La Grande Salle était habituellement utilisée pour les bals, banquets et autres réunions publiques d'ordinaire de moindre importance. Il s'agissait d'un énorme bâtiment capable de contenir tous les habitants du VIllage dans lequel on avait exceptionnellement monté une estrade pour les Anciens, ainsi que des bancs le long des murs, pour les villageois voulant se tenir au courant du déroulement des discussions.

    Avah avait déjà été une fois dans cette salle, et elle en gardait un souvenir merveilleux. Elle ne se souvenait plus pour quelle occasion c'était, mais tout l'intérieur avait été décoré de toutes les couleurs, et les enfants pouvaient se servir des bonbons à volonté... tant que les parents ne les voyaient pas. Elle se souvient avoir joué toute la journée avec ses meilleurs amis, se cachant, sautant, courant, sans jamais s'ennuyer une seconde.

    Aujourd'hui la salle était complètement différente. Aucune décoration, pas de table remplies de nourriture, pas de bonbons... Il y régnait en plus une ambiance qu'elle n'arrivait pas à décrire, mais qui lui donnait une impression de tristesse mélangée à de la colère. Car le brouhaha qu'elle entendait n'était pas composé de cris d'enfants et de rigolades comme ç'avait été le cas la dernière fois. C'étaient des cris, des disputes, comme si toutes les personnes présentes parlaient en même temps en essayant de se faire entendre des autres.

     - Pourquoi nous ont-ils abandonnés ?
     - Ça n'est jamais arrivé, la faute à qui ?

     Emyly sentait la peur dans la voix de la plupart des gens présents, mais aussi de la crainte, car il était impossible de savoir ce qui allait se passer si les Bienfaiteurs ne nous aidaient plus jamais.

     Un des Anciens se leva et demanda la parole d'un geste impérieux. Aussitôt le tumulte cessa et fit place au silence. Emyly reconnut le doyen, seul habilité à parler aux habitants au nom des Anciens.

     - Nous sommes face à une situation qui nous dépasse. Les Bienfaiteurs ont toujours répondu présent lorsque nous avons eu besoin d'eux. Aujourd'hui cet état de fait n'est plus. Nous ne savons pas si c'est définitif et nous n'avons aucun moyen de le savoir, tout comme nous ignorons pourquoi cela se produit. C'est pourquoi nous allons discuter des choix possibles et de ce qu'il serait avisé de faire.

     L'Ancien marqua une brève pause et balaya la salle du regard.

     - Cela concerne chaque habitant du Village, chacun de nous est potentiellement dépendant des Bienfaiteurs. C'est pour cette raison que, pour la première fois dans l'histoire des Assemblées des Anciens, vous serez toutes et tous invités à donner votre avis. Mais tout cela devra se faire dans l'ordre et le calme. Il ne sera toléré aucun débordement. Toute personne contrevenante verra son avis purement et simplement ignoré. Assurez-vous de venir sans enfant afin que tout se passe rapidement et efficacement. Merci de votre attention.

     L'orateur se rassit et le brouhaha reprit de plus belle. Mais cette fois un service d'ordre improvisé invitait tout le monde à sortir de la salle. Les doléances seront entendues dans l'ordre alphabétique des noms de famille pour les personnes s'étant préalablement inscrites. Ainsi tout devrait bien se passer et chaque villageois aura son mot à dire.

     Emyly, qui était postée près d'une entrée, fut une des premières à écrire son nom.

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