Cure Me ~ [taegguk]

2 . Du Graal et d'un coup de vent

La manifestation avait ainsi pris fin vers quinze heures trente, et j'avais cours une demi-heure plus tard. Les flics continuaient de tourner dans les rues, entre les manifestants qui étaient restés sur place et qui comptaient bien reprendre la marche dès qu'ils en auraient l'occasion. Nous avions marché une heure et demi dans Paris, et tous mes amis se motivaient entre eux pour aller boire un verre, et organiser les vacances, qui débutaient le vendredi suivant. Nous avions tous décidé de partir à Londres quelques jours, entre amis, pour changer d'air, et aussi, nous ne nous mentions pas à nous-mêmes, refaire nos garde-robe. Je les ai lâchés devant une bouche de métro et j'ai pris la direction de la Sorbonne, où j'effectuais ma première année de master en littérature française et littérature étrangère, option édition.

Mes parents pensaient que ça ne m'apporterait jamais un travail stable. En effet, ma soeur avait fait une prépa et était ensuite rentrée dans une des écoles de commerce les plus cotées de Paris, où les frais d'inscription servaient uniquement à payer le diplôme qu'elle recevrait à la fin de ses années d'étude. Ce qui était certain, c'est qu'elle aurait un job, et un bon.

De mon côté, je n'étais pas certain de trouver un travail. Le monde de l'édition était extrêmement fermé, mais j'avais refusé, après le bac, d'intégrer une prépa comme ma soeur. Une double licence littérature/histoire avait largement fait l'affaire, et j'en étais sorti avec un solide quinze virgule six de moyenne aux examens. Ma soutenance sur les mythes (que l'on qualifierait aujourd'hui de LGBT+) dans l'Antiquité et au Moyen-Age m'avait permis d'obtenir une mention très bien sur mon diplôme, et m'avait ouvert les portes des meilleurs masters dans le domaine. Le thème avait été remarqué pour son audace et son originalité, selon les commentaires des jurys, et j'avoue avoir été fier de moi sur ce projet.

Cette journée était décisive : j'allais déposer un CV pour la maison d'édition Laurent, la plus connue de France et reconnue internationalement. Le siège se trouvant à Paris même, pas très loin de la fac, il me semblait illogique de ne pas tenter ma chance, même si, au final, je n'avais que très peu de chances d'obtenir une place de stagiaire dans la boîte.

Enfin, qui ne tente rien...

Je suis arrivé de justesse dans l'amphithéâtre, la prof venait de s'installer. J'ai descendu les escaliers en trottinant pour me trouver une place au milieu du quatrième rang, j'ai sorti mon ordi. J'avais juste oublié qu'il n'était pas en silencieux, et le bruit qu'il fit me fit arrondir les yeux. J'ai probablement rougi et pincé mes lèvres, ce qui m'a valu quelques regards amusés. Tout le monde se connaissait dans cette filière, donc tout le monde savait que c'était bien Jungkook qui ne savait toujours pas mettre son ordi en silencieux avant de rentrer en cours.

Je me suis excusé lâchement, et le cours de sémiologie a commencé. Aujourd'hui, on parlait des symboles dans la religion chrétienne, ceux disséminés un peu partout dans les légendes et dans la Bible. La professeure prit pour exemple celui du Graal, qui, selon elle, n'avait jamais existé sous la forme d'une coupe dans lequel le "sang" de Jésus avait été versé. Il semblerait plutôt que la légende du Graal s'inspire de la femme de Jésus de Nazareth, Marie-Madeleine, qui, en donnant des enfants à Jésus, avait effectivement accueilli le sang de Jésus en elle.

Ces deux heures et demi de cours avaient été les plus intéressantes que j'avais jamais suivies, et entendre une spécialiste détruire les signes religieux un par un avec scientificité et objectivité passait presque pour quelque chose de jouissif.

Le laps de temps passa à une vitesse folle, et en claquement de doigts, il était déjà dix-huit heures trente. Je devais filer à la maison Laurent. J'ai rangé mon ordinateur aussi vite que je l'avais sorti de mon sac et j'ai pris la direction de ma destination. Je ne m'étais jamais posé autant de questions en si peu de temps.