Dear you, I love you

Chapitre 6

Carnet d'Adèle,

Le 24 décembre 2017 à Paris

J'ai reçu un message de sa part me souhaitant de bonnes fêtes.

Ça fait un mois qu'on s'est pas vu. Un mois que j'ai plus aucunes nouvelles de lui et il ose m'envoyer une espèce de carte postale, comme si j'étais une cousine éloignée ? Je le hais. Je ne lui répondrai pas. Il ne sait pas que je pars et il n'a pas besoin de savoir. D'ailleurs, personne à la Fac ne le sait. Ni même Clarisse ou Roman, personne. Je crois que j'ai besoin de cette éloignement. Adieu la France ! Bonjour San Francisco ! Le cabinet d'avocat a répondu positivement à ma candidature lundi dernier. Je pars dans un mois. En plein mois de janvier. Je pars pour 2 ans. Quel chance que j'ai ! Je vais pouvoir revivre, c'est ma rédemption !

*

Aujourd'hui j'entame mes deux prochaines années de dur labeur dans mon nouveau cabinet d'avocat en tant qu'assistante/stagiaire. Je ne sais pas encore très bien ce qu'ils attendent de moi là-bas, je verrai bien. J'ai plutôt confiance en moi quand il s'agit de droit, je maîtrise mon sujet. J'ai presque été lauréate de ma promo à plusieurs reprises, cependant mes absences répétées durant ma dernière année m'ont un peu perturbées. Je ne cherche certainement pas à être la meilleure mais c'est vrai que je suis plutôt perfectionniste. J'aime le travail appliqué et ça correspond parfaitement à ma matière qui demande beaucoup de travail et d'organisation. Ma licence m'a même évitée de sombrer, c'est pour dire à quel point j'aime ce que je fais. C'est pour cela que je me réjouis et que j'ai tant hâte de franchir les portes de ce cabinet. A vrai dire, c'est la raison principale de ma présence ici. J'ai dû envoyer mon CV dans plus de 100 cabinets dans les États-Unis et c'est ce cabinet tant réputé, qui fut un des seuls à me répondre, et positivement en plus. Je crois que je ne réalise pas encore la chance que j'ai.

- J'angoisse pour toi Adèle ! C'est tellement stressant les premiers jours de boulot ! Lina se ronge les ongles devant moi, vautrée dans le canapé, son jus de concombre toujours près d'elle.

- C'est toi qui m'angoisse Lina ! Je rigole en sirotant mon jus d'orange. Tu sais, j'ai tellement hâte d'y être que je ne stresse pas du tout, bien au contraire ! C'est une aubaine pour moi de pouvoir travailler là-bas, je réalise pas !

Je prends mon jus et la rejoins sur le canapé. Au même moment, Isak descend de sa chambre, les cheveux en bataille et les yeux presque clos de fatigue.

- Salut les filles ! Je viens boire un verre d'eau et je retourne mourir ! Bonne chance Adèle ! Il esquisse un sourire et disparaît dans la cuisine.

Je le remercie en l'interpellant mais je n'ai qu'un râle en tant que réponse. Lina ricane mesquinement.

- Il avait rendez-vous avec une fille hier soir sauf que ça s'est mal passé donc il a appelé Noah... Ils sont rentrés à 5h du matin, bourrés comme des trous... J'ai dû les coucher et veiller à ce qu'il ne s'étouffe pas dans leur vomis... Des adolescents !

Lina a vraiment le cœur sur la main. Elle a un instinct maternel incroyable, j'ai l'impression qu'elle ferait tous pour ses amis et ça, je n'y suis pas habituée. Quand on cohabite avec l'égoïsme depuis toujours, la bienveillance et la générosité ça sonne bizarre.

***

Je pousse la porte de cet impressionnant cabinet. Le cabinet « Jones Day » immensément connu sur la « Bay area » et implanté sur plusieurs autres continents. Ce matin, je n'avais aucune idée de comment s'habillent les gens dans ce genre de corporation alors je me suis vêtue de façon très sobre, ça plaît forcément aux juristes. L'immeuble est immense, entièrement vitrée (un peu comme l'aéroport) et très très intimidant. Mes petits talons claquent sur le sol vernis, un café dans la main, j'ai vraiment l'impression d'avoir atterris dans la série « Suit » sauf que mon patron ne ressemblera certainement pas Harvey et Mike Ross n'arrivera pas à dos de son vélo. Quel déception ? Moi qui avait choisis ma carrière en fonction de cette série... Je gloussais doucement de mes propres bêtises lorsque une dame très apprêtée, assise derrière un comptoir en marbre très (trop) massif m'interpella, elle avait l'air exaspéré et me regarder avec un regard tout sauf accueillant.