C'était un jour assez sombre, le soleil était parti se cacher derrière des couches et des couches de nuages, donnant l'illusion que la nuit était déjà tombée alors qu'il n'était même pas seize heures. Iruwan adorait les journées comme celles-ci, quand l'orage menaçait après une semaine de chaleur intense et insupportable pour lui. Il était un garçon frileux, mais préférait encore claquer des dents emmitouflé dans trois gros pull et deux écharpes que transpirer à longueur de temps avec trente-cinq degrés à l'ombre. Autant dire que les quelques jours ayant précédé celui-ci avaient été éprouvants pour lui.
Il profita donc que la météo soit plus clémente avec lui pour quitter sa chambre douillette, et attrapa au vol ses écouteurs sans oublier, bien évidemment, son livre du moment. Iruwan ne sortait jamais sans un volume dans un sac ou sous le bras. Il adorait lire, plus encore que d'écouter de la musique, si cela était possible. Ce qu'il préférait restant, bien sûr, de faire les deux en même temps.
Il prit soin de bien refermer la porte derrière lui, sa sœur dormant encore en cette matinée de vacances ; et se mit tranquillement en route d'un pas traînant. Il n'aimait pas marcher vite, il détestait cette sensation de ne pas avoir le temps de faire les choses comme il l'entendait. Il n'était pas d'une taille immense mais faisait de grandes enjambées, donnant l'illusion d'une démarche typiquement masculine. Pour dire vrai, il était même légèrement plus petit que la moyenne, mais il s'en accommodait. Il sourit en contemplant ses pieds aux bottillons délacés. Il marcha encore un peu en se concentrant seulement sur ceux-ci, puis décida de lancer sa musique et enfila un écouteur en passant l'autre dans sa nuque pour éviter qu'il ne le gêne. Il laissa à son mobile le soin de décider de l'enchaînement des différentes mélodies, et erra sans réel but dans la ville presque vide. Les habitants étaient partis en voyage, ou se terraient chez eux, découragés par le ciel noir.
Iruwan se retrouva rapidement non loin de l'école qu'il fréquentait avant d'entrer au collège. Il se souvenait de quelques prénoms, mais le seul visage qui lui restait en tête était celui de son meilleur ami de l'époque ; avec qui il avait perdu contact lors de leur passage en secondaire. Après les cours, ils passaient souvent du temps près du lac qui se situait en contre-bas des bâtiments scolaires, parlant et riant des heures durant. Le futur étudiant suivit le sentier qui descendait dans les fourrés et parvint près de l'étendue d'eau qui paraissait terne sous cette luminosité. Il se rappela des multiples reflets qu'il pouvait prendre en fonction des jours, du temps, de l'heure et de tant d'autres facteurs.
Indéniablement attiré par ce lieu renfermant tant de souvenirs, il s'approcha du ''banc''. C'était en réalité une bricole qu'ils avaient fabriquée eux-mêmes dans le bois brut d'une souche qui se tenait autrefois là. Ils l'avaient taillée, découpée et polie pour en faire un banc confortable sur lequel ils avaient passé des années. Cela leur avait pris presque trois mois pour qu'il soit utilisable ; et ils l'avaient laissé inachevé, la version primitive qu'ils avaient obtenue leur convenant parfaitement. Iruwan fit encore quelques pas et constata non sans surprise qu'il était devant une pièce taillée à la perfection, sans aucune trace des échardes et bosses auxquelles il s'était habitué. Il remarqua également que l'espace entre les pieds – dans lequel ils s'amusaient à passer, comme si cela les transportait dans un monde parallèle où personne ne pouvait les juger et les embêter – avait été considérablement agrandi. Retombant d'un coup en enfance, il se mit à plat ventre et se glissa dans l'interstice sous le banc. Il ferma les yeux, coupa même sa musique. Il espérait soudainement revoir Fabien.
Celui-ci n'était pas loin, et avait en tête l'endroit où se trouvait son ami d'enfance, sans le savoir. Il avançait d'un pas vif, son couteau suisse tournant entre ses doigts. Il comptait, encore une fois, améliorer sa – leur – création ; graver dans le bois était devenu pour lui comme une passion. En ce jour d'orage, il se demandait ce qu'il était advenu du garçon avec qui il était si proche étant jeune, et dont il avait oublié le prénom pourtant original. Il savait cependant qu'il avait toujours eu peur des éclairs et du tonnerre ; qu'il se réfugiait dans ses bras quand les premiers bruits retentissaient, et que Fabien le consolait en le berçant doucement. Puis il y avait eu le collège, et... plus rien.
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Histoires Courtes
Short StoryDans ce recueil, vous trouverez des one-shot écrits sur un coup de tête, la plupart du temps. Ils ne sont pas très longs, ne se suivent pas. Je ne mettrai probablement pas à jour de façon régulière. Le premier texte est celui écrit dans le cadre du...