Petites Histoires [Edition 2018-2021]

Toi et moi

Ton rythme cardiaque est une mélodie si douce et plaisante. Une preuve de la réalité des événements, une preuve que tu es bel et bien vivant, là, à mes côtés.

Je ne peux m'empêcher de caresser ta peau pendant que tu dors, fermant les yeux, me blottissant un peu plus contre ton corps.

Cette sensation si plaisante, je l'ai longtemps prise pour un rêve qui ne se réalise qu'auprès de quelques personnes.

J'ai longtemps cru diverses choses et encore maintenant je crois en certaines idées. Pourtant ce sont ces idées qui font de moi ce que je suis, n'est-ce pas? Me les retirer serait me changer, ce que je ne tolérerai pas de la part d'autres personnes peu importe le lien qui nous unirait.

Je ne suis pas un enfant "malheureux", je ne l'ai jamais été. Dans le sens où ma famille est et a toujours été tout ce qu'il y a de plus aimant et tolérant. J'ai une mère attentionnée et un père certes occupé mais à l'écoute de nos besoins. Être fils unique ne m'est ni un fardeau ni une bénédiction. Certains pensent autrement. Je ne m'ennuyais pas à être seul, je n'ai pas l'impression de voir une quelconque différence entre ma manière d'être seul et celle avec mes amis.

Si cela te dérangeait tant que ça, je l'aurais remarqué vu le nombre de coup d'œil appuyé que tu me donnais avant qu'on soit ensemble. Tu étais sans espoir tout comme ton meilleur ami. Vous aviez des orientations sexuelles complètement opposées pourtant ça ne vous a pas freiné relationnellement. Vous parliez ouvertement du sexe, plaisantiez bruyamment, taquiniez, matiez, réfléchissiez, hurliez. Vous étiez terriblement proches et encore maintenant votre lien reste solide. Étais-je jaloux? Non, j'étais même soulagé de ne pas avoir à partager ce genre de relation avec l'un d'entre vous. Vous étiez tellement opposés à moi au niveau de la personnalité que ça n'aurait pas donné grand chose. Et maintenant? Le suis-je devenu, étant donné le nouveau lien qui nous unit? Non plus. Je ne suis pas effrayé par le fait que quelqu'un d'autre attire ton attention. Je n'ai pas peur de te voir élargir tes horizons. C'est ton propre, pourquoi aurais-je à le modifier surtout au vu du fait que j'ai toujours détesté ce genre d'adaptation?

Je me souviens encore de cette époque. Cette époque où j'avais du mal avec le concept d'amour et de sexe. Cette époque où j'haïssais profondément les œuvres romantiques- enfin presque toutes-et les discussions orientées sport de chambre. Entendre des gens réagir aux corps d'autres me dégoûtaient. Pourtant je n'étais ni asexué ni aromantique. J'avais aussi mes propres pulsions que j'assouvissais à ma façon dans mon coin, et j'avais des fois cette sensation euphorique de joie après avoir lu un bon bouquin sur l'amour, un vrai, un rare. Ça ne m'empêchait pas pourtant de parfois me sentir dégoûté de moi, dégoûté du fait que je possède de telles pulsions, aussi naturelles soient-elles, j'espérais profondément finir par un jour devenir quelqu'un n'ayant plus ce genre de désir. Je l'espérais si fortement, si désespérément.

Ça ne m'a pas pourtant empêché d'être dans votre groupe d'amis, je n'étais pas traité comme le dernier des "coincés" ni comme un étranger. Je ne te regardais pas particulièrement, toi non plus d'ailleurs. Nous n'étions pas des désespérés, nous étions réalistes, peu égoïstes, nous voyions les autres, ils n'étaient pas invisibles comme je l'ai remarqué dans certaines œuvres, réactions fictives qui me révoltaient et me révolteront toujours aussi profondément.

C'est bien après, qu'il y a eu quelque chose. Quelques jours avant ton coming-out. Au début, c'était de petits coups d'œil mais tu n'as pas arrêté d'augmenter l'intensité de tes regards. Tu savais ce que j'étais, pourtant ça ne te donnait aucun droit de pouvoir tenter quoique ce soit et cela tu l'avais bien compris et respecté. Je n'étais pas une proie facile, ni quelqu'un de particulièrement difficile et inatteignable, j'étais juste...moi, tout simplement.