Je saignais. Le soleil venait à peine de se lever que mon père avait déjà fait des siennes. J'avais juste renversé un peu de jus de fruits sur la nappe, par pure étourderie. Il était six heures et demi, je venais tout juste de me réveiller, je n'avais juste pas les yeux en face des trous. Mais il en fallait très peu pour déclencher une colère chez mon père.
- Tu peux pas faire gaffe, petit con ? a-t-il hurlé dans mes oreilles, en français, ce qui indiquait que son instinct reprenait le dessus (c'était sa langue maternelle). Puis il m'a giflé. Enfin, plus précisement, il m'a mis un coup de poing. Dans le nez. Je n'avais pas entendu de craquement : c'est bon, il est pas cassé.
J'ai attrapé un mouchoir pour le mettre sous mes narines sanglantes, tout en cherchant une éponge sur l'évier de la cuisine pour essuyer ma connerie, ignorant une douleur que je ne connaissais que trop bien.
- Dépêche-toi, le bus passe dans une demi-heure, a-t-il marmonné. J'ai bu d'une traite mon verre, et les goûts du jus et du sang se sont mélangés pour ne faire qu'une mixture infecte qui me fila une nausée d'enfer.
- Et oublie pas, ce soir tu seras tout seul, on a rendez-vous pour ta soeur à Reims à dix-huit heures, donc on sera pas rentré avant vingt heures. Bouge tes fesses maintenant.
J'ai acquiescé et ai gravi les escaliers quatre à quatre, je suis passé dans ma chambre pour attraper des habits, tout en essayant de faire correspondre l'ensemble. J'ai ensuite foncé dans la salle de bains et j'ai tourné le verrou. Une demi-heure. Une demi-heure pour aller mieux. Ne pas pleurer.
Surtout : ne pas pleurer.
Une larme a glissé le long de ma joue gauche. Ce n'était pas de la douleur, ou l'humiliation que je venais de subir une fois de plus. Non, c'était de l'ennui. De la lassitude. Un ras-le-bol que mon esprit et mon corps me signifiaient. Toujours se cacher. Ne pas poser de questions. Ne pas répondre à celles qui m'étaient posées. Passer pour la famille parfaite. C'était crevant.
Après avoir séché mes larmes, j'ai abandonné mes habits sur le sol de la salle de bains pour me réfugier sous une douche chaude. Un regard dans le miroir avant de sauter dans la douche me fit comprendre pourquoi j'étais fatigué. Quand je les voyais dans les vestiaires, les autres garçons n'avaient pas le corps tuméfié. Ils n'avaient pas de larges hématomes sur leur ventre ou leur dos. Ils n'avaient pas l'air ... cassé.
Il me restait vingt-cinq minutes pour finir de me préparer. Je me suis donc lavé en vitesse, pour faire disparaître le sang séché que j'avais sur le visage et les mains. Une douche, c'est toujours un nouveau départ. L'eau purifie. Renouveau. Je repartais de zéro. Nouvelle journée. Changer d'air et aller au collège me ferait du bien.
*
- Je suis tombé.
- Quand ?
- Ce matin, en venant au collège, ai-je soupiré.
Elle m'a regardé d'un air suspicieux.
- Jungkook, je suis ta professeure principale. S'il y a un souci, tu peux m'en parler.
Face à cette réponse toute faite, j'ai levé les yeux au ciel, à tel point que mes pupilles ont quitté le blanc de mes yeux, puis je me suis reconcentré sur mon exercice de maths. Je l'avais presque fini, j'avais fait les sept questions précédentes alors que tout le monde dans la classe s'était arrêté à la troisième. Mais cette saleté de dernière question me donnait du fil à retordre et je ne comprenais tout simplement pas pourquoi : elle était pourtant très simple.
- Bien... Tu iras quand même à l'infirmerie histoire de te faire examiner, et pour faire vérifier l'état de ton nez. Sache que je m'assurerai que tu y es passé, a-t-elle fini par dire avant de reprendre sa route.
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Cure Me ~ [taegguk]
FanfictionJungkook, jeune étudiant en lettres et langues, trouve le stage dont il rêvait. Ses compétences et sa motivation lui permettent ainsi de décrocher le job qu'il souhaite depuis toujours dans la plus grande maison d'édition de Paris. Il profite de sa...