Chapitre 11 : Atteintes à la morale.

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Jour 36.

Cela faisait trente-six jours que tout avait commencé. Trente-six jours que je voyais les membres de ma famille périr. Quasiment trente-six jours que je survivais dans ce monde dangereux, du haut de mes dix-sept ans, avec ma cousine Clémentine. On avait été séparé du groupe, c'est à dire de ma mère, ma sœur, Benoît, mon oncle, ma tante et Katrina. Trente-six jours qu'on s'en était sorti, mais cette fois-ci, en ce début de mois d'octobre, je sentais que perchés sur ce chêne, nos chances de survies étaient vaines. On tenaient dans des positions incommodantes depuis des heures et des heures sans savoir quoi faire. Je maudissais ce paquet de chewing-gum qui avait fait rappliquer tous les rodeurs qui étaient en train de se disperser.

- J'en peux plus là Jimmy, j'ai mal au bras ! gémit-elle.

- Je ... Je sais Clem mais faut tenir encore, ils vont finir par partir ! lui répondis-je.

Je savais que ce que je disais étaient faux. Vu comment les bêtes nous regardaient et se déchainaient sur l'arbre, ils n'allaient pas partir, ils étaient infatigables.

- Ou alors quelqu'un va venir de nous chercher en passant par là, ajoutais-je.

- Tu racontes n'importe quoi, on est seuls ici, personne ne va passer au beau milieu d'une horde, proféra Clémentine, bien trop paniquée pour rester calme. On va crever pu**** on va crever, c'est fini Jimmy ! hurla-t-elle.

Je la voyais qui commençait à se boucher les oreilles et à transpirer de peur, elle faisait une véritable crise de panique.

- Clémentine écoute moi, calme toi, fermes les yeux, penses à ton père, ta mère, ton frère, ta sœur. Souviens toi de ces vacances l'été dernier en Espagne. Tu t'en souviens ?

Elle acquiesça.

- Il faisait chaud n'est ce pas ? Le sable est brûlant. Je suis sûr que tu peux sentir l'odeur salée de la mer méditerranée enivrer tes narines. Tu ressens même la chaleur des gros rochers noirs de la crique où on était. Ton père explore les fonds-marins avec son tuba, ta sœur laisse se déverser sur son corps déjà bronzé le contenu du brumisateur. Autour des serviettes, c'est l'effervescence du pique-nique qui gagne le reste de la famille. Tu ressens toute cette joie ? Ce sentiment de liberté ? Tout va bien Clémentine, tout va bien.

En lui racontant tout cela, je m'étais moi aussi plongé dans mes pensées. Contrairement à elle, plus j'évoquais ces souvenirs, moins je me sentais en sécurité car je savais que tout cela n'allait plus jamais arriver, que plus rien n'allait être comme avant. Pour la première fois, je sentais que quelque chose en moi changeait. Je n'avais pas la même peur que quand nous nous étions cachés dans la maison de mon amie de la ville voisine au début de l'apocalypse. Ni la même peur que lorsque quelques heures auparavant nous courions de toutes nos forces pour échapper à la même horde. Je savais qu'on était fichu. Il fallait donc agir. Mais est-ce que ce que je m'apprêtais à faire me ressemblait ? Je ne pense pas. Est ce que cela était moral ? Je pouvais m'en sortir, seul, personne ne le saurait. Mais aurais-je la force de continuer de me battre après avoir fait ça ? Toute la culpabilité que j'aurais accumulée n'allais-t-elle pas finir par me tuer au final ? Si je le faisait, je sonnerais la fin de l'humanité. Tout espoir de reconstruction s'envolerait.

Alors, j'essuya la goutte de sueur qui tombait sur ma tempe.

- Voila, respires ... tout doucement, un deux trois... souffles... comptes jusqu'à trois et recommences, chuchotais-je à ma cousine.

J'essaya de me rapprocher d'elle et d'attraper son bras. Lorsque j'eus réussi, je fis le vide ma tête, je respira profondément en serrant le plus fort que je pouvais la main de Clémentine qui sanglotait toujours.

Face à la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant