Seconde épine

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La créature dégageait une aura époustouflante, en accord avec son regard. L'homme ne peut lui faire face, seul son dos était exposé à Taekwoon. La silhouette est forte, musclée et sans aucun doute ferme, il respirait la puissance et avançait en terrain conquis. Dans un sens, c'était le cas. Il tenait dans le creux de sa main froide l'avenir de sa famille et le sien. Pourtant, quand bien même ses parents et ses soeurs reculèrent face au seigneur Wonshik, lui ne ressentit pas ce terrible frisson d'appréhension et de désir mêlé. Lui, ce n'était que de la fascination pour savoir ce qu'il était. 

Il ne faisait aucun doute pour lui que cet homme n'était pas humain, c'était une évidence. Il aurait presque pû gouter sur sa langue les relents de magie émis, comme toutes les créatures fantastiques laissaient dans leur sillage. Son père se doutait-il seulement du merdier dans lequel il s'était fourré ? On ne jouait pas avec un tel homme, on prévoyait un plan de secours. Et qu'avait-il donc demander pour que tous ses salaires depuis qu'il était en âge de travailler parte dans le remboursement de sa dette ? Ce n'était que folie ! 

Où est mon argent ? Vous avez du retard, humains, et je n'aime pas devoir me déplacer pour rien. 

Danger. Ce mot s'imprima dans l'esprit de Taekwoon en lettre de feu. Aucune négociation ne s'avérerait possible, ils devaient payer tout de suite ou affronter le courroux violent. Sa puissance était presque palpable, se conglomérait autour de lui. L'être s'enroulait dans sa puissance, prête à les faire plier à volonté. Et c'était sur lui, le fils prodigue, que sa famille avait placé la dette. Déjà, la mort semblait s'approcher de lui ....

Mon seigneur, commença sa mère, ce n'est qu'une malheureuse méprise. Votre argent va vous être remis tout de suite, veuillez nous excuser. C'est notre fils, notre bon à rien d'enfant qui n'a pas respecter son devoir. Que Dieu aie pitié de nous. 

Un terrible frisson lui traversa le dos. Sa mère l'avait donc bien jeté en pâture, presque comme on jetait un déchet, une pièce usagée et inutile. Cela s'avérait sans aucun doute un soulagement pour sa famille, de finalement le faire disparaître ... Sa gorge se serra alors qu'un poids lourd tombait sur son estomac. Une étrange humidité s'accumula dans ses yeux alors que l'air commençait à manquer dans ses poumons. 

Ils étaient sa famille. Même si leurs chemins avaient tendance à diverger, un reste d'espérance demeurait. Retrouver les jours heureux où sa famille l'aimait, se souciait de lui. Où son père jouait avec lui, que sa mère le réconfortait et le gâtait de nombreuses pâtisseries tandis que ses soeurs riaient avant de le couvrir de baisers. Le glas sonna définitivement sur ces visions du passé, une page se tournait définitivement et il ne pouvait rien y faire. Si ce n'était accepter cet état de fait et faire face à son destin et ne pas faire honte à cette famille qu'il aimait et aimerait sans aucun doute à tout jamais. Dommage que ce à tout jamais ne cesse bien vite. 

Laissez Dieu où il est, loin. Votre enfant n'a donc pas payé votre dette, c'est cela ?

Si Taekwoon ne voit pas totalement le visage de l'homme, il imaginait parfaitement le sourire moqueur de celui-ci. Le ton était sirupeux, mauvais. 

En effet seigneur, continua son père en hochant frénétiquement la tête et brisant un peu plus son coeur. Il est entièrement responsable ! 

La créature hocha lentement la tête, concernée par les propos. Silencieusement, une larme dévala la joue de Taekwoon. Peut être qu'ainsi, il apporterait la paix aux êtres qu'il aimait d'un amour si naïf. L'amour d'un enfant pour les siens, un amour qui pouvait résister à tant de chose. Un frôlement attira son attention alors que son étrange chat se frottait à ses jambes avant de se positionner devant lui, dans une attitude protectrice. Peut être que finalement, son absence attristerait certaines personnes.

Et où est-il donc, cet ingrat ?

Quelque chose le dérange dans le ton du seigneur : il n'entend rien de particulièrement mauvais, ou en tout cas contre lui. Du dégoût oui, sans aucun doute, mais pas envers lui. Des questions s'imposèrent à lui, qu'il chassa rapidement alors que doucement, il quittait son coin d'ombre. Pour une fois, il allait embrasser la lumière avec sa famille. 

Ce lâche est derrière vous, Seigneur. Même pas capable d'affronter ses erreurs. 

Il sent son corps trembler alors que le venin des paroles le frappent de plein fouet. Qu'a-t-il donc fait pour attirer autant de haine sur lui ? Il n'était plus temps de se poser la question. Déjà, il voit l'homme se tourner vers lui. Quel visage possède donc la mort ? 

Son souffle se bloqua lorsqu'il découvrit finalement la totalité de cet être. Le visage était fermé, les traits durs, pourtant quelque chose s'alluma brièvement dans les prunelles aussi noires que la nuit. Taekwoon n'eut pas le temps de le noter que son regard se porta sur le reste du visage. Une harmonie se dégageait de ces traits pourtant peu communs. Il n'était pas d'une de ces beautés classiques, mais elle prenait d'autant plus à la gorge. 

Seigneur

Sa voix aigue le fit rager, tant elle semblait fluette face à la voix grave de son vis-à-vis. Ses yeux se baissent par automatisme lorsqu'il sentit son père le fusiller du regard. Une mauvaise habitude gagnée lors des dernières années, lui qui pourtant, en dehors de ces murs, n'hésite pas à s'imposer. L'homme s'approcha, l'observa et lui tourna autour jusqu'à ce que son petit chat serpent ne feule de mécontentement et de rage. Ce n'était pas particulièrement contre lui en particulier, mais plutôt comme si la situation l'agaçait, que les simagrées l'ulcéraient. 

Aussitôt, il se jeta devant son ami et défia le seigneur, plantant ses pupilles dans celles surprises de l'autre homme. La peur faisait battre son coeur à grand coups. Qu'on jette son corps en pâture, brise son âme, mais il ne laisserait pas son ami se faire attaquer alors qu'il voulait le protéger. Il ne laisserait pas cela passer, pas lui. Un hoquet de stupeur résonna dans la pièce avant qu'un immense éclat de rire ne brise l'étrange humeur de la pièce. L'homme marmonna quelque chose dans sa barbe avant de soupirer et de sourire au petit félin, amusé. 

Je vous le prend en échange de votre dette, décida la créature sans poser la moindre question. 

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The beauty and the BeastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant