Head over Heels

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      Le "Head over Heels". Le commencement de tout histoire. Les flirts, les aventures d'une nuit, mon job, les ennuis avec mes parents. Quand on me demande ce que je fais comme travail dans la vie, je répond toujours avec assurance "Pole danseuse dans un club". Arrive alors toujours la question qui suit, mon âge. Du haut de mes 22 ans j'ai choisi une telle profession pour son originalité et la passion de la danse qui me ronge depuis que je suis gamine. Impossible de s'ennuyer. Chaque semaine, des numéros différents, des lettres d'admirateurs à lire,... Le bonheur si on y enlève la fatigue du boulot de nuit. J'ai commencé à travailler il y a un peu plus d'un an. À mon arrivée, les anciennes avaient tout fait pour que je mette les voiles. La chair fraîche ne les réjouissait guère à l'inverse de Tedd, mon patron qui avait été ravi en voyant ma démonstration à mon entretien d'embauche. Il est dur de se faire une place dans le milieu mais une fois qu'on la détient, on prend son pied. Lorsque j'ai annoncé mon nouveau job à mes parents, mon père m'a traitée de prostituée, ma mère a éclaté en sanglots et ils ont de suite décrété qu'il me dégotteraient un appartement pour que je prenne ma vie en main. Cela ne m'avait en aucun point vexée. Je ne prends plus jamais compte de leur avis, signe de délivrance pour moi. Je me doutais bien qu'il ne supporteraient pas de savoir mes allers et retours en pleine nuit. J'ai donc par chance trouvé un appartement trois pièces à deux rues du club.  Voilà comment a démarré ma vie active d'adulte.

   Actuellement je suis dans ma loge. Je me maquille. J'étale mon fard à paupière pailleté et mon rouge à lèvre. La musique à l'étage fait vibrer tout le bâtiment. La foule est présente ce soir. Je me lève et admire le résultat de ma préparation dans le grand miroir. Je me trouve belle. Ma tenue me va à ravir. Elle ne recouvre que peu mon corps. Les sous vêtements noirs brillants ornés de bijoux que je porte se reflètent dans la lumière de la petite pièce. Mes longs cheveux bruns apprêtés glissent en cascade de grandes boucles sur mes épaules. On toque à la porte, signe que je dois monter dans une minute. J'enfile mes chaussures à plate-forme vertigineuses. Je ne m'en sépare jamais. Simplement noires avec une semelle rouge, finies par des talons aiguilles plus que hauts. Je fais deux trois pas, je tourne un peu en rond. Comme chaque soir la pression me gagne. Une faible pression mais qui fait toujours vivre en moi cette passion du spectacle. J'entends des rires au loin et quelques applaudissements. Je gravis les marches. J'entre dans la salle. Elle est comble. Des dizaines de personnes sont attablées. Ma musique démarre. Je change de personnalité. Je réveille la danseuse allumeuse en moi. Les spots se teintent de bleu. Les hommes sont nombreux, certains accompagnés de leur femme. Le rythme prend possession de la salle, de moi. Mes battements de cœur s'accordent avec lui. Je vis chaque prestation comme si c'était la dernière. Je veux donner le meilleur de moi.

     Je joue avec mon corps, j'ondule sur la musique. Chaque geste est calculé à la perfection. Je monte sur la petite estrade bordant la barre au centre de la salle. J'effectue les premières figures. Je sais que tous les regards sont tournés vers moi. Même celui du barman qui a pourtant vu mon numéro un paquet de fois. J'exécute mes mouvements les plus complexes tout en gardant la chose sexy. Je me fais désirer. C'est pour cela que j'ai été choisie. Je sais mêler l'acrobatique au burlesque et les autres pole-danseuses d'ici ne savent faire que le côté danse érotique. Plus j'avance dans la chorégraphie, plus je sens la salle tendue d'excitation devant cette jeunesse provocante et inaccessible que je représente. Je vais bientôt avoir fini. Les paillettes de mon attirail se reflètent dans les projecteurs.
À l'approche de mon mouvement final, je remarque dans la salle, au premier rang, un nouveau venu. Il profite du spectacle comme tous les autres. Ce sont des habitués qui viennent ici généralement mais le beau brun ténébreux qui se tient là ne me dit rien. Il m'hypnotise l'espace d'un instant. Il dégage quelque chose de spécial. Je finis en grand écart le long de la barre. La musique s'arrête, je salue. Je suis applaudie. Malgré les dizaines de personnes faisant du bruit, j'ai l'impression qu'une d'entre elle en fait plus. Le nouveau. Il ne me lâche pas une seconde du regard même après que je sois descendue de scène. Je me sens soudain mal à l'aise. Lorsque je m'apprête à redescendre dans ma loge, je passe devant le bar. Joe me fait un signe tandis qu'il sert son mojito au client.
Je me saisis. Une ombre arrête mon élan. C'est alors que je retrouve le ténébreux. Je le vois de plus prêt à présent. Il porte une costume qui doit valoir une fortune. Ses cheveux sont plus foncés que je l'imaginais. Fine barbe, les yeux qui me semblent verts  transparents dans la lumière bleutée de la boîte, un visage avec des traits fins et dur à la fois. Une bouche charnue, presque attirante...
Je me ressaisis quand je comprend que je l'ai fixé un peu trop longtemps. Il me sourit. Il est trop vieux pour moi, il doit avoir dépassé la trentaine.

Prosterne-toi ou je te soumettrai...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant