Fallen From Above

16

Odin rejoignit tout de suite Nótt, ne laissant aucunement le peuple s'ajouter à la célébration du triomphe des guerriers.

- Il faut vous hâter, ne perdez plus de temps, reprenez votre ronde !

Comme agressée, Nótt acquiesça en confirmant les paroles du roi d'Asgard.

- On devrait lui laisser le temps de prendre du repos, proposa Loki.

- Le temps sans elle a déjà été assez long, coupa Odin. Allez, mon enfant, vous ne craignez plus rien, la mère d'Hati ne peu plus rien contre vous.

Sans qu'elle ne l'eut prévue, une crainte subite s'installa dans son cœur, recouvrant son âme d'un voile significateur. Elle chercha le regard de Loki, le supplia de lever les yeux vers elle, dans un silence mortifère. Mais le Prince d'Asgard fixait le sol ou le lointain, incapable de lever les yeux, incapable de faire face à l'idole de ses passions nouvelles.

Nótt maudit alors les Ases, les Vanes, le monde et la lune pour sa condition. Quel désespoir ressentait-elle en ce départ, bien que prévu depuis sa chute sur Asgard. Hrimfaxi revenant vers sa maîtresse, Nótt fut contrainte de remonter sur son dos. L'assemblée habituelle des princes d'Asgard et des guerriers mâles et femelle les accompagnants étaient là, en l'attente de voir Nótt reprendre son chemin dans le ciel.

- Attendez le crépuscule, Asgardiens, dit Nótt en guise d'Adieu.

A cela, Loki leva les yeux, et son cœur se serra en se souvenant de ces mêmes mots qu'elle lui avait dit, et qui n'étaient dès lors pas adressés à cette assemblée, mais plutôt à lui seul. Le départ avait été tel que l'arrivée : inattendu et mal appréhendé.

Ne possédant rien, Nótt ne put rien oublier sur Asgard. Elle abandonna cependant beaucoup plus de choses qu'elle n'en possédait, à commencer par un visage, et pour finir par une vie ; la sienne, celle qu'elle avait essayé sur Asgard, celle qui lui était à jamais refusée.

Elle n'eut qu'à légèrement étalonner les flancs d'Hrimfaxi, pour qu'il pose son sabot un peu plus loin dans le vide, et prenne son élan pour trotter sur l'air, battant fièrement sa queue, oreilles dressées vers le ciel. Tous les Asgardiens purent assister au retour de Nótt, Hrimfaxi galopant maintenant en direction des nuages colorés qui surplombaient ce peuple légendaire. Il gravissait l'atmosphère comme s'il avait été sur une montagne en pente abrupt, et pourtant la tâche lui semblait facile.

Les célestes créatures disparurent lentement dans la pupille de Loki. Le jeune prince n'avait en son cœur que le vide de l'ignorance. Victime de ces horribles sentiments, il se sentit assaillit comme l'avait été le Loup juste avant, la carcasse de ce dernier baignant toujours entre l'eau et la terre. Il tourna la tête pour voir Thor et les siens admirer le départ de Nótt : l'hypocrisie de ses compères le mit hors de lui, mais il n'eut pas le temps de s'en écœurer que la puissante lumière du jour quittait déjà lentement le ciel d'Asgard, pour laisser place à la chaleureuse teinte de la nuit. Les étoiles se dessinèrent lentement dans le ciel, les ombres s'allongèrent, et tout s'obscurcit.

La Nuit avait retrouvé son ciel.

Loki tira le côté gauche de ses rênes, et s'éloigna des armées. Nótt galopait elle aussi maintenant, dans sa course infinie, Hrimfaxi heureux de retrouver ses foulées éternelles, pour lesquelles il était né.

Ainsi, l'explosion astrale qui avait fait naître l'amour entre Nótt et Loki, s'était tout à fait éteinte dans la sorgue(*).

(*) Sorgue signifie Nuit.