Chaud au cœur

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Un rire fluet s'élevait dans l'air, accompagné d'un nuage de buée éphémère qui fit s'exciter l'enfant. Il s'agissait d'un garçon, les joues roses, les yeux brillants d'une curiosité de tout. Il tournoyait sur lui-même au milieu des buttes de neige durcie, poussant des exclamations ravies ponctuées de cris aigus. Sa mère marchait quelques mètres derrière lui, les mains fermement campées dans les poches de son long manteau. Les températures n'étaient pas clémentes cet hiver, et personne ne se hasardait plus à sortir sans avoir de quoi se protéger le visage, par crainte d'éventuelles tempêtes. Bien évidemment, l'enfant voyageait à mille lieues de ces préoccupations, se contentant de rire de tout, de s'émerveiller des stalactites plongeant en arabesques compliquées vers le sol. Il finit par perdre l'équilibre, fit un pas en arrière et glissa, battant des bras. Il atterrit ainsi dans la neige, les fesses mouillées et un immense sourire aux lèvres.

Parfaitement consciente de l'éternelle admiration du monde de son fils, Loriane ne se précipita pas pour le relever comme plusieurs l'auraient fait. Elle se contenta de se rapprocher, vérifiant qu'il n'avait rien, tandis que le bambin s'élançait déjà à l'assaut de nouvelles découvertes. Owen ne sentait pas la morsure du froid, ses petites mains battaient dans la poudre blanche en de grands mouvements enthousiastes. Suite à cela, sa mère finit par le rattraper et réajusta son bonnet sur ses cheveux bouclés par l'humidité, un sourire attendri sur les lèvres.

Soudain, Owen bondit par-dessus une racine, disparut entre les troncs aussi vite qu'il le put vers une petite cabane recouverte d'un épais manteau blanc. Ç'avait probablement été un cabanon de jardin pour les outils ou le bois. Adossé contre le mur bancal, assis et la tête avachie sur le côté, un enfant gisait, endormi. Son visage était terriblement pâle, disparaissant sous une sorte de couverture qui le recouvrait partiellement. Loriane s'empressa de suivre son fils, se fraya un chemin parmi les branches couvertes de sculptures de glace, se cognant par moments. Elle arriva finalement près de la cabane où Owen tentait déjà de réveiller le garçon, le recula précautionneusement.

– Maman ! On ne peut pas le laisser ici !
– Bien sûr que non, mon grand, répondit le plus calmement possible l'adulte.

Elle déplaça alors délicatement la tête de l'enfant, glissant sesdoigts dans son cou pour y chercher une pulsation, n'importe quoi lui prouvant qu'elle n'était pas en présence d'un mort. Une vague de panique la prit quand elle se rendit compte que sous ses doigts, la peau était indubitablement froide et sèche. Elle chercha alors sur le poignet du bambin, mais rien. Elle se laissa tomber assise, et passa ses mains dans ses cheveux d'un geste nerveux, le souffle court. Owen laissa alors échapper un rire, faisant s'écarquiller les yeux de sa mère. Il montra du doigt le léger nuage qui se formait entre les lèvres de l'enfant avec un air candide et heureux. Comment était-ce possible ? Loriane rapprocha son visage jusqu'à sentir le souffle froid et court contre sa joue, puis se leva d'un bond. Les questions seraient pour plus tard.

– Il faut le mettre au chaud, s'écria-t-elle à son fils. On va le ramener à la maison, d'accord ?

Owen opina du chef, retira son bonnet pour en couvrir la tête blonde du garçon, puis s'élança en premier, dégageant le passage pour sa mère. Celle-ci, parfaitement abasourdie par les événements, déplaça le plus délicatement possible le bambin jusqu'à pouvoir le porter tout contre elle. Elle prit nombre de précautions pour s'assurer qu'il ne heurtât ni branche, ni glace ; et finit par arriver non-loin du hameau dans lequel elle vivait avec son fils. La route était, comme à son habitude, déserte depuis les tempêtes. Des blocs de neige s'amoncelaient dans les bas-côtés, rendait la progression des piétons difficile, tandis que la chaussée en elle-même était recouverte d'une couche de neige boueuse.

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