2. Premier combat (version éditée)

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  Une fois l'instant de stupeur passé, Andrew se mit à rire. 

— Décidément, vous me surprendrez toujours, ma petite. C'est une manœuvre osée, mais ça peut marcher. Ils vont faire une drôle de tête, ces fils de Malfé. 

— Andrew, je vous confie la défense de Thurston. Choisissez deux housecarls pour garder le château avec vous et envoyez les autres se harnacher. Je descends me préparer et rassurer ma mère. Dites à nos guerriers de se tenir prêts. 

À cet ordre, le chevalier se mit en colère : 

— Je ne vous laisserai pas y aller, damoiselle, et à plus forte raison sans moi. Lord Dunstan me tuerait si je vous laissais lancer une attaque seule. 

— Andrew, j'apprécie beaucoup votre protection, mais j'ai besoin d'un homme de confiance pour défendre la forteresse et qui soit prêt à donner sa vie pour protéger ma famille. Vous remplissez toutes les conditions pour cette mission. 

— Lawrence peut s'occuper de la défense des remparts,il a autant d'expérience que moi. Vous ne pourrez pas m'empêcher de vous suivre, ma petite. Votre père vous a confiée à moi, je ne faillirai point à mon devoir. 

— Nous n'avons pas de temps à perdre en vaines discussions,s'impatienta Alinor. C'est d'accord, Andrew, vous m'accompagnerez avec les autres. En attendant, transmettez vos instructions à Lawrence et rejoignez-moi devant la herse. 

Alinor dévala les escaliers du chemin de ronde, puis s'engouffra dans la tourelle. Arrivée dans la cour, elle héla Wilf, un jeune palefrenier, et lui ordonna de seller sa monture avant de courir vers le donjon. Elle grimpa les marches de la grande salle, qu'elle traversa au pas de charge. Dans sa précipitation, elle renversa Élisabeth, sa petite sœur âgée de cinq ans. Elle remit la fillette debout en la consolant d'un baiser avant de s'élancer vers sa mère. Alinor expliqua succinctement la situation à lady Judith, puis elle lui demanda de rassembler toutes les femmes, ainsi que les enfants afin de les mettre en sécurité dans la haute tour. 

Tandis que la dame de Thurston appliquait les consignes de sa fille, Alinor se hâta de rejoindre sa chambre. Après avoir lancé son arc et son carquois sur son lit, elle se précipita vers son coffre. Brynn, sa servante, l'aida à s'équiper de son armure de combat. Alinor ôta son haubert, enfila son gambison et revêtit sa cotte de mailles annelées. Elle passa ensuite une longue tunique azur sans manche par-dessus,puis coiffa son heaume. Avant de quitter la pièce, elle attrapa d'une main son bouclier et de l'autre son épée, qu'elle glissa dans le fourreau pendu à sa taille. Ainsi armée, elle serendit dans la grande cour où l'attendaient des hommes d'armes. Wilf tint la jument par la bride tandis qu'Alinor se mettait en selle. Alors que les archers tiraient leurs dernières volées de flèches, elle inspecta rapidement ses soldats, puis ordonna de lever la herse et d'abaisser le pont-levis. 

Le baron de Fougères, qui venait de se faire bander l'épaule par son écuyer, s'entretenait avec Hugh, son maître d'armes, quand il entendit ses hommes crier. Il se retourna et resta un moment interdit devant le spectacle qui s'offrait à lui. Des chevaliers anglais sortaient au triple galop de l'enceinte des remparts. Armés de pied en cap, ils avaient l'épée ou la hache au poing. Ils étaient suivis par des combattants à pied, munis de boucliers ronds à ombilic et de lances. Ces diables de Saxons, non contents de lui résister, avaient le culot de faire une sortie et de lancer une attaque contre son contingent! C'en était trop! 

Furieux, Gauthier décida de leur donner une correction.Il arracha son heaume des mains de son écuyer et sauta en selle en poussant son cri de guerre. Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que plusieurs de ses chevaliers l'avaient imité. Il éperonna sa monture, dégaina son épée,puis se précipita à la rencontre de la troupe ennemie. Quand il arriva à proximité des remparts, les guerriers saxons et la première ligne de fantassins normands avaient engagé le combat. La bataille faisait rage et les assiégés avaient déjà éliminé plusieurs de ses soldats. 

Alinor se battait avec acharnement et deux Normands étaient tombés sous ses coups. L'épée n'était pas son arme de prédilection, mais elle savait la manier aussi bien qu'un homme. Son père avait demandé au forgeron de lui faire une lame sur mesure, suffisamment légère pour qu'elle puisse l'utiliser longtemps sans pour autant fatiguer les muscles de ses bras. Si elle ne possédait pas la force d'un homme, elle était en revanche plus adroite et leste. Sa dextérité la rendait imbattable pour feinter. De plus, son épée étant moins lourde, elle pouvait, si besoin, la brandir d'une seule main.Elle avait ainsi appris à manier la dague en même temps que l'épée, une arme dans chaque main, et cela déstabilisait souvent ses adversaires. Immanquablement, elle arrivait toujours à trouver la faille dans la garde de son ennemi. 

Gautier repéra de suite le chevalier vêtu d'azur qui conduisait l'attaque saxonne. Tout en se débarrassant d'un assiégé imprudent, il observa ce guerrier d'assez petit gabarit qui osait le narguer. Excédé par le nombre de soldats normands qui avaient été tués ou blessés depuis le début de l'échauffourée, le baron de Fougères décida de mettre un terme à la bataille en éliminant le chef des Saxons. Il se fraya,à grands coups d'épée, un chemin jusqu'à son adversaire,puis engagea un duel avec lui. 

D'emblée, Alinor lui assena un coup d'épée sur l'avant bras et Gautier, surpris par la rapidité de l'attaque, n'eut pas le temps de se protéger avec son bouclier. La blessure se mit à saigner abondamment, mais le chevalier ne rompit pas le combat pour autant. Alinor enchaîna plusieurs assauts que le Normand se contenta de parer. Ce faisant, il remarqua l'agilité et la précision extrême du guerrier qui avait  l'audace de le défier. Les attaques et les feintes se succédèrent sans qu'aucun des deux combattants ne parvienne à prendre l'avantage sur l'autre. Affaibli à cause de ses deux blessures et par le sang perdu, Gautier ne frappait pas son adversaire avec sa puissance habituelle. Alinor, quant à elle, compensait son manque de force par son adresse et sa vivacité.D'une simple pression des genoux, elle commandait à merveille sa monture qui voltait à la moindre sollicitation, la mettant à distance des coups du Normand.  

  Après dix minutes de combat acharné, Alinor vit avec satisfaction que ses housecarls avaient décimé une partie des troupes normandes. Elle leur ordonna aussitôt de se replier vers le château. Ce faisant, elle abaissa sa garde en donnant ses instructions à ses hommes. Profitant de l'occasion qui s'offrait à lui, Gautier passa au travers de la garde de son adversaire pour lui assener un violent coup d'épée sur le flanc. Sous la brutalité du choc, Alinor chancela sur sa selle.Elle dut s'accrocher au pommeau pour ne pas tomber. Voyant la jeune fille en difficulté, Andrew et son fils Royce se portèrent immédiatement à son secours. Pendant que son fils entraînait le cheval d'Alinor vers l'entrée de la forteresse, le vieux chevalier parait les attaques du Normand. Quand sa protégée passa la herse, Andrew rompit le combat et se précipita avec le reste des Saxons dans l'enceinte du château avant que le pont-levis ne soit relevé.Arrivée dans la cour, Alinor tendit son casque et ses armes à Royce. Puis elle descendit avec précaution de sa jument, la main pressée sur son flanc blessé. Sa tunique était rougie de sang sur le côté droit. Après avoir repoussé le bras de son vassal, elle gravit avec peine les marches de bois menant au grand hall du donjon. Elle réussit à faire quelques pas en direction de sa mère avant de s'écrouler sur le sol.Alors que les femmes rassemblées dans la salle commune poussaient des hurlements, lady Judith se rua vers sa fille en criant : «Alinor!»

Agenouillée auprès de la blessée, elle s'enquit d'une voix étranglée par l'angoisse :

— Andrew, qu'est-il arrivé ?

— C'est le baron normand. Il est passé au travers de sa garde quand elle a donné l'ordre de se replier.  

  — Montez-la dans sa chambre, nous devons soignercette blessure sans délai! 

Le commandant de la garnison souleva sa jeune maîtresse,traversa la salle et prit le couloir qui menait à l'escalier principal. Il gravit rapidement les marches, puis s'arrêta sur le palier du troisième étage. Dès que Brynn eut ouvert la porte de la chambre, le chevalier se précipita vers le lit pour y déposer le corps inerte de la jeune fille.  

Combat d'amour - Tome 1 [ 2018 ADA Editions - 2023 auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant