Plus le temps passait, plus les rendez-vous chez la psy passaient et plus je m'isolais. Je perdis alors le peu d'amis que j'avais et me renfermais sur moi-même. Je m'emprisonnais volontairement dans mon petit monde où tout est noir. Maintenant que je ne parlais plus avec eux, ils parlaient sur moi. Comment l'ai-je su? Tout simplement grâce à ces rapides coups d'œil narquois jetés dans ma direction, des quelques gloussements échappés à mon égard, le mépris des autres, le ton glacial que l'on employait dès que l'on s'adressait à moi. Les moqueries ne cessaient de croître, des mots tranchants m'infligeaient des cicatrices à vie: "paumée", "regardez-là, elle n'a pas d'amis", "elle fait vraiment pitié cette meuf", "mais t'as vu comment tu t'habilles? On dirait un sac poubelle!".
Quand on me disait que les gosses, ça ne se fait pas de cadeaux entre eux, je n'eus pas tout de suite compris. Quand on me disait de me forger une carapace pour l'avenir, je ne savais pas qu'il était fixé à demain. Le vrai sens de sens de ces paroles m'échappait complètement quand j'étais plus jeune. Et étonnamment, choses que je comprends parfaitement aujourd'hui me reviennent régulièrement. Nous sommes tous conditionnés comme la société le veut. Tu sors avec trop de garçons? Salope. Tu ne sors pas? Coincée. Tu es un coureur de jupon qui parvient toujours à ses fins? Winner. Tu t'habilles avec une jupe? Allumeuse. On juge trop souvent autrui sur son apparence ou ses actes. Mais au fond, sommes-nous vraiment comme les autres nous voient? Je ne pense pas. On juge les personnes sans connaître leur passé et le pourquoi du comment, la cause de leurs actes ou de leurs dires. Posons-nous une minute. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la personne en face de vous a "mal réagit" selon vous? Non, vous vous êtes peut-être juste contenté de juger ce qu'elle venait de faire en la dénigrant. On pourrait faire exactement la même chose avec des personnes qui ne sont pas "dans les normes" pour certains. J'avais juste envie de leur hurler ce que ça pouvait bien leur faire, que j'étais libre de m'habiller comme je le souhaitais et qu'ils pourront critiquer ma vie quand la leur sera un exemple - ce qui n'était, bien évidemment, pas le cas - mais je restais silencieuse face à tout cela: ils avaient une idéologie du "t'as tord j'ai raison" ou une autre remarque puérile à renchérir si j'osais leur répondre.
Les autres élèves de ma classe me jugeaient sans savoir la raison de mon isolement. Ils me dénigraient juste à cause de l'aspect que je renvoyais. Ils m'ignoraient sans savoir que j'avais perdu goût à la vie. Ils m'insultaient sans savoir que ma mère était morte. Je laissais alors ces remarques couler, passer comme une légère brise matinale. Sauf que ces brises se transformèrent peu à peu en tempête et m'emportait peu à peu dans un autre monde encore plus sombre. Mais ça, comment pouvaient-t-ils le savoir? Après tout, ils ne savaient rien et je ne disais rien. Un mur s'était dressé entre moi et aux, et cette fois-ci c'était ma parole contre la leur. J'en fis alors part à ma psy, Mme Allison. Cette dernière me répondit alors que je devais en faire part aux professeurs, mais j'étais réticente à l'idée de devoir dénoncer tous ces démons sur une liste, elle serait trop longue. Et puis, qu'est-ce qui me dit que je serais tranquille après? Qu'est-ce qui pourrait lui faire croire qu'ils ne s'acharneront encore plus sur moi qu'avant?
Je me levais difficilement comme chaque matin et me noyais - comme à mon habitude - dans de sinistres pensées et je préférais mourir plutôt que de passer un jour de plus dans une classe remplis d'imbéciles faisant office de panneaux publicitaires qui étaient au passage de véritables pigeons de la consommation. Ils me dégoûtent. Tous. Pourquoi c'est moi qui doit subir ces gosses arriérés? Tout ça parce qu'ils sont encore dans leur bulle, et qu'ils n'ont certainement pas connu la douleur ni le malheur, ni la vie telle qu'elle l'est. Vous avez certainement remarqué que l'on mûrit que lorsqu'on connaît la véritable difficulté, quand on commence à chuter et que l'on doit apprendre à surmonter nos propres peurs et nos propres problèmes, quels qu'ils soient. On apprends de nos erreurs, on apprend à se relever, on apprend de la vie. Cette dernière se résume donc à cela, au final? Apprendre. On ne cesse d'apprendre dans toue notre vie. Et c'est cela qui nous rend plus ou moins mature, on a vécu, on sait comment réagir et on connait les limites. Si vous devez avoir des regrets, vous devez les accepter et continuer à vivre. C'est ça les responsabilités d'adulte, pas vrai?
VOUS LISEZ
Sombre rêve
Teen FictionL'enfance... Un monde imaginaire rempli de fantastique. Jusqu'au jour où tout bascule sans crier gare. Parce que l'adolescence est une étape intermédiaire entre l'enfance et l'âge adulte, notre bulle imaginaire éclate et le sombre brouillard de la...