Le Castel de LongueVie

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C'est avec une petite appréhension que je glissai la clé dans la serrure. Il n'était pas exclu que ce morceau de métal à la terminaison alambiquée ne soit qu'un leurre destiné à tromper tout intrus qui voudrais pénétrer dans le château. Si c'était le cas, je me retrouvais coincée dehors sans aucune autre indication pour entrer. Et bien sûr, personne n'avait pensé à installer un téléphone sur le perron. On se demande à quoi pensent les architecte parfois... Je retins mon souffle. La clé pénétra sans peine dans l'ouverture, résista un peu lorsque je la fis tourner, puis entraîna finalement le mécanisme de verrouillage de la porte. Je poussais un soupir de soulagement tandis que je tirais vers moi le lourd battant qui s'ouvrit dans un grincement lugubre. Je l'entrouvris suffisamment pour pouvoir glisser ma tête et inspecter rapidement la pièce qui devait servir d'entrée.  Il faisait très sombre à l'intérieur et, avec mes yeux habitués à la lumière extérieure, je ne distinguais pas grand chose. J'entrepris de tirer ma lourde valise dans le château, maintenant qu'il était ouvert, et refermai soigneusement derrière moi, bien que trouver la serrure dans le noir ne fut pas une mince affaire. Une fois fait, j'attendis que mes yeux s'accommodent de l'obscurité ambiante, jusqu'à ce que j'arrive à distinguer une sorte de grand cadre empli de blanc couvert par un voile épais. Je m'en approchai avec prudence, ne sachant pas ce que j'allais trouver derrière. Peut être était-ce un piège destiné, là encore, aux intrus ? Je mis ma main sur l'épais voile et le tirais tout en m'écartant vivement, de peur que le cadre blanc ne contienne un mécanisme qui tirerait des flèches empoisonnées lorsqu'il est découvert. Mais rien ne se produisit. J'avais fermé les yeux, attendant d'entendre le bruit de l'impact d'un projectile quelconque contre le mur d'en face, mais je n'entendis absolument rien. Je rouvris progressivement les yeux. "Étrange..." me dis-je en moi même. Je ne reconnaissais pas du tout l'endroit où je me trouvais. "Peut-être que je suis morte ?" me questionnais-je à haute voix. Non, c'était stupide. Je sentais toujours le tissu qui voilait le cadre blanc dans ma main droite. Tiens, d'ailleurs, qu'est ce que c'était donc que ce grand carré clair que j'avais dévoilé ? J'osai un œil. Je me sentis tout à coup très stupide. Ça n'était qu'une simple fenêtre. Et si je ne reconnaissais pas l'endroit dans lequel je me trouvais, c'est tout simplement parce que je ne le connaissais pas. Comment n'avais-je pas pu y penser avant ? Dire que je m'étais fait tout ce cinéma pour une simple fenêtre salie par le temps, vraiment il y avait de quoi rire de sa propre bêtise. Retournant à mon objectif premier, l'exploration de ce château, je me mis en quête d'ouvrir tous les rideaux de ce qui se trouvait être le vestibule. Il y en avait trois en tout et pour tout. Et les fenêtres étaient toutes dans le même état déplorable. C'est à se demander si "L'oncle Jacques" ne s'était pas moqué de nous en nous léguant son "plus beau trésor". On aurait dit que ce château n'avait pas été entretenu depuis une dizaine d'année minimum. 

"J'espère que les autres pièces ne sont pas toutes comme ça, dis-je tout haut, sinon, il n'y a même pas un seul petit espoir qu'on puisse éventuellement le revendre ..."

Et c'est ainsi que j'entrepris de faire le tour de la battisse. Le vestibule était beaucoup plus large que ce que j'avais saisit au premier abord. Le dallage du sol, dont la couleur d'origine disparaissait sous une couche non négligeable de poussière grise, était, en grande majorité recouvert par un tapis élimé d'une couleur qui se voulait rouge bordeaux, mais là aussi, le temps avait fait son oeuvre et avait décoloré la moquette aux endroits des fenêtres. L'agencement du lieu était particulier : c'était un long couloir d'une vingtaine de mètres qui débouchait sur une salle encore plus large que le couloir, au fond de laquelle dormait le plus imposant escalier de marbre blanc qu'il m'ait été donné de voir. J'émis un petit sifflement lorsque je l'aperçus. On trouvait deux volée de marches, une à droite, l'autre à gauche, qui se rejoignaient à plus de deux mètres au dessus du sol et qui semblait donner accès à la partie arrière du château.  De plus près, on pouvait saluer la finesse du travail du tailleur et celui de l'architecte. Le choix des matériaux n'était pas non plus à mettre de côté puisque la structure, toujours d'un beau blanc malgré la poussière qui ne semblait avoir épargné aucune partie de ce château, était veinée de zébrures noires qui rappelaient les éclairs un soir d'orage. C'était assez épatant. De part et d'autre des montées, et ce de chaque côté, on trouvait d'imposantes armures de fer, droites comme des I, flanquées de hallebardes ou d'énormes haches, du genre de celles qui vous découpe un bœuf avec la facilité d'un ciseaux coupant une feuille. Le reste de cette pièce, que je décidait de baptiser "La salle de l'escalier", se résumait en une collection de portrait fixés au mur, la mine sévère et le port de tête droit, sûrement de la famille du côté de l'oncle Jacques, de vases abritant des fleurs fanées depuis belle lurette, le tout posé sur des meubles dont le style ne me revenait pas. Probablement du XVII ème siècle mais de facture Allemande car je n'avais jamais rien vu de pareil. Le tout était complété par un plafond dont la peinture blanche avait jaunie, et d'une verrière, véritable puits de jour qui distillait une lumière terne et froide à travers des carreaux crasseux et fendillés. Je gravis, presque avec respect, les marches de marbres, scrutant intensément, lorsque j'entamais ma montée,  les armures de fer, et continuai mon exploration dans la partie arrière du château. J'arrivai dans un nouveau couloir plus étroit que le précédent. C'était comme changer le décor dans une pièce de théâtre.  Le matériaux utilisé pour ériger les murs était des sortes de pierres noires très épaisses et aux aspérités multiples. Grâce aux résidus de lumière qui venait de la salle de l'escalier derrière moi, je remarquai qu'elles étaient suintante d'une sorte d'humidité poisseuse, presque gluante. L'air se faisait, effectivement plus frais dans cette partie là de la demeure. Depuis combien de temps ce château avait-il réellement été abandonné ? L'oncle Jacques était mort il y a peu de temps, et pourtant son château ne semblait plus habité depuis une bonne dizaine d'année minimum. C'était déroutant, inexplicable pour le moment. Je repérai, une fois que mes yeux se furent habitués à la pénombre, ce qui semblait être une torche, coincée à l'intérieur d'un cône métallique qui servait probablement à la tenir droite et assez haut pour éclairer tout le couloir. Je suis assez petite de constitution et je dus, en plus de mon bras tendu quasiment à la verticale, me hisser sur la pointe des pieds pour atteindre ladite torche. Le bois était sec, presque tiède, ce qui contrastait étrangement avec l'atmosphère froide qui régnait ici. Je revins, torche en main, dans la salle de l'escalier. Je vis qu'a son extrémité s'enroulait un morceaux de ce qui semblait être du tissu. Je le reniflai. Pas de doute, c'était bien une odeur de goudron ou quelque chose d'approchant qui émanait de la loque brûlée et noircit au bout de mon bâton. C'était parfait. Il ne me manquait plus qu'un moyen d'y mettre le feu pour y voir plus clair dans le reste du château. Je n'avais pas de dispositif permettant d'avoir du feu instantanément sur moi, ce qui était assez ennuyeux. Je redescendis les escaliers, dans l'espoir que je trouverais un briquet, ou quelque chose dans ce gout là, dans les tiroirs aux lourdes poignées de fer des meubles XVII ème. Je m'approchai de celui qui se trouvait le plus près de mon pan de marches. Je tentais de tirer le premier tiroir. Fermé. J'essayai avec le second. Fermé aussi. Le troisième ne me réserva pas un accueil beaucoup plus chaleureux. 

"Bigre ! dis-je tout haut, me voilà bien partie ... S'ils sont tous comme ça, je vais bientôt devoir me rabattre sur des silex ..."

Je n'étais pas très optimiste concernant ma recherche de feu. Le deuxième meuble que j'essayai  ne se montra pas plus coopératif que le premier.  C'était vraiment mal partit.  Je reculai afin d'observer la pièce dans son ensemble. Je laissai mes yeux courir sur le murs et les visages sévères des tableaux. Sur l'un d'entre eux, on avait représenté, en arrière plan, une cheminée à l'intérieure de laquelle brûlait un foyer ardent. Je m'approchai de ce tableau. 

"Tu ne voudrais pas m'en prêter un peu, de ton feu ?" demandai-je au visage rond et barbu qui ne daigna pas me répondre. Je tournais la tête à gauche puis à droite. C'est alors que je remarquai quelque chose que je n'avais pas vu à la première inspection de la pièce : un petit renfoncement qui se trouvait derrière l'escalier de marbre blanc. Je m'approchai, curieuse et découvris, bien moins massive et monumentale que les autres, une petite porte en bois encadrée par une arche en pierre de taille. C'était une sorte de petite victoire. Petite victoire qui s'évanouit bien vite lorsque je vis qu'elle était fermée par un petit cadenas comme on en fait plus, tout en fer avec un unique trou pour la serrure. Heureusement pour moi, il était largement rouillé. Je secouais la porte pour tester sa solidité. Résultat : solidité quasiment nulle. Je pris mon courage à deux mains, mes forces aussi, inclinai mon épaule droite vers la porte afin qu'elle me serve de bélier, pris un élan raisonnable et me jetai, tête baissée, contre la fragile porte en bois. Je n'aurais peut être pas du y aller aussi fort. La porte a cédée sous l'assaut de ma fulgurante charge et moi, je n'ai pas pu m'arrêter après l'avoir fracassée. J'ai continué sur ma lancée. L'espace d'un instant, avant d'entrer en contact avec le bois maigre de la porte, j'avais envisager le fait que je ne puisse pas m'arrêter dans ma charge. J'avoue que j'avais repoussé l'idée un peu vite en comptant sur le premier mur que je rencontrerais dans la nouvelle pièce pour stopper ma course. C'était sans compter que le sol de l'autre côté de la porte était environ cinquante centimètres plus bas. Mes pieds ne rencontrèrent que du vide. Je m'étalai de tout mon long comme une crêpe sur un sol, qu'en plus de le qualifier de dur,  je n'hésitai pas à le décrire comme froid et légèrement humide. Câliner le carrelage mouillé n'était pas prévu dans mon plan. Je me relevai tant bien que mal. Mal c'est surtout ce que j'avais. Sûr que j'allais m'en sortir avec une kyrielle de bleus et bosses. Ah ! Elle commençait bien mon aventure dans le château en ruine de l'Oncle Jacques ! En plus de ça, dans ma remarquable chute, j'avais laissée échapper ma torche et je n'arrivais pas à remettre la main dessus. Je tâchais d'oublier ma mésaventure en me mettant à inspecter l'endroit dans lequel j'avais atterrie, atterrie étant le mot juste.  Il y faisait un peu plus sombre que dans la pièce que je venait de quitter mais on distinguait encore assez bien les choses. Je n'eus pas à chercher bien loin : en face de moi, adossé au mur que je n'avais pas pu atteindre pour m'arrêter, se trouvait un secrétaire au milieu duquel trônait un chandelier avec trois bougies à moitié fondues à l'intérieur. Je m'en approchais et me mit à regarder autour. S'il y avait des bougies, il y avait forcément de quoi les allumer dans le coin. Je poussais quelques papiers épars et trouvait dessous une boîte d'allumettes. Avant de me réjouir trop vite, je secouais la boîte pour voir si elle n'était pas vide. Je poussai presque un cri de triomphe : j'entendais du bruit à l'intérieur ! J'allais ressortir, toute contente avec mes allumettes, lorsque je me rendis compte que je n'avais toujours pas retrouvé ma torche. Une idée lumineuse, et c'est le cas de le dire, me vint. J'ouvris la boîte, me saisit d'un des petits bâtonnet enduit de souffre à l'intérieur et le grattais contre un des côtés de son réceptacle. Au premier essaie, cela ne donna rien. Au deuxième je vis jaillir une étincelle. Ajustant bien ma prise autour de la boite, je me concentrais pour ne pas avoir à subir un nouvel échec. Je grattais sèchement l'allumette contre la bande rugueuse et la tête du bâtonnet s'enflamma dans un craquement sec. Immédiatement après être née, la flamme semblait mourir, soufflée par une maladie propre aux allumettes. Je me dépêchais donc de la portée près d'une des bougies du chandelier pour enflammer la mèche de cette dernière. Une fois fait, j'allumais les deux autres à l'aide de la première.  Ainsi l'on y voyait mieux. Je me mis à la recherche de ma torche. Puis je me dit que cela ne servait peut être à rien étant donné que le chandelier semblait une source de lumière suffisante pour continuer mon exploration. Au moment où je me faisait cette brillante réflexion, je vis le morceaux de bois au tissu imbibé que j'avais fait tomber. Tout comptes faits, la torche paraissait beaucoup plus légère et maniable que ce chandelier poussiéreux. Je le reposais donc sur le secrétaire, me servait des bougies déjà allumées pour enflammer l'extrémité de ma torche, puis, toute contente d'avoir enfin de quoi illuminer les ténèbres de l'arrière du château, je retournai grimper l'escalier et m'enfoncer dans les profondeurs obscure de cette gigantesque demeure. 

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 15, 2019 ⏰

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