Aline, Aloys, Inconnus

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-Il n'y a pas quelqu'un, dans son entourage, qui pourrait lui raviver des souvenirs !? demande l'homme en blouse blanche.

-Je peux avoir mon téléphone s'il vous plaît ? je finis par oser demander.

Silence.

-Bien-sûr, répond le docteur.

Il me le donne, je le remercie et les trois adultes reprennent leurs discussions. Je l'allume. Un fond de verrouillage apparaît. Deux bustes, un t-shirt rouge, un t-shirt jaune, des poches sur chacun et un bouquet de fleur dedans. Je fronce les sourcils. Figure également un message, d'un certain contact « Ma copine » et le début du message. « Al', stp, dis-moi que t'as pensé aux 6 eu... » Je fais glisser l'écran et un clavier apparaît. Des chiffres. Un code. Que je n'ai pas. Je repose mon téléphone et la femme me regarde.

-Mon amour, Aline va venir d'accord ?

-Qui est Aline ?

-Ta...

Elle semble déstabilisé un moment.

-Ta copine.

-Comment ça ?

Elle soupire et quelqu'un toque à la porte.

-Viens, entre, dis le docteur.

Une fille entre. Cheveux fous, tâches de rousseur, visage aux vagues airs d'un miroir brisé, elle semble avoir pleuré. Beaucoup. Elle me voit et accourt vers moi.

-Doucement, doucement, chuchote quelqu'un derrière.

La fille, après m'avoir quasiment étouffé, se redresse et dit d'une voix calme:

-Vous pouvez nous laisser seuls deux minutes ?

Personne ne dit mot et les trois personnes sortent, me laissant seul à seul face à la rousse.

-Aloys ? Tu te souviens de moi ?

Je secoue la tête.

-Aline. C'est moi Aline !

Je secoue de nouveau la tête.

-On se connaît d'où ?

Quelque chose semble se briser dans ses yeux.

-On est...on est ensemble...en couple ?

Sa voix est atrocement brisée sur la fin.

-Aloys, tu te souviens !?
Je ne dis rien, la dévisage fixement.

-Dis-moi que tu te souviens...

Cette fois, sa voix est implorante.

-Je suis ta copine ! Tu te rappelles !? On adore regarder Brice de Nice ensemble ! « Ambiance de folie, open bar toute la nuit, culotte facultative, toute sortie définitive » !

Elle a l'air profondément désespérée.

-Je suis désolé. Je...je ne me souviens pas de toi, je bredouille.

Une larme roule sur sa joue.

-Aloys, elle murmure. S'il te plaît. C'est moi. Aline. Aline. Aloys. Amoureux. Tu te rappelles ?

Je fronce les sourcils et soudain, elle s'agite et sort quelque chose de son sac à main. Une fleur. Une pâquerette je crois. Elle s'approche de moi, se penche et glisse la fleur dans la poche poitrine de la blouse bleue d'hôpital. Je la regarde faire puis je prends la fleur en la lui rendant.

-Pourquoi ? je lui demande en secouant la tête.

Une autre larme roule, slalomant entre les tâches de rousseur qui égayent son visage si triste.

-C'était...c'était notre truc Al'...tu te souviens ?

-Arrête de me demander si je me souviens, je ne te connais pas d'accord ? je dis en tentant de me contrôler pour pas crier.

La fille me regarde.

-Aline. C'est ton prénom ? je reprends plus calmement.

Soudain, une lueur d'espoir s'allume dans ses yeux. Elle hoche vivement la tête.

-Tu me reconnais !?

-Non, tu l'as juste dit y'a quelques secondes.

Et elle me regarde. Pendant un moment. Ses mains tremblent de manière pathétiquement fébrile. Puis elle se penche vers moi, se penche beaucoup, trop, ses lèvres frôlent les miennes, elle ferme les yeux et je la repousse doucement.

-Qu'est-ce que tu fais !? je m'exclame en tenter de ne pas élever la voix.

Et cette fois, elle pleurs pour de bon, des larmes se déversent par vagues silencieuses de ses grands yeux. Elle se lève, me regarde, derrière sa vitre de sel, elle esquisse une ébauche de sourire triste.

-Je reviendrais Al'. Je te le promets. Et tu te souviendras. J'en suis sûre.

Puis elle sort, me laissant avec ma pâquerette et son parfum qui emplit encore la pièce. Je n'ai jamais vu cette fille, je ne sais pas quel genre de relation on a pu avoir mais en tout cas, son visage ne me dit rien. Tout comme ceux des trois adultes qui reviennent.

Aloys [terminée☆]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant