Lettre 3 :

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Amélie me réveille en hurlant.

- Il est sept heures, debout là-dedans ! Je te signale que c'est ton grand retour aujourd'hui !

J'ouvre péniblement les yeux, l'esprit embrumé par le sommeil. La luminosité inexistante n'aide pas. Amélie a dû laisser les lumières éteintes pour ne pas réveiller Neny et Moon. Je baille une demi-douzaine de fois avant de m'asseoir sur le canapé-lit. Il fait froid. Je devrais demander à Neny de vérifier le chauffage. Amélie apparaît soudain dans mon champ de vision. Elle est habillée, coiffée, apprêtée. Je n'ose même pas me demander à quelle heure elle s'est levée pour être prête à sept heures tapantes.

Je tends la main pour attraper la télécommande de la télé mais mon amie la saisit avant moi.

- Pas question de commencer à flâner, tu vas te mettre en retard. Viens, j'ai préparé la table.

Je me lève en grelottant, enfile mes pantoufles et me traîne jusqu'au comptoir de la cuisine. Un bol, une cuillère et un verre m'attendent. Alors que je m'assieds sur le tabouret, Amélie me sert une grande dose de jus de pomme.

- 'mélie ! C'est pas ton rôle ça. Je sais le faire tout seul.

Je prends la bouteille de lait, l'ouvre et en verse dans mon bol. Qui déborde.

- Apparemment non ! se moque-t-elle.

Elle va chercher une éponge dans l'évier et me la lance. Son talent à jeter des choses à la gueule des gens fait que ma tête se trouve exactement sur la trajectoire de l'objet. Elle sait lancer la Amélie. Je m'essuie la tête avec mon T-shirt et éponge le lait qui a débordé.

- Bouge toi le derrière, faut encore que tu fasses ton sac et que tu te laves.

- Oui maman, je m'esclaffe.

Elle me donne une pichenette sur le nez en essayant de prendre un air réprobateur. Je m'empresse de prendre mon petit-déjeuner pour éviter de me prendre autre chose dans la face. Elle a posé des vêtements noirs sur le dossier du canapé. Ça veut dire qu'elle est entrée dans notre chambre.

Mes épaules s'affaissent. C'est parce que tu es mort qu'Amélie plaisante avec moi ce matin. J'ai soudain honte d'être heureux. Comme pour me narguer, le soleil commence lentement son ascension dans le ciel. Il ne souffre de la mort de personne, lui.

Je récupère mes habits et me dirige vers la salle de bain. Là-bas, je me débarbouille le visage, me brosse les dents et m'habille. Quand j'ouvre la porte pour sortir, je trouve mon amie qui attendait, montre en main.

- Allons-y maintenant que tu es prêt, dit-elle d'un ton agacé.

- Amélie ? Il est tellement tôt, pourquoi partir maintenant ?

- Parce qu'on doit retrouver María et Thomas devant le bahut peut-être ? Je te l'avais dit hier. Arrête de ne penser qu'à tes propres intérêts ! On existe nous aussi.

Pardon ?! Mais de quoi parle-t-elle ? Je n'ai jamais fait ça. Même en fouillant chaque recoin de ma mémoire, il ne m'apparaît aucun moment où j'ai été égoïste ainsi. C'est plutôt toi à qui elle devrait reprocher de ne penser à personne ! Partir comme ça, sans donner d'explications, et sans penser une seule seconde au mal que ça causerait.

Les gens nous ont toujours confondu, mais jamais Amélie. Ça commence à partir en vrille, si même après ta mort, elle ne sait plus quels traits de caractère appartiennent à l'un ou à l'autre.

La porte de la chambre de nos mères s'ouvre, coupant court à mes pensées. Nos parentes nous aperçoivent lorsqu'elles passent la tête par l'entrebâillement. On s'approche d'elles. Elle me collent un baiser sur le front et font la bise à mon amie.

Le jour où nous sommes devenus jeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant