Fin

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22 novembre 2048

Cher journal... Cela fait si longtemps que je n'ai pas pu t'écrire ! Je n'ai pas pu car on me l'interdisait. Tout ce temps, je l'ai passé à l'hôpital.

Il est temps que je te raconte ce qu'il s'est passé ce soir là...

Une voiture arrive, je dois y aller... J'entre dans la salle. Elle est très grande, il y fait très sombre et seulement les lumières de la scène l'éclairent... Il y a tellement de monde ! Je me dirige, tête baissée, au comptoir pour me servir un verre de Coca Zéro. Les gens se retournent sur mon passage... Ils me lancent différents regards, de pitié, de haine, de dégoût...

Je ne L'ai pas encore vu. J'ai peur de le voir. Que va-t-il dire ? Que va-t-il penser ? Que va-t-il ressentir ? Que va-t-il...

J'ai percuté quelqu'un. Non pitié, pitié que ce ne soit pas comme dans les livres, pitié que ce ne soit pas lui...!

« Fais attention où tu marches, le cadavre ! »

Ce n'était pas lui, mais juste une pimbêche... Je ne sais pas si je dois en être contente, au vu de l'insulte.

Après avoir contourné l'autre débile, je vais m'asseoir sur une chaise, contre un des murs de la salle. Et j'attends. La musique est trop forte, j'ai mal à la tête. Les basses me font mal au ventre.

« Viens t'amuser avec tout le monde ! Reste pas sur le côté ! Je m'appelle Éric, enchan...»

Oh non... C'est lui ! Je relève la tête, tétanisée. Lui aussi, est choqué. Il faut dire que j'ai changé... Mes joues se sont creusées, j'ai perdu mon bronzage, des cernes alourdissent mes yeux... Tout ça à cause de lui.

« Et oui, Éric. C'est moi, Maria. Celle à qui tu as pris sa virginité pour la plaquer le lendemain. Tu te souviens de moi ? »

Il me regarde, estomaqué.

« Je... Viens, on va parler plus.. euh.. Au calme. »

Je le suis en titubant, je vois assez trouble, mais j'avance quand même. On arrive dans une petite salle, une salle de repos, sûrement. On entend toujours la musique, mais d'assez loin pour qu'on s'entende parler.

M'étonnant moi même, je prends la parole.

« Ce jour là, quand tu m'as plaquée, tu as dit que j'étais trop grosse. Tu avais raison. Et maintenant, me trouves tu toujours aussi grosse ?

- Maria, je...

- Tout le monde a su. Tout le monde m'a harcelée. Sais-tu ce que ça fait, d'être harcelé pour quelque chose que tu te reproches déjà ? On me disait grosse. TU me disais que j'étais grosse. J'ai maigri. Je ne suis plus grosse. Mais désormais, m'insulte parce que je suis "un cadavre", "un zombie".

- Maria, je n'ai jamais voulu ça ! J'ai regretté ce que j'ai dit ! Je te le jure ! Je ne voulais pas te faire du mal !

- C'EST DE TA FAUTE, ERIC, SI AUJOURD'HUI J'AI À PEINE LA FORCE DE TE PARLER, LA FORCE DE VIVRE, la force de tenir... Debout...

- Maria !! »

La pièce tourne... Je vois double, et flou. Je n'entends pas très bien ce qu'Éric me dit. Éric... Je suis... dans ses bras ?! Quoi ?! Je suis tombée à terre...? Oh non... Je ne vois presque plus rien, juste du noir...

                       *******

J'ai fait un malaise, en criant sur Éric. Ridicule, hein ? Enfin... C'est tout de même lui qui m'a emmenée aux urgences, où j'ai immédiatement été mise sous perfusion... Après que mon état physique se soit stabilisé, j'ai été transférée dans une unité psychiatrique. J'y suis restée tellement de temps... Je n'avais pas mon téléphone, seulement le droit d'appeler mes parents, et de rares sorties... J'ai repris du poids, ils m'ont aidée à combattre Ana, cher journal, tu te rends compte ! Mia est partie depuis longtemps. Je suis sortie il y a quelques heures à peine, définitivement. Ils m'ont jugée apte à sortir et ne pas "rechuter". Ana est toujours là, elle me chuchote toujours que je suis grosse...

Même si je ne mange pas autant que je devrais, je mange, sans vomir par la suite, et c'est déjà un très grand pas pour moi.

J'ai repris 10kg, et je ne cesse d'en reprendre, gramme par gramme.

Éric est venu me voir plusieurs fois. Nous avons discuté. Nous deux, un avenir ensemble, serait peut être possible, mais très compliqué, pour pardonner. Pour que je le pardonne, et qu'il se pardonne lui-même. Il s'en veut énormément. Mon malaise, mon poids lorsqu'il m'a portée, l'a fait comprendre son erreur, et sa gravité. Il s'en veut, et ce jusqu'à ce que je le pardonne, voire même plus...

En bref, voici les derniers mots que je t'écris, cher journal. Tu m'as beaucoup aidée, mais j'ai décidé de passer à autre chose. Je tourne la page, j'essaie de changer.

Encore merci, cher journal, et adieu.

*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*

Voici la fin de cette histoire. J'espère que vous l'avez appréciée. Je tiens à finir en quelques mots :

L'anorexie - "Ana" - est une maladie, au même titre que la boulimie (vomitive ici) - "Mia".
Le harcèlement est une destruction pure et simple d'une personne.
Prenez soin de vous, et si vous êtes atteint(e) de l'une des deux maladies, alors courage. Faites de votre mieux, ne vous forcez pas jusqu'au dégoût, faites à votre rythme.

Bisous ❤

Un an pour rejoindre l'anorexieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant