*Partie 11*

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 Comme me l'a dit Nao la veille, un homme est venu tambouriner violemment contre notre porte à huit heures pétantes. Je remets en vitesse les vêtements que je portais en arrivant ici, et sans un mot je suis Evelyne et son ami dans les couloirs. Tout se ressemble dans cette bâtisse, et je pense bien être capable de m'y perdre plus d'une fois si on me laisse seule pour m'orienter...

 L'ambiance est tendue entre nous trois. Depuis que j'ai passé la soirée avec les autres ils semblent contrariés. Mais pour quelles raisons, ça je l'ignore. Lorsque nous arrivons au réfectoire, nous nous installons dans la file pour prendre un plateau et choisir nos boissons. Une véritable cantine de pension ! Nao prend une tasse de café, un croissant et une pomme tandis qu'Evelyne prend simplement un jus d'orange et une pomme. Quant à moi, j'attrape le fruit, prend une tasse de thé et un croissant, en plus d'un jus d'orange. Oui, j'ai besoin d'énergie le matin... Ils ne m'attendent même pas et partent s'installer à une table, alors je m'empresse de les rejoindre. Avant d'arriver près des deux ados, je suis interpelée par l'une des filles qui était avec nous dans la chambre la veille. Elle me propose de venir manger avec eux en désignant la table où elle se trouve, et où j'aperçois Ronan et Curtis ainsi que d'autres dont les prénoms m'échappent. Je reste plantée entre les tables, j'ai envie de passer un petit déj' sympa avec eux, mais je ne veux pas me mettre à mal avec Evy et Nao. Curtis m'observe et semble comprendre, alors il me fait un signe de tête pour m'indiquer que ça ne pose aucun problème. Je finis donc par m'assoir auprès de mes deux colocataires et leur adresse un petit sourire. Evelyne soulève un sourcil et lance d'un ton froid :

― Tu ne vas pas rejoindre tes meilleurs amis ?

 Nao lui donne un coup sous la table mais elle ne bronche pas.

― Non, ce n'est pas parce que j'ai passé la soirée avec eux qu'on est devenus "meilleurs amis". Je veux partager mon repas avec vous, même si on ne se connait pas depuis longtemps, on peut dire qu'on est amis non ?

― Qu'est-ce qui te fais dire ça ? continue-t-elle sur le même ton. Pourquoi tu penses qu'on veut être tes amis ?

 Nao l'interpelle un peu trop fort et presque tout le réfectoire se retourne vers nous. Elle ne me quitte pas des yeux, et je vois qu'une braise est née dans son regard. Quoiqu'il se soit passé entre Evy et les autres, ça n'a pas l'air de la laisser indifférente. Et vu sa démonstration d'hier, l'énerver n'est pas une bonne idée.

― Excuse-là... murmure le garçon. Elle ne le pense pas vraiment, elle est juste... De très mauvaise humeur.

― Ne parle pas à ma place ! Non, moi je n'ai pas envie de devenir pote avec quelqu'un qui traine avec Ronan et sa bande ! Encore moins une pauvre fille rebelle qui se voile la face sur le monde qui l'entoure...

 Nao et moi restons interdit face à ses propos. Je sais bien qu'elle m'en veut pour hier, mais pas jusqu'ici ! Cette fois, c'est en moi que la braise s'allume. Je ne sais pourquoi, mais ma bouche s'ouvre d'elle-même et les mots qui en sortent le font sans retenue.

― Reste dans ta colère et ta rage si tu veux, gâche l'occasion de te faire une alliée de plus, c'est vrai que tu n'en as pas besoin avec ton caractère de merde... Vu le nombre de personne à cette table, on voit à quel point tu es appréciée dans cette pension. Ah et continue d'idolâtrer ton maître, il te donnera un biscuit si tu es sage. Suis bien ses instructions à la lettre, s'il te demande de mourir n'hésite surtout pas à gâcher ta vie pour lui. Car crois-moi, tôt ou tard c'est ce qu'il te demandera. Et quand tu seras dans l'au-delà, tu n'auras qu'à observer la pauvre fille rebelle qui se voile la face, elle vivra une vie libre et calme, Elle. Et contrairement à toi, elle ne sera pas un rat de laboratoire qui supplie son maitre de lui donner un peu de pouvoir.

 A ces mots, je me relève et attrape nerveusement mon plateau, puis me dirige à grand pas vers la table de Curtis. Ils doivent sûrement avoir compris ce qu'il vient de se passer, vu les regards gênés qu'ils me lancent avant de retourner à leur tartinage. Je m'assois donc à côté de Curtis, qui me glisse quelques mots à l'oreille lorsque je suis installée.

― J'aurais bien voulu te prévenir, mais ça n'aurait rien changé...

 Je ne comprends pas vraiment de quoi il me parle, mais tant pis. Je n'ai pas l'esprit à chercher plus loin. Les gens à la table dissipent rapidement la gêne qui s'est installée quelques minutes auparavant, et le petit-déjeuner est finalement très agréable. L'énorme pendule qui trône à côté de l'entrée sonne les neuf heures, et je vois tous les pensionnaires se lever pour aller débarrasser leurs plateaux. Curtis me fait un petit signe de tête pour que je le suive.

― Viens, si on se dépêche on aura les meilleures places.

― Les meilleures places pour quoi ? l'ai-je questionné en posant mon plateau sur la pile.

― Pour voir les combats !

 Les combats ? Quels combats ?

 C'est quoi cette embrouille encore...

Bêta - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant