Prologue.

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Where I stood - Missy Higgins

Il était encore tôt. Bien trop tôt pour que Jimin se laisse aller à diverses occupations autre que ses révisions de fin de semestre. Pourtant c'est bien ce qu'il faisait, davantage attiré par les notifications de son compte twitter que par les diagrammes circulaires que leur avait donné leur professeur d'Économie Politique. Les partages de vidéos drôles par centaine que faisait son ami de fac -et acolyte de connerie depuis presque deux ans- n'aidaient d'ailleurs pas vraiment à se replonger dans les chiffres barbants qu'il fallait pourtant apprendre.

    Autour de lui, sa chambre dégageait la même atmosphère relaxante que depuis le lycée. Les tons blancs et crèmes se mariaient à la perfection, offrant à la pièce sa dose de luminosité. La grande bais vitrée qui menait au jardin aidait également pas mal. À tel point que JongDae avait affabulé à la chambre le merveilleux surnom de « cocon de douceur ». Une véritable marque de virilité en soi...

- Jimin chéri ? L'appela doucement une voix féminine depuis l'entrée.

- Hm ?

    Il n'avait pas remarqué l'hésitation qui habitait sa mère, ni même les traits tirés par l'inquiétude qu'elle arborait alors. Dos à elle, les yeux plongés sur l'écran de son portable, l'étudiant faisait mine de l'écouter sans vraiment faire attention à sa détresse passive. Seulement lorsqu'une main vint frôler son épaule, quémandant sa sollicitude, ses yeux bruns se heurtèrent au faciès interdit de sa génitrice. Un visage habituellement empli de douceur, et désormais torturé par une nouvelle que Jimin fût certain de ne pas apprécier.

- Maman ? Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est papa ?

    Après plus de onze ans, Jimin était pourtant persuadé que le déserteur en chef de la famille ne remettrait plus jamais les pieds chez eux.

- Non mon cœur. Papa n'y est pour rien. Soupira-t-elle aussitôt.

    D'un geste tendre, sa mère l'invita à s'assoir près d'elle, sur le lit mal rangé de son unique fils. Cette fois, il se détacha entièrement de son portable, délaissant twitter et ses vidéos à caractère comique. Désormais, il voyait clairement son mal être. Sa gêne surtout. Il la devinait parfaitement, cherchant les bons mots. Ceux qui feraient le moins mal, qui causerait un chagrin plus doux et moins ravageur. Mais au fond, malgré tous ses efforts, aucun ne semblaient être assez apaisant.

- Écoute mon chéri... Je sais que tu n'aimes pas parler de cette histoire avec moi, et que tu préfères en discuter avec Mademoiselle Pratt, mais-

- De cette histoire ? La coupa Jimin, la mine perdue.

    Depuis ses dix ans, il y avait des milliers d'histoires qu'il racontait à Mademoiselle Pratt. Le mardi, une semaine sur deux, il lui confiait ses tortures et péripéties quotidiennes. Le grand fauteuil vert qui ornait son bureau était devenue, au fil des séances, son royaume à lui. Il était sa grotte aux secrets, son dépôts de soucis en tout genre. Au fil du temps, il avait vu ce fauteuil rétrécir, grandissant sans vraiment s'en rendre compte. Puis ses problèmes aussi, avait fini par grandir avec lui.

    Au moment où ses orbes se confrontèrent à la confusion peinte sur le visage de sa mère, il finit néanmoins par comprendre. Il la voyait s'emmêler les pinceaux, ses phrases se perdant dans un tourbillon dénué de sens.

- Je... J'ai eu Madame Choi au téléphone cet après-midi. Fini-t-elle par bredouiller.

    Le cœur de Jimin se serra aussitôt, sachant pertinemment remettre un visage sur le nom que lui avait donné sa mère. Un nom douloureux à entendre comme à prononcer, depuis un peu plus de deux ans.

- Maman... Dis-moi ce qu'il se passe au lieu de tourner autour du pot.

    La jeune femme se pinça les lèvres, martyrisant sans le savoir, le cœur déjà meurtri de son fils.

- C'est à propos de Zelo, mon chéri.

- Ils l'ont retrouvé ? S'enquis aussitôt Jimin, une bouffée d'air frais s'immisçant doucement le long de ses poumons. Il est rentré ?

    Sa mère glissa ses mains au creux des siennes, les serrant lentement sous le regard assoiffé de savoir que lui offrait sa progéniture. Ses yeux ne reflétaient pas de la joie, et Jimin remarqua qu'au fil des secondes, ils ne se remplissaient non pas de bonheur, mais plutôt de larmes. Sa mère n'avait jamais été douée pour jouer à cache-cache avec ses sentiments. Son visage était la vitrine même de ses émotions, dévoilant chaque brique de son intérieur sans réelle pudeur.

    C'est la raison qui poussa Jimin à détacher leurs mains d'un geste incontrôlé, comprenant que les retrouvailles avec Zelo ne seraient pas celles qu'il s'était toujours imaginé.

- Maman. Souffla-t-il d'une voix tremblante. Où est-il ? Ils l'ont retrouvé ou pas ?

    Un reniflement discret se fit entendre, poussant Jimin à se lever pour faire face à celle qui partageait sa vie. Une larme traçait déjà sa route sur sa joue rebondie. Puis une autre vint la rejoindre lorsqu'elle vit son fils en proie au même mal qu'elle. Celui que nous affligeait la perte de quelqu'un.

- Je suis désolée mon chéri. Peina-t-elle à articuler. Il est décédé... Il est mort il y a plus d'un an et demi, dans l'effondrement du BusanTown.

    Elle l'observa étouffer un sanglot, ses bras ballants trainant mollement le long de son corps. Un spasme le secoua tandis que son chagrin prenait peu à peu les commandes de son corps, laissant à celui-ci le loisir d'exprimer sa douleur. Deux bras entourèrent finalement l'étudiant, sa mère lui offrant une étreinte aussi douce que protectrice, lui promettant un lendemain plus ensoleillé, et un futur moi noir que leur présent actuel.

    Jimin entendait ses mots emplis d'amour, leur son glissant le long de sa peau telles des caresses réconfortantes. Pourtant la douleur ne s'en allait pas, figeant un à un chaque organe interne, sous le choc de son annonce.

    Chaque matin depuis deux ans, Jimin se réveillait avec l'idée de voir Zelo frapper à sa porte, un sourire désolé et une de ses fameuses tartelettes à la fraise en guise d'excuse. Il l'imaginait franchir le seuil de sa maison, déblatérant déjà des dizaines d'explications qu'il avait sans doute préparées en chemin. Il le voyait le prendre dans ses bras, comme un frère l'aurait fait, lui jurant finalement de revenir pour de bon. De revenir pour toujours.

    Mais demain matin, Jimin n'aura pas des rêves plein la tête. Il n'accueillera que le vide. Comme cette sensation d'avoir perdu sans même avoir joué. Demain matin, Jimin se sentira comme un livre sans mot, comme une toile sans peinture ; incomplet.

- Alors c'est fini... Souffla-t-il, les yeux arqués dans le vide.

- Oui chéri. Renifla sa mère. C'est fini.

    L'histoire avait eu son point final. Zelo était parti, laissant un mystère chaotique derrière lui, parsemé d'incompréhensions et de vide. D'une immensité de vide.

    Du moins, c'est ce que Jimin croyait.


« 'Cos I dont know who I am, who I am without you. All I know is that I should. »



°º¤Ø,¸¸,ؤº° À SUIVRE °º¤Ø,¸¸,ؤº°

Criminamitié (YOONMIN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant