Chapitre Sept

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Le trafic est dense en ce dimanche midi. Le trajet jusqu'à chez mes grands-parents me semble interminable. Moi qui ne suis pas très emballé à l'idée d'y aller, cette circulation au ralenti n'arrange rien.

— On est bientôt arrivé, nous informe Audrey.

— Chouette ! je ne peux m'empêcher d'être ironique.

Ma tante me lance un regard noir. J'ai tellement envie d'être ailleurs. Ce repas de famille va me paraître interminable. Je sais pourquoi mon grand-père nous a invités. Il veut savoir si tout se passe bien. Cela pourrait être une gentille attention mais quand on le connait, on sait que ce n'est pas gratuit. Au fond de lui, il espère que ma tante se plante pour pouvoir récupérer notre garde. Et ainsi pouvoir mieux nous contrôler et nous pousser vers le destin qu'il nous a choisi. Il est comme ça, un maniaque du contrôle, surtout sur ses enfants et ses petits-enfants.

Lorsque l'on se gare dans la rue où habite mes grands-parents, il est déjà midi passé. Connaissant mon grand-père, je sais que nous allons avoir droit à une remarque. Dans l'ascenseur, j'envisage de trouver une excuse pour m'éclipser mais je n'en trouve aucune de valable. Mon petit frère n'a pas l'air plus emballé que moi pourtant il prend sur lui et reste muet. À peine ma tante appuie sur la sonnette que ma grand-mère nous ouvre. Elle nous adresse son plus grand sourire et nous embrasse. Mon grand-père sort du salon avec son journal sous le bras. Les nouvelles sont-elles bonnes ? j'ai envie de lui demander mais à son regard, je doute qu'il est d'humeur à rire.

— Bonjour, on vous attendez, nous reproche-t-il.

J'ai envie de lui sortir une réplique cinglante du genre : on est en retard parce que je suis une dépravée. Cependant je me retiens, cela ne servirai à rien de jeter de l'huile sur le feu.

— Passons à table puisque vous êtes là, nous propose ma grand-mère.

On se rend tous dans la salle à manger. Avec Baptiste, on s'assoit d'un côté de la table, ma tante et ma grand-mère de l'autre. Mon grand-père est assis au bout de la table comme d'habitude. Le début du repas se passe sans accroc. Mes grands-parents et ma tante échange des banalités. Puis le plat principal arrive et mon aïeul décide de commencer son interrogatoire. Et pour faire durer le supplice, il commence par mon frère.

— Alors comment cela se passe dans ton collège ?

Mon petit frère, en bon garçon poli, finit de mâcher sa bouchée avant de répondre.

— Ça va. Les profs sont biens.

Mon grand-père semble satisfait.

— Oui c'est un bon établissement mais il faut que tu travailles bien. Il t'ouvrira les bonnes portes. Toi aussi tu pourras aller au lycée Saint Louis et avoir accès à de grandes universités, lui explique-t-il.

Ses réflexions sur les grandes écoles me gonflent. Si ce n'est pas ce que l'on veut va-t-il nous renier comme il l'a fait avec notre mère ? Mon père n'avait qu'un bac +2, et cela ne l'a pas empêché de devenir chef d'entreprise.

Mon petit frère n'ose pas prononcer un seul mot et se contente d'acquiescer, ce qui ne fait que jubiler le vieil homme.

— Et si les grandes universités ou écoles ne nous intéresse pas ? je ne peux m'empêcher de rétorquer.

Mon grand-père pose ses couverts et joint les mains devant lui. Tout à coup l'air se remplit d'électricité et les visages de ma grand-mère et ma tante se crispe. Audrey me lance un regard désapprobateur. Je sais qu'elle n'aime pas que je contredise le patriarche de la famille.

Le saut de l'angeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant