Attente insupportable

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Je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil à l'horloge, anxieuse. Les regards de certains serveurs ne m'aident pas. Ils pensent probablement qu'on m'a posé un lapin pourtant ce n'est pas vrai, n'est-ce pas?

Tu as dit que tu viendrais alors tu le feras. Tu es sûrement coincé dans un embouteillage et ton téléphone est mort ou bien l'as-tu oublié chez toi sous le stress. Oui probablement ça ne peut être que ça.

Je me tords nerveusement sous la chaise, tentant de résister à l'envie de te téléphoner. Ne pas regarder l'heure, ne pas regarder l'heure, me dis-je en vain avant de relever ma tête vers l'horloge.

45 minutes sont passées depuis l'heure convenue.

Tu as sûrement raté ton train et tu étais chez quelqu'un d'autre en dehors de la ville. Oui sûrement. N'est-ce pas?

Je les entends chuchoter derrière mon dos. Ces serveurs ont pitié de moi, je le sais. Je soupire et joue avec mes ongles vernis en rouge assortis avec ma robe.

- Excusez-moi?

- Apportez-moi de l'eau s'il vous plaît, dis-je presque froidement, coupant court à toute discussion.

Je ne veux pas de leur pitié, je te veux juste à mes côtés.

Et si tu avais eu un accident? Voire pire. Mes yeux s'ecarquillent à la pensée, mes lèvres tremblent légèrement. Je presse mes yeux.
Ne pas pleurer, mon maquillage coulera, je ne serai plus présentable.

Le bruit de l'eau versée me fait sortir de ma transe, je lève la tête croisant celui du serveur, impassible.

-Arrêtez de me regarder comme si j'étais un pauvre chiot abandonné, ça me tape sur les nerfs, je lance glacialement, agacée.

Celui-ci reste professionnel et s'en va une fois mon verre plein, partant s'occuper d'une autre table. Celle d'un couple, un vrai. Non sûrement encore un imbécile riche qui a réussi à trouver une gold digger présentable.

La sonnette de la porte tintille, je tourne ma tête avec espoir. Un espoir qui disparaît très vite à la vue d'un autre couple.

Le monde ne t'aime pas, tu es sûrement anxieux à l'idée de me faire attendre, tu es sûrement entrain de te presser.

Tu as dit que tu seras là alors je t'attends.

S'il te plaît, apparais. Je me lève et me dirige douloureusement vers les toilettes des femmes.

Non, pas encore. Je ne peux pas me permettre de pleurer, je n'aurai pas le temps de remettre mon maquillage en place, il apparaîtra sûrement durant ce laps de temps et me croira partie avant de s'en aller.

- Besoin d'eau?, me dit une voix masculine.

Je croise le regard du serveur de là tantôt, toujours aussi stoïque.

- Non merci, je lui réponds avant d'entrer et faire claquer la porte. Mes genoux tremblent, me faisant perdre mon équilibre.

Non non non. Il est sûrement en route. Il ne peut pas m'avoir fait ça. Pas encore. Non...

J'essaie de calmer mes mouvements respiratoires, ne voulant pas faire une scène. Un bref bruit à la porte me fait comprendre que le serveur n'est pas sorti.

- Allez faire votre travail!

- Mon travail est de faire en sorte que les clients ne manquent de rien.

- Vous me bouffez mon espace vital et ma tranquilité, quelle ironie!

Un silence et des bruits de pas qui s'éloignent, me font comprendre qu'il a pris en compte mes mots.

Je me mordille la lèvre et me relève comme je peux avant de me diriger vers le miroir. Je me regarde, je regarde ce visage aux traits tirés par l'anxiété, au bord des larmes, la bouche entrouverte.

-Oh mon Dieu. Quelle horreur, je chuchote avec choc.

J'essuie avec précaution mon début de larme. Je depoussière ma robe et vérifie si je peux encore faire mon plus beau faux sourire. Parfait, ça devrait aller. Il me faut juste attendre, le restaurant ne fermera pas de sitôt.

Je sors, rechargée de nouveau. Mon regard croisant de nouveau celui du serveur ce qui me procure une certaine colère. Qu'a t-il donc à me coller et à jouer l'impénétrable avec moi? Pense t-il vraiment m'avoir ainsi? J'ai une parfaite idée de ce à quoi il pense. Je lui aurais bien exprimé mon opinion à ce sujet si on n'était pas dans cette situation.

Je me rasseois sur ma chaise, pensant avoir créer une solide coquille pour les trente prochaines minutes du moins. Je tente de m'occuper avec le peu que j'ai, prêtant le moins possible attention à l'horloge.

Petites Histoires [Edition 2018-2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant