Le sentier blanc

5 0 0
                                    

Une fois remise de ma période de sommeil à durée indéterminée, le chef de gare m'aida à descendre mon unique, mais non moins imposante, valise sur le minuscule quai auprès duquel s'était arrêté l'énorme convoi. Une fois hors de son train, le vieil homme avait l'air beaucoup moins sûr de lui. On aurait même pu dire qu'il n'était pas du tout à l'aise. A peine ma valise posée sur le béton du quai, aussi froid que l'air ambiant, je le vis qui se dirigeais à nouveau vers le tortillard d'un autre âge. 

"Vous ne faîtes pas une pause comme au départ ?" lui demandais-je d'une voix forte tandis qu'il s'engouffrait dans la voiture.

C'est à peine s'il se retourna pour me répondre :

"Non mademoiselle, ce n'est pas prévu dans notre plan de route. Nous devons repartir aussi vite que possible pour pouvoir prendre d'autres passager avant ce soir."

Et il ne dit rien de plus. J'entendis les pistons souffler, la cheminé cracha un jet de vapeur impressionnant, toute la machinerie s'ébranla et se mit en marche tout doucement. J'assistais, seule, au départ du train qui m'avait amenée dans ce trou perdu. Cette fois-ci, j'étais livrée à moi même. Je regardais autour de moi. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive dans  coin, donc potentiellement personne pour demander mon chemin. J'avisai, derrière moi, un petit sentier de cailloux blancs qui s'enfonçait entre ces rangées serrées d'arbres sombres. La Forêt Noire portait décidément bien son nom. Je résolu de m'engager sur ce sentier, n'ayant pas d'autres possibilités plus tentantes. Et j'avais bien fait. Et fait, dissimulé entre deux conifères, un poteaux en bois rudimentaire, soutenait deux panneaux pointus irréguliers fait à la main. Ils indiquaient respectivement : 

"LAC STEIN / CASTEL LONGUEVIE"

Je n'avais, finalement, pas mal fait de m'engager sur ce petit sentier et d'avoir croisé ce poteaux. Maintenant, je savais que ne me perdait pas à l'opposé du château. Il devait être quelque part dans les parages. C'est donc dans la direction qu'annonçait le panneau que je me lançais, portant ma valise à deux mains. C'est qu'elle n'était pas légère. je cheminais ainsi pendant près d'une heure, à ce que m'indiqua ma montre, suivant toujours le même chemin de cailloux blancs, tentant d'apercevoir quelque chose à travers l'amas d'arbre qui se dressait de chaque côté du sentier et qui se rejoignait au dessus de ma tête, formant pratiquement une voûte végétale qui masquait en partie le ciel gris et froid allemand du jour. J'essayai de voir si je ne croisais pas d'autres panneau comme le premier pour savoir si je me rapprochais de ma destination. Mais aucun signe d'une quelconque indication, jusqu'à ce que j'arrive brutalement à une intersection. Quatre chemins s'offraient à moi et, de prime abord, je ne savais pas du tout lequel emprunté. Je posai ma valise à mes pieds. La poignée me sciait les doigts à cause du poids et plusieurs fois déjà j'avais été obligé de faire une courte pause pour les laisser respirer. Mes mains étaient toutes rouges et me faisaient mal. Ce n'est pas que je n'aimais pas l'aventure, mais il me tardait de le trouver ce maudit château, parce que je commençais à en avoir marre de marcher toute seule dans cette forêt. Je regardais alentour. Je trouvais un nouveau panneau, esseulé cette fois-ci. Il était planté dans l'herbe, accroché à un piquet de clôture plus rudimentaire encore que le premier que j'avais vu. Il n'y avait que lui à ce croisement et, par chance, il indiquait la section du croisement à emprunter pour atteindre " CASTEL LONGUEVIE". A côté était peint un petit chiffre à la peinture jaune. Il s'agissait d'un un. 

"Pourvus que ça ne soit pas une heure de trajet..." suppliais-je à voix haute, un peu pour me donner du courage, tandis que je reprenais ma valise et que je me lançais à l'assaut du nouveau chemin vers le château de "L'oncle Jacques", nouveau chemin qui ressemblait trait pour trait à l'ancien. C'était, d'ailleurs, d'un découragement suprême dans la mesure où lorsque je perdais des repères visuels fixe, comme l'intersection, le panneau rudimentaire, je n'avais absolument pas l'impression d 'avancer vers ma destination. Heureusement pour moi, le un sur le panneau devait représenter le nombre de kilomètres. En effet, environ un quart d'heure après m'être engagée dans l'intersection, je vis que le chemin s'élargissait et que les arbres se faisaient plus épars. Derrières les cimes des quelques rares subsistants, on voyait apparaître le sommet d'une tour  crénelé en pierre aussi grises que le ciel. 

"Enfin ! m'exclamais-je, c'est pas trop tôt !" 

Et je pressais le pas, bien que ma valise soit de plus en plus lourde à porter, afin de rejoindre ce fameux "CASTEL LONGUEVIE" au plus vite. Le reste du chemin me parut beaucoup plus rapide à parcourir que tout ce que j'avais fait précédemment. Une petite variante pour la fin de ce sentier rectiligne de pierres blanches était ce tournant qui menait derrière un bosquet d'arbres noirs à nouveaux très touffus. A la sortie de cette portion courbe, je me trouvais nez-à-nez avec ce que je n'espérais plus trouver : un grand château pierre de taille grises, flanqué de deux tours carrées et crénelées. J'en laissai tomber ma valise tellement j'étais impressionnée. Je restais admirative devant l'aspect compact de l'ensemble. Après quelque secondes, mon regards commença à s'attarder sur les détails de la structures et mon enchantement disparu : la majorités des pierres étaient lézardées, voire fissurées, une très grande partie du côté de la façade visible était mangé par le lierre et je remarquais deux ou trois fenêtres de la tour est cassées. Ce que je n'avais pas vu également, et je me demandais comment j'avais fait, puisque c'était juste devant moi, c'était le portail en fer forgé, si abîmé par le temps que ça n'était plus qu'un amas de tiges de rouilles qui tenait debout uniquement grâce au lierre qui le couvrait à moitié. 

"C'est une blague ?" dis-je tout haut, au bord de l'effarement.

Et mes tapisseries ? Et mes moquettes brodées d'or fin ? Je tentais de me rassurer en me disant que l'intérieur serait d'une toute autre nature. Ainsi, décidée, bien qu'a demi anxieuse, je m'approchais de l'imposante bâtisse. Je montais la volée de marche qui menait au perron et me retrouvai face à une lourde porte en bois massif qui avait aussi souffert des effets du temps. Avant qu'on ne se quitte, Maman m'avais glissé ceci à l'oreille : 

"Le notaire m'a dit qu'une clé de secours se trouvait dans un pot de fleur près de l'entrée du château. Ça ne devrait pas être trop difficile pour toi de la trouver n'est-ce-pas ? "

Effectivement, maintenant que j'était devant, ça n'était pas vraiment difficile que d'identifier le pot de fleur, seul objet de décoration qui ornait le perron. Enfin, je dit objet décoratif, c'est un terme générique. Ça n'était qu'une vasque en pierre rappeuse et qui abritait plus d'herbes folles que de réelles plantes fleuries. Je fourrageais quelques instants au milieu de ce fouillis végétal avant que ma main ne sente quelque chose de froid et de métallique. Je m'en saisi et levais l'objet à hauteur d'yeux. C'était une clé tout ce qu'il y avait de plus normale, un peu crasseuse à cause de la terre toutefois. Je l'avais trouvée. Maintenant, il ne restait plus qu'à savoir si elle ouvrait bien la porte de cette ruine.

Le Castel de LongueVieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant