Lettre 2 :

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NdL : j'ai bien cru que j'allais pleurer en écrivant ce chapitre. Dans ma tête c'était « Putain ! Simon t'as trop raison ! ». Je vous laisse découvrir pourquoi. ( au fait, je parle de Simon comme si il existait parce que les mots me viennent au bout des doigts, c'est comme si j'étais ce brave p'tit gars et que je souffrais avec lui )

Nous sommes dans la voiture, en route vers le cimetière. Devant nous, la camionnette noire qui transporte ton cercueil. Il n'y aura pas de cérémonie à l'église. Moon est protestante, Neny est athée, et toi, tu te fichais pas mal de ces histoires de religion. Avoir quelqu'un au dessus qui dicte nos actions, ça ne t'enchantait pas franchement.

Tout le monde est muet comme une carpe. J'ai mis mes vêtements les plus sobres. Ceux qui étaient étendus sur le séchoir. Je ne suis pas encore entré dans notre chambre. Peut-être irai-je après l'enterrement pour déposer des fleurs blanches. Ou peut-être pas.

Comme tu le sais, les parents de Neny ont quitté Madagascar durant leur jeunesse et personne de leur famille n'a été enterré ici, donc il n'y a pas d'emplacement réservé pour les Ranavalona.

Alors on est allé chercher le cimetière de la famille de la mère de Moon. C'est la seule qui est née en France de tous nos grand-parents. On était quand même une famille étrange.

Je crois qu'on arrive bientôt. Neny s'est remise à pleurer. Pour l'instant, tout ce que je vois à travers la fenêtre, c'est des champs et des arbres, qui défilent à toute vitesse.

Je ne suis pas allé en cours la semaine qui a suivi ton suicide. J'avais trop peur de devenir violent et de frapper quelqu'un que j'aurais cru être responsable de ta mort. À la place, j'ai erré dans la maison en marmonnant des jurons toutes les trente secondes pendant que Neny et Moon étaient au travail.

Moon prend une petite route sur la droite, à la suite de la camionnette. Au bout de quelques secondes, notre voiture ralentit puis s'arrête sur un parking en terre battue. Je vérifie que j'ai bien ta lettre dans ma poche. Elle y est.

Je n'arrive pas à croire que je vais te dire adieu pour toujours. Il m'est impossible de t'imaginer sous la terre, dans ta boîte à pourrir au milieu des asticots. Je ne te verrai plus jamais. On ne fera plus de tennis le samedi après-midi. On ne se retrouvera plus à la récré pour discuter avec María et Amélie.

J'ai tellement mal.

D'autres voitures se garent. Il y a tous nos grands-parents, le frère et les sœurs de Neny, les enfants d'une de ses sœurs, Étienne, sûrement Thomas, Amélie et María. Et puis d'autres personnes que je connais trop peu pour leur coller un nom.

Je suis à peine sorti du véhicule qu'un éclair châtain me saute dessus. Amélie pleure tellement qu'elle est méconnaissable. Tout son mascara a coulé, ses cheveux couleur noisette ne sont pas brossés et ses yeux sont rouges et bouffis.

Elle cale sa tête dans mon cou et commence à me parler dans une langue que je ne comprends pas :

- S... mon ! Pour... a ?

Elle s'écarte soudain de moi pour sortir un mouchoir de sa poche et se moucher avec un bruit de trompette. Je n'ai pas parlé depuis hier soir, alors quand j'ouvre la bouche, un murmure rauque en sort :

- Amélie, calme-toi.

- Impossible. Lucas est mort.

Et vlan ! Une grande claque dans les dents. Je sens les larmes affluer au coin de mes yeux. Une fierté mal placée me hurle de les retenir. Je respire lentement et serre la mâchoire.

Nos mères sortent enfin de la voiture. Neny est aussitôt encadrée par toute sa famille qui se met à parler à toute vitesse en malgache. Moon quant à elle, se jette dans les bras de ses parents qui se retiennent de pleurer.

Le jour où nous sommes devenus jeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant