Chapitre 11, part 2

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Les réflexions de l'alpha l'avaient maintenu éveillé une bonne partie de la nuit, amputant sommeil et énergie. Il en était venu à la conclusion que n'ayant fait part à personne de sa petite enquête personnelle et n'ayant encore vu personne d'autre que Sabine Jorry il ne risquait pas grand-chose pour le moment. Personne n'était au courant qu'il avait compris plus ou moins tous ces non-dits dans l'affaire Chastain et donc personne ne viendrait le chercher pour régler des comptes à ce sujet. Il avait tout de même eu chaud, parler à quelqu'un d'autre de ses soupçons aurait pût être si dramatique qu'il n'osait plus vraiment les formuler à voix haute. Ce savoir l'avait torturé toute la nuit. Non pas car c'était étonnant, au fond Sabine avait raison : tout le monde savait déjà la vérité, mais parce qu'en dépit de tous les risques, de toutes les influences Jérôme continuait de vouloir la vérité. Peut-être était-ce aussi pour cela que le dossier était délicat à traiter. Alceo réalisa que sans doute son mentor avait voulus le protéger des mauvaises retomber du procès en lui interdisant de s'immiscer dans l'affaire. Et lui n'en avait fait qu'à sa tête, se pensant plus malin que son ainé sous prétexte qu'il était émotionnellement impliqué dans l'affaire ou que sa nature d'oméga l'empêchait d'être bien placer pour s'y atteler. Il comprenait tout juste à quel point il avait eu tords. Jérôme Chastain était peut-être le seul à pouvoir faire face aux ennemis de cette vérité enfouis : après tout l'oméga était un monument au barreau de Paris. Il était connu, suivit de très près autant pour ses déboires associatifs que pour sa verve dans les cours d'assise. Et surtout rien ne le faisait taire, aucun lobby ne l'avait jamais enterré, aucun échec ne l'avait jamais stoppé. Lui était increvable, dur au mal comme personne. Sa carrière était lacunaire, parfois il disparaissait un peu des grandes affaires mais un jour il reparaissait comme le phénix qui renaît de ses cendres, toujours aussi énergique et virulent et ce malgré les vents contraires et les attaques qu'il avait essuyé. Au matin Montemini pouvait conclure sur plusieurs choses : l'affaire Chastain était aussi dangereuse que compliquée, il était plus peureux qu'il ne pensait l'être, et Jérôme était bien plus admirable qu'il ne l'avait crû au premier abord.

C'est avec son regards neuf bien que cerné qu'il se présenta le lundi suivant au bureau. En ouvrant la porte il marqua l'arrêt. Il y avait encore des phéromones dans l'air aujourd'hui, cela arrivait de plus en plus souvent ces derniers temps. A croire que les oméga se donnaient le mot pour entrer en chaleur tous à la même période. Ce fait était étroitement corrélé avec une recrudescence soudaine du nombre de personnes qui venaient en panique à l'IDSC pour diverses raisons. En cette période le côté social prenait largement le pas sur celui juridique et Alceo qui n'était pas doué pour trouver des mots apaisants se contentait d'aider les bénévoles à trouver les informations à donner aux victimes de tous types. A côté de cela il construisait ses discours, essayant d'oublier dans le travail les découvertes qui le torturaient et lui retournaient l'estomac. Alors qu'il s'apprêtait à sortir déjeuner Jérôme l'interrompis :

« - Il y a un alpha qui attends depuis des heures dans le hall, tu peux t'en charger ?

- Vous savez que je ne travaille pas ici ? Je vous y aide mais je suis là pour devenir avocat, pas conseiller ou psychologue.

- Je ne suis pas plus psychologue que toi et nous avons déjà eu cette discussion. Vas-y, ordonna-t-il.

- Je ne comprends pas, vous n'avez personne et tous vos collègues sont occupé. En temps normal vous m'auriez dit de ne pas me mêler de ça. Vous savez comment je suis.

- Et bien là je te dis d'y aller ! Aboya-t-il sèchement ce qui surpris Alceo. Je vais manger, on se retrouve cet après-midi pour parler du dossier Morgan Hamilton.

- ... Très bien. J'y vais ... Bon appétit à vous, répondit-il acerbement. »

La réaction violente et acerbe de son mentor l'avait à la fois étonné, déçus et choqué. L'oméga qui avait tant de fois préférer débattre de ses propres ordres pour les expliquer l'avais congédié avec l'amabilité d'une porte de prison. Cela ne lui ressemblait pas. Ces derniers temps Jérôme n'était plus tout à fait celui qu'il avait rencontré le jour de son arrivé ici et cela le troublait. En temps normal ils déjeunaient souvent ensemble pour continuer de travailler pendant le repas et pour échanger. Ce n'était plus arrivé depuis plusieurs jours. Est-ce que l'oméga était plus fluctuant qu'il ne l'avait crût ? Où pire avait il eut vent des coups fourrés de son élève ? Cette idée effrayait le jeune alpha. Devait-il également craindre son mentor car il en savait trop ? Non c'était ridicule, Jérôme n'était pas directement impliqué dans cette affaire d'après ce qu'il en avait compris. La haine de l'oméga n'était donc pas issue de cela, sans quoi cette même théorie était complètement fausse, Alceo faisait fausse route depuis le début et Jérôme avait bien un lien crucial avec le dossier. Mais dans ce cas-là il ne serait pas devenu méfiant de voir Montemini si loin de mettre la main sur une preuve l'incriminant. Il était donc logique de penser que la colère de l'oméga venait d'une tout autre raison or cette dernière lui échappait complètement. Plongé dans ses réflexions et concentré sur ses interrogations quant à l'attitude fuyante et agressive de son aîné il ne vit pas que l'adolescent qui entrait dans son bureau était au bord des larmes.

Présumé coupableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant