Chapitre 10

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Quelque part dans un endroit inconnu...

Je suis morte ? Râ est-il vivant ? Ah... Si seulement je pouvais savoir. Tout est noir, vide et... froid. La mort c'est effrayant au final. J'ai un pincement au cœur. Alors que tout était noir, je commençais à me voir mais dans d'autres circonstances... Je me voyais avec Râ, sur toutes les protections, j'avais l'air heureuse. Sur une, j'avais des enfants avec lui, sur l'autre on avait l'air d'avoir la trentaine et d'être toujours aussi amoureux. C'étaient des images ou des fragments de mon futur. Puis soudain, tout fut brisé dans mille morceaux, comme un morceau de verre qui s'éclate au sol. Mon futur était en train de se détruire sous mes yeux. C'est violent à vivre quand on a seulement 17 ans mais d'un autre côté, j'étais heureuse d'avoir peut-être pu sauver Ramsès II. Néanmoins, mon cœur était blessé d'un chagrin insurmontable. Je n'aurai jamais d'enfants, je ne partagerai pas sa vie, je ne vieillirai pas à ses côtés...

Je suis morte.

"Elia... dit une voix comme coincée dans un écho. Tu n'es pas morte...

- Q-que ? Qui êtes-vous ? Je ne suis pas morte ?

- Maât. Ta mère.

- Pardon ? Ma... mère ?

- Ma fille, je suis si désolée de ne pas avoir pu être là pour toi. Mais aujourd'hui ma fille, l'heure est grave... Plus que de mener une discussion sur qui je suis. Tu as sauvé un homme, tu l'as ramené et le prix à payer est lourd. Tu avais déjà consumé 15 ans de ta vie, en le sauvant tu as consumé une vie complète.

- Alors, je suis morte non ? demandais-je.

- Non. Même si je ne suis pas une bonne mère, je ne laisserai jamais mon enfant périr. Commença-t-elle. Si la destruction de mon âme peut te permettre de gagner encore quelques années de vie... Je le ferais.

- Maman... n-non... nous avons tant de choses à attraper... dis-je avec des larmes naissantes.

- Elia... Je te prie d'accepter ce cadeau. C'est le moindre que je puisse faire pour l'enfant issue d'un amour fort avec mon tendre époux. Ma petite... Prends soin des 10 ans que je te donne... Je t'aime.

- Maman !

- Adieu mon ange."


Alors que le noir persistait, j'avais l'impression que mon monde intérieur s'écroulait. Je restais dans le noir, pensant à ma mère. Une frustration était bien trop présente. La femme qui m'avait donnée vie, me donnait une deuxième fois vie tout en se sacrifiant.

Cette femme que j'avais toujours rêvé de connaître, partait de ce monde pour moi... alors que je ne la connaissais pas. Une tristesse infinie tomba sur mon cœur, c'est comme si j'étais orpheline une seconde fois. J'ai replongé dans le noir.


Je suis longtemps restée dans le noir le plus total. Ce fut paraître une éternité mais finalement, après cette éternité, je me sentis comme remonter à la surface d'une eau, qui jusque là était sombre et devenait de plus en plus claire à présent. Je ressentais la chaleur d'un doux tissu, mais aussi d'une présence. Et pour la première fois depuis longtemps, j'ai ouvert les yeux. Au départ ma vue était trouble, puis petit à petit, ma vision s'est améliorée et je pus voir toute la pièce qui était en fait notre chambre. Quand mes idées furent remises en place, je tournais la tête pour voir Râ. Mon cœur loupa un battement. Il était là, endormi, la main sur la mienne. Les larmes coulaient à flots sur mon visage, je devais paraître horrible et avoir une affreuse mine mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Alors que je bougeais pour m'asseoir, Râ sursauta et haleta en me voyant.

"... Néfertari !"

Je pleurais de plus bel et il me prit dans ses bras.

"J'ai cru ne jamais te revoir, pleurais-je.

- Moi non plus."

Pour la première fois, Râ eut des larmes. On pleurait tous les deux. Très vite, j'ai compris que mon corps faisait encore des siennes car des vertiges me prirent d'assaut. Râ, toujours inquiet, me fit me coucher. On m'expliqua plus tard que j'étais restée quelques jours dans un sommeil profond.

Avec les semaines qui passèrent, je restais toujours malade. Râ ainsi que les servantes continuèrent de me raconter la suite de la bataille. Un peu partout dans le continent, on m'appelait et me considérait comme une déesse. Ramsès II fut considéré lui aussi comme un Dieu, et l'ennemi se prosterna littéralement aux pieds de notre peuple.

Un soir, quand je fus prête, j'expliquais tout à Râ. Le prix que j'avais payé. Il y eut un vide, puis un sourire amer. Cependant, il fut à mon écoute tout en me tenant la main. J'étais condamnée à mourir à 27 ans. Je lui expliquais alors que dans mon monde, les légendes voulaient qu'il ait des dizaine d'enfants avec une multitude de femmes. Je lui expliquais aussi que je ne lui en voudrais pas. Il posa sa main sur mon visage.

"Tu seras un grand roi, sous ta domination l'Egypte sera en pleine prospérité. Tu vivras presque cent ans, tu auras des centaines de femmes et d'enfants, commençais-je à réciter mes histoires sur sa légende.

-Néfertari. Tu es la seule femme que j'aime. Je n'ai qu'une seule femme, et c'est toi. Le nombre d'enfants que tu pourras avoir sera le nombre d'enfants que j'aurais."

Alors que je doutais réellement d'un jour lui donner des enfants, il m'embrassa avec tendresse et continua de prendre soin de moi.


Au final, un mois était passé depuis mon "retour" et j'étais toujours faible. Alors que les hauts conseillers égyptiens apprenaient pour moi et ma faiblesse, ils se mirent à harceler Ramsès II sur le fait d'avoir des enfants rapidement pour avoir une descendance. Qui plus est, cette descendance aurait un titre très haut puisque j'ai considéré comme une déesse. Une sorte de psychose s'installa dans ma tête à propos d'avoir des enfants. J'avais 17 ans, et à cet âge ce n'était pas commun de parler d'avoir des enfants dans mon monde mais il est vrai que dans les légendes, la vraie Néfertari a eu un enfant à 14 ans donc leur peuple doit être habitué... Mais pas moi. 

Râ et moi-même aurions été heureux d'avoir des enfants, mais avec ma petite longévité de vie et ma santé bancale ça n'aurait peut-être pas été pertinent. Et puis... si ça se trouve je suis infertile.

Très vite, la psychose à force d'être harcelée pour avoir un bébé me donne l'impression que les jours passent trop vite. Râ se tache de me rassurer, en vain. Et finalement, un jour, alors que je recommençais à apprendre des activités normales : je fis un malaise au beau milieu du jardin. C'est Râ qui me trouva et qui tout panique, fit appel à tous les médecins du palais.

"Râ... Je vais bien je te dis... Je dois juste avoir forcé... Dis-je lentement."

Mais il ne voulait rien entendre. Ainsi, médecin par médecin, ils m'auscultèrent tous. A la fin, ils se mirent tous d'accord sur une conclusion.

"Félicitation Grand Pharaon et Grande Épouse Royale, un héritier est en cours de route."

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