Chapitre 2

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Eléonore

- Votre couronne est de travers.

Mon regard est meurtrier, même réfléchi par le rétroviseur central de la Limousine. Yeux plissés, sourcils froncés, je mitraille ma cible avec mes munitions les plus létales. Pourtant, le responsable de mon courroux ne bronche pas. Ses pupilles glaciales ne s'attardent qu'un instant avant de se reporter sur la route.

Mais pour qui se prend-il celui-là ? Il critique ma tenue maintenant ? Les cours de self-défense à l'Académie des Gardes du Corps Bougons étaient dispensés par le frère de Cristina Cordula ou quoi ?

- Monsieur Ramsay a raison, Votre Majesté.

Une main rajuste adroitement le diadème et je lutte pour résister à l'envie de rembarrer ma responsable du protocole. Étrangement, je n'ai aucune envie de passer pour une mégère devant Colin Ramsay, même si vu le peu d'attention qu'il me porte, je suis déjà au-dessous du niveau de la mer sur l'échelle de sa considération.

- Miss Leham, je ronchonne, rappelez-moi pourquoi je dois porter ce truc qui pèse une tonne ?

Une tonne d'or sertie de 106 pierres précieuses, mais une tonne quand même. Je risque très sérieusement le torticolis.

- C'est la tradition, Votre majesté. Lorsque le souverain s'adresse au Parlement, il doit présenter tous les attributs royaux.

Présenter tous les attributs royaux ? Pourquoi soudain la vision d'un homme en train de « présenter ses attributs » devant un parterre de types à l'air concerné se matérialise devant mes yeux ?

Je suis nerveuse en réalité. Voire totalement névrosée depuis la perte de mes parents, et même avant cela, je dois bien l'avouer. Donc cette blague débile suffit à faire monter un fou-rire en moi.

Je me mords les lèvres de toutes mes forces, puis tente de dissimuler mon hilarité derrière une toux dont je perds rapidement la maîtrise.

Je vire écarlate, des larmes roulent le long de mes joues. Les remarques inquiètes de Miss Leham ne font que renforcer mon hystérie. Jusqu'au moment où je croise le regard de l'Ecossais. Ses yeux transparents en mode mer de glace plongent dans les miens, qui doivent ressembler à ceux d'un lapin atteint de la myxomatose.

Effet immédiat. Refroidissement de tout mon être comme si la prochaine ère glaciaire s'abattait sur la terre. Ce type pourrait suffire à lui seul à lutter contre le réchauffement climatique.

- Votre Majesté ! Tout va bien ? Etes-vous souffrante ? Nous allons faire venir le Dr Georges dès notre retour au Palais.

Ma chef du protocole extirpe de son sac tout un tas d'objets, façon Mary Poppins, et commence à essuyer mon visage, repoudrer mon nez, refarder mes pommettes.

Deux éternuements plus loin, je la repousse, parfaitement remaquillée... et totalement ridiculisée.

- Tout va bien, Miss ! Je vous assure ! C'était juste une petite quinte de toux, rien de gr...

Une voix sans émotion provenant de l'avant me coupe.

- Votre couronne est toujours de travers...

Mais quel connard celui-là ! Et à quoi elle sert, ma responsable du protocole, si elle ne sait même pas apprendre aux subalternes qu'on ne doit jamais interrompre la Reine. JAMAIS.

Non mais.

Plus le temps de répliquer, même par une œillade assassine, Luc, mon chauffeur ralentit, s'engouffre sous un porche et s'arrête dans la cour du Parlement.

 Drama Queen (Sous Contrat D'édition Chez Black Ink Éditions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant