Chapitre 3 : Le fils du Comte

148 6 8
                                    

Le lendemain, dès le début de l'après-midi, ce fût la pagaille.

Le matin, les orphelins avaient terminé les préparatifs pour la venue du Comte : tout en cuisine était prêt pour les repas du soir et du lendemain ; les plats qui nécessitent une courte cuisson serait mis au four par Angelica au bon moment ; et les plats à cuisson plus longue étaient en train de mijoter. Si le bâtiment avait pu, il aurait briller tant il était propre. Une fois leurs tâches accomplies et un très simple repas de midi englouti, tous les enfants étaient allés se laver et s'apprêter pour la venue de leur protecteur.

C'est à partir du moment où il a fallut mettre sa tenue que la situation dégénéra. Les garçons qui ne s'étaient pas préparés -et ils étaient nombreux- ne savaient pas trop quoi mettre, et les filles, bien que légèrement plus préparées, se disputaient des robes, ne trouvant pas les leurs assez jolies. Oronée, dépassé par cette agitation pour des vêtements, ramena un semblant d'ordre en ordonnant que les filles les plus âgées -surtout celles en âge de se marier- auraient la priorité sur les plus beaux vêtements. Quand aux garçons, ils n'avaient qu'à mettre leurs habits des jours de repos les plus propres, cela suffirait amplement.

Rose et Lizzie, qui avaient tout préparé pour éviter cette situation de stress, se changèrent et se coiffaient tranquillement dans leur chambre. Catherine n'alla pas leur réclamer de robe, déclarant que peu importe ce qu'elles mettraient, leurs tenues ne seraient jamais aussi belle que la sienne. Et peu importe leurs coiffe, la sienne sera toujours plus luxueuse. À ses yeux, si les demoiselles avaient la beauté, elle avaient sur eux l'avantage du luxe. Elles se contentaient de peu et achetaient toujours des vêtements et étoffes à bas prix, là où Catherine exigeait le meilleur des tisserands et tailleurs, ne trouvant jamais la qualité qu'elle recherchait. Elle était capable d'économiser des mois pour une étoffe de soie qu'elle jugerait médiocre après un mois d'usage.

Après une vingtaine de minute de préparation, quand elles sortirent de leur chambre, toutes les têtes se tournèrent vers elles. Elles étaient splendides. Bien qu'incapables de voir les auras, tous les orphelins ont cru voir de la lumières émaner de ces sublimes apparitions.

Lizzie avait une délicate tresse de cheveux blonds sur son épaule, des petites fleurs bleues piquées dedans. Rose avait simplement retenu ses très longs cheveux avec un ruban violet. Elles portaient des robes assez semblables et à leur image : simples mais terriblement élégantes. Le peu de dentelle et de broderies qui décorait leur toilette étaient si bien agencé qu'on aurait pu jurer que c'était le travail d'une bonne fée marraine -ce qui était à moitié le cas.

Gênées par tous les regards qu'elles attiraient, elles allèrent se réfugier dans la bibliothèque pour patienter.

Jamais les garçon n'aurait cru voir de filles aussi jolies ; certains regrettèrent même de les avoir rejetées et malmenées quand ils étaient enfants, s'ils avaient su que les petites sorcières pouvaient devenir de charmantes elfes. Dans leur coeur, ils les hissèrent au rang de reines, malgré leur tenue simple qui les mettait à peine à leur juste valeur. Les autres filles s'étonnèrent de ne pas ressentir la moindre jalousie. Elles découvrirent à quel point on pouvait être plaisante à voir, même sans maquillage, et qu'un rien pouvait nous mettre en valeur. L'espace d'un instant, ils étaient tous tombés amoureux, simplement. Même Catherine, choquée, admit intérieurement qu'elles étaient belles. Mais une fois le choc passé, elle fût la première à protester à voix haute :

"Qu'est-ce que vous regardez ? Ça n'a rien d'extraordinaire ! Elles sont tout juste passables. Moi aussi, je peux en faire autant."

Elle se prit bien sûr des remarques. Comment pouvait-elle s'aveugler à ce point ? Elle était la première à mettre une robe sophistiquée et y ajouter de futiles fioritures ostentatoires pour l'embellir. On pouvait au moins lui accorder un talent certain en couture et broderie : ses robes, bien que baroques, étaient toujours magnifiques. Mais peu adaptées au travaux manuels et aux tâches ménagères qu'on exigeait d'elle à l'orphelinat, et exigerait d'elle quand elle en partira.

La Belle et la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant