Dessin

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Adja sortit comme toujours son carnet, fouilla dans son sac pratiquement vide pour trouver sa trousse de dessin. Il la posa soigneusement sur la petite table ronde devant lui. Il était installé dans la cafétéria de son lycée, près des grandes fenêtres et assis de façon à être face au reste de la pièce. Celle-ci était toujours très lumineuse de par ses nombreuses ouvertures, et constituait le lieu parfait pour s'adonner à l'art. Adja appréciait donc particulièrement s'y rendre durant les multiples trous parsemant son emploi du temps. Il écoutait les bribes de discussion lui parvenant, contemplait les groupes d'amis riant et bavardant entre eux, dessinait au fur et à mesure que l'inspiration lui venait. C'était d'un mouvement, parfois juste d'une expression fugace qu'il tirait ses plus beaux dessins.

Et, souvent, il observait Antoine. C'était un garçon de sa classe qu'il trouvait absolument magnifique. Il adorait le dessiner, à toute heure de la journée et en tout contexte. Bien sûr, il ne le pouvait pas toujours et, dans ces moments-là, il se contentait de le regarder en silence. Parfois, il souriait juste en voyant Antoine esquisser un sourire. Parfois, il riait en le voyant s'esclaffer avec un ami. Souvent, il était simplement impressionné par l'aura du garçon. Antoine dégageait quelque chose de merveilleux pour tout dessinateur : un dynamisme et un charisme à toute épreuve. De plus, Adja le trouvait très bien proportionné ; il appréciait retracer des yeux les courbes de son corps, la ligne de ses larges épaules, ses bras finement musclés. Antoine n'était pas très grand, pas forcément de ceux qu'on considère comme magnifiques, n'avait pas un visage qu'on qualifiait de parfait. Pourtant, Adja le trouvait résolument beau, et son avis sur lui n'avait jamais varié d'un pouce.

Il le dessinait donc dès qu'il le pouvait, en tentant de rester discret ; et ce jour-là ne fit pas exception à la règle. Sitôt eut-il ouvert son carnet à une page vierge qu'il avait déjà commencé à tracer les premiers traits. Antoine était presque de dos, discutait avec son meilleur ami en riant fréquemment. Il ne bougeait pas beaucoup, sachant pertinemment – malgré les efforts du dessinateur pour le cacher – qu'Adja était en train de coucher sur le papier ce qu'il voyait de lui. Il l'avait remarqué dès le jour de la rentrée, avec son carnet de croquis et ses éternels crayons, à jeter des coups d'œil insistants autour de lui pour graver dans ses mémoires quelques riens qui l'avaient marqués. Et qu'il réutiliserait dans ses dessins.

Antoine avait l'impression de plaire à Adja, et cela lui procurait un plaisir immense. Peut-être parce qu'il n'avait jamais été regardé de cette façon, peut-être parce que personne ne s'était vraiment intéressé à lui. Ou peut-être que c'était parce que c'était Adja, lui qui avait cette beauté exotique qui l'avait frappé à la seconde où il avait posé ses yeux sur le jeune homme. Il ne l'avait jamais avoué à quiconque, mais il le trouvait magnifique. Pourtant, il savait qu'Adja n'avait pas honte de le qualifier de ''beau'' – nombreux étaient ceux qui étaient venu le lui rapporter en lui soufflant qu'il était peut-être gay. Après tout, qu'est-ce que ça pouvait bien leur faire ?

Antoine se reconcentra sur Jérémy qui, bien conscient de son esprit naviguant ailleurs, argua qu'il était jaloux de ses talents d'orateur. Pour toute réponse, son meilleur ami éclata de rire, expression qu'Adja s'empressa de retranscrire en deux dimensions. Il griffonnait à toute vitesse, repassant sur certains traits pour les accentuer, en faisant disparaître d'autres par des ombres – il ne supportait pas de gommer. Il leva une énième fois les yeux, croisa le regard de Jérémy qui lui adressa un sourire. Il le lui rendit d'un air gêné avant de replonger dans son dessin, priant pour qu'il n'ait pas compris qu'il dessinait son meilleur ami.

L'heure suivante était en réalité double : deux heures de français. Cette matière était la hantise d'Adja ; pourtant, depuis le début de l'année, il y allait avec un entrain réel. Pour la simple et bonne raison qu'il était en diagonale avec Antoine, sur un îlot de quatre tables, et qu'il pouvait le dessiner sans problèmes. De plus, son modèle bavardait souvent avec Léa, et ne s'intéressait donc pas aux actions d'Adja. Une aubaine pour lui. À peine fut-il assis qu'il ajouta les dernières retouches au dessin presque terminé dans la cafétéria. Une voix près de lui le fit violemment sursauter :

- C'est super joli ! Mais c'est... Antoine, non ?

Adja croisa le regard de l'intéressé, balbutia un début de réponse avant de finalement répondre par l'affirmatif à Marion, qui terminait leur quatuor. Antoine esquissa un sourire discret. Ainsi il avait vu juste, le jeune homme le dessinait bien. Il était curieux de voir ce que rendait son travail, mais ne voulait pas le mettre plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà, alors il se contenta de s'asseoir en tailleurs. Ses affaires ne tardèrent pas à se retrouver sur sa table et il se munit de son stylo pour se préparer à prendre des notes.

Un bon quart d'heure passa ainsi, chacun planchant sur sa feuille pour ne pas perdre le fil. Puis, la professeure leur posa une question et les deux garçons relevèrent la tête d'un même mouvement, laissant leur regards se croiser. Antoine tenta de garder ce contact visuel, et Adja sembla le comprendre car il ne le rompit pas. Ils continuèrent à s'observer alors que les filles essayaient de comprendre le sens de l'interrogation de l'enseignante. Adja sentait ses joues commencer à chauffer, ses mains devenaient moites. Il savait qu'il perdrait bientôt ses moyens. Pourtant, pour rien au monde il n'aurait détourné le regard.

Puis, lentement, très lentement, les coins de la bouche d'Antoine remontèrent en un sourire, et cette simple expression sembla illuminer la salle. Il était absolument magnifique, ce fut comme une évidence pour Adja. Alors, sans un mot ni une intonation de voix, juste par le mouvement de ses lèvres, il lui souffla qu'il l'attirait. Et le sourire d'Antoine s'élargit alors qu'il levait le pouce pour lui signifier que cette attraction était partagée.

Ils ne se lâchèrent plus des yeux jusqu'à la pause, en oubliant même de noter leur cours, et tant pis pour le bac. Il y avait bien plus important.





Coucou !

J'ai un millier de trucs à faire pour la semaine prochaine mais hey, j'arrive pas à bosser et j'avais vachement envie de vous poster un petit quelque chose puisque j'avais promis une histoire d'ici peu mais que je ne l'ai pas encore mise en ligne.

Parlant de ça, je compte la repousser encore un peu parce que j'aimerais la poster sur la même période que celle durant laquelle elle se passe, c'est-à-dire autour des vacances de Noël (elle commencera 4 semaines avant celles-ci)

En tous cas, j'espère que ce petit one-shot vous aura plu, je vous dit à bientôt, bon courage pour les contrôles/devoirs/concours et que sais-je. Vous pouvez le faire !

Nezy

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