2. L'entrainement

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- Alors, ce vigile ?

Diane est en train de boire une tasse de café pendant qu'Alix feuillette un magazine. Je viens juste d'entrer dans la cuisine. Il est presque onze heures. Je me frotte les yeux du dos de la main et m'assieds en face de mes colocataires. Mes amies. Ma famille. Peu importe comment on les appelle, elles sont tout pour moi.

- Délicieux. Il aime la violence, en plus, ce fils de pute. Quelle baise de malade !

- Diane ! Surveille tes propos ! s'indigne Alix.

Je dissimule un sourire. Alix n'est pas coincée, mais elle a un langage plus distingué que nous autres.

- Ohhh, ça va ! C'est la vérité ! Autant appeler un chat un chat. Et toi, ton étudiant ?

Je hausse les épaules et claque des doigts. Deux tenues apparaissent devant nous, sur l'immense table en bois. Notre loft est très grand, mais presque vide. Nous déménageons souvent, nous possédons par conséquent peu d'effets personnels. Les meubles ne nous appartiennent pas, les photos collées aux murs datent d'il y a quelques semaines et les vêtements dans nos penderies sont nouveaux. Le salon ressemble à ceux qu'on voit dans les revues chics d'immobilier. Spacieux, brillant, épuré, cher. Blanc et vide.

- Pas mal, j'avais surtout très faim. Il m'a rassasiée.

- Tu n'as toujours pas...

- Jeune fille, quand Illéa se sentira prête, elle nous le dira, intervient Alix. Laisse-la tranquille, tu sais bien qu'elle ne réagit pas comme nous.

- Ce n'est pas parce qu'elle ne baise pas pareil qu'elle est aussi spéciale qu'on le prétend !

- Tais-toi, maintenant ! C'en est trop ! s'énerve Alix en faisant vibrer la table.

Diane fait une moue et sa peau blanche rougit. Elle m'a toujours enviée.
Je suis « un être à part », dans notre espèce. Nous sommes des créatures sensuelles, destinées à assouvir nos désirs sexuels afin de rester jeunes à jamais.
Mais je ne me contente pas de coucher avec un mec pour survivre. Je dois lui faire mal, le faire souffrir, le torturer et ensuite le vider jusqu'à ce qu'il n'ait plus aucune substance vitale en lui.
Mon côté sadique et cruel s'est révélé à mes douze ans.
Je sais ce que vous vous dites. Non, je ne couchais pas à douze ans. Je me contentais de tuer.
Depuis, je tue mes amants, ou plutôt, mes missions. Tous, sans exception. Et non, je n'éprouve pas de remord, je serais sans intérêt si c'était le cas. Je me dois d'être une parfaite meurtrière. Selon notre Supérieure, cette singularité fait de moi un être puissant. Elle est convaincue que je possède des pouvoirs enfouis. Je ne sais pas vraiment quoi en penser, je ne me considère pas comme différente de mes semblables. Ok, je peux aspirer l'âme de ces messieurs jusqu'à ce qu'ils en crèvent. Chouette ! Mais exceptionnel ? Diane est très jalouse de l'intérêt que me portent les S. Je me frotte le crâne pour penser à autre chose et indique les deux tenues.

- A ton avis, laquelle est la plus adaptée ? je demande à Alix.

- C'est à quelle heure, déjà ?

- Dix-huit heures. C'est un défilé organisé chez le prince de Monaco, je lui rappelle.

- Je vois. Le trench alors. Tu seras élégante sans trop attirer l'attention. Enfin... le moins possible.

Je me mors la lèvre et acquiesce en souriant. Alix a raison, je dois faire profil bas ce soir. Je n'ai pas un besoin urgent de ne nourrir, il faut éviter d'attirer les regards sur moi.
Il s'agit de représenter la boutique de lingerie dans laquelle je travaille à temps partiel aux côtés de Béa, ma boss.
Une longue soirée m'attend !
Je finis mon café et claque des mains pour débarrasser la table. L'assiette vide d'Alix et la tasse de Diane s'évaporent.

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