et que puis-je pour vous, cher maître ? demanda-t-elle, se décidant à rompre le silence qu'elle avait installé plus tôt.
- Eh bien, voyez-vous, Madame, feu Monsieur Jacques LongueVie-de-Mcmorlann vous cite dans son testament."
A l'évocation du mot "testament", ma mère ne tenait plus en place. Elle s'était mise à tortiller frénétiquement une mèche de cheveux blond en ne cessant de répéter dans le combiné : "Ah ?! Vraiment ?! Ah ?!!"
" J'aurais préféré que nous nous voyons pour que je puisse vous faire la lecture du dit testament, mais vous demeurez très loin de mon bureau. Aussi prendrais-je la liberté de vous le lire au téléphone, si, Madame, vous n'y voyez pas d'inconvénients."
C'était devenue une véritable hystérique.
"Je vous en prie, très cher, disait-elle avec emphase et force décibels, lisez, lisez donc ...."
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Le Castel de LongueVie
Mystery / ThrillerCe n'est pas tous les jours que l'on a la chance d'hérité d'un vieux château au fin fond de la forêt noire Allemande ! Ca tombe bien ! J'adore ça, moi, Pallas Mcmorlann, les bicoques en ruine. Surtout quand elles sont pleines à craquer de bruits in...