CHAPITRE TRENTE-DEUX .3

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Elles restèrent silencieuses jusqu'à l'arrivée au champ de tir. Les deux compagnies de fusiliers s'y entraînaient encore avec la moitié des cavaliers. Les chariots de transports bien alignés dans un coin, autour du crâne de la fouine tuée la veille par Tranit.

Les hommes libres tournaient autour et commentaient l'incident. Les deux enseignes de Tranit ne purent s'empêcher d'échanger des commentaires à voix basse mais sur un rythme excité et de la regarder, admiratives.

Adacie s'en amusa et s'approcha de sa supérieure.

— Vous voyez mon commandant, elles aussi vont vous regarder comme je le fais.

— Sauf qu'elles sont moins impertinentes que toi. Reste assise Adacie, ta blessure.

La jeune fille obtempéra. Tranit fit garer son chariot à l'ombre mais un peu à l'écart des autres véhicules.

Elle mit sa casquette et descendit voir les officiers avec ses deux enseignes. Le capitaine et ses lieutenants l'accueillirent avec des félicitations que Tranit accepta malgré elle, puis ils lui expliquèrent les exercices qu'ils pratiquaient, l'avance en colonne d'assaut avec des tirs qu'ils qualifiaient de barrages.

Tranit leur demanda de s'occuper de ses deux enseignes pendant qu'elle discutait avec l'armurier. Celui-ci ayant vu son chariot arriver venait de s'y rendre avec un sac de toile bien rempli.

Tranit le retrouva alors qu'il installait un fusil et les outils d'entretien sur une seconde table qu'Adacie avait dressée. Tranit lui rendit son salut.

— Lieutenant Guix, merci de m'accorder un peu de temps.

— Tout l'honneur est pour moi mon commandant.

— Asseyez-vous, nous en avons pour longtemps.

Tranit s'installa face à lui, Adacie faisait la troisième pointe du triangle. La jeune femme installa sa carabine devant elle et la vida de ses munitions avant d'expliquer.

— Je ne vais pas revenir sur ce qui s'est passé hier soir, l'histoire est bien connue. Mais j'ai quelques questions, suite aux commentaires de l'adjudant.

L'officier s'étonna un peu.

— Quelles questions mon commandant ? Sur la carabine ? Je n'en suis pas un expert.

— C'est plus général. L'adjudant nous a fait remarquer qui si la carabine était très appréciée par les hommes de la garde, ce n'était pas pour son système, mais plutôt pour sa précision. Elle dispose d'un canon ra... rayé ? C'est bien ça ?

Le lieutenant confirma.

— Oui mon commandant et nous avons appris, grâce à sa seigneurie, que les canons rayés permettaient à la balle de voyager plus vite et plus précisément. C'est pour cela que la carabine est plus efficace qu'un fusil, pour un canon plus petit d'une paume.

— Oui, merci. Donc hier, face à une grosse cible même mouvante j'ai pu toucher douze fois à près de deux cents pas.

— Deux cent dix-sept pas, mon commandant, la prévôté a mesuré la distance pour son rapport.

Tranit remercia l'armurier pour la précision.

— D'après les témoins, j'ai tiré extrêmement rapidement. Pourtant, l'adjudant nous a confié que le système par levier n'était pas plus performant que celui à pompe, en fait ce serait même le contraire. Est-ce vrai ?

Le lieutenant eut une petite grimace.

— Je l'ai aussi entendu dire mon commandant. Tout ce que je sais, c'est que les hommes qui disposent de cette arme en sont extrêmement satisfaits.

Ils font partie d'unités d'élite, aussi ont ils un meilleur entraînement, une plus grande expérience et donc une rapidité supérieure.

— Moi non, lieutenant. Hier j'ai vraiment aimé tirer avec cette arme, je l'avoue, mais cette nuit, lorsque j'ai repensé à tout ce qui s'était passé, je me suis vue tirer sur la fouine et être gênée par mon geste lors du réarmement et la douille qui sortait vers mon visage.

Tranit pris sa carabine et mima un tir suivi d'un réarmement.

— Regardez bien. Je sens mon épaule s'abaisser et le canon se relever lorsque je tire. Perte de concentration, de visée... C'est l'impression que j'ai eue.

Sans rien dire, Adacie prit son arme, s'assura qu'elle était vide avant de refaire les mêmes gestes que Tranit.

Celle-ci continua à l'adresse de l'armurier.

— Je me suis demandé si quelqu'un avait déjà adapté le canon de la carabine sur la culasse d'un fusil ou d'un pistolet long. Ce sont les mêmes, n'est-ce pas ?

— Oui commandant, lui répondit l'armurier d'un air sceptique. Exactement les mêmes. Normalement, les canons sont interchangeables.

Tranit poursuivit.

— J'aimerais aussi savoir si une crosse combinant poignée de pistolet et crosse de fusil pouvait être faite. J'ai l'impression que cela permettrait une meilleure prise en main de l'arme.

L'armurier regarda les deux types d'armes. Crosse ou poignée se fixaient à la culasse par deux vis traversant le cul de cette dernière. Il démonta les deux armes qu'il avait avec lui et les accola l'une à l'autre.

— En creusant l'embout de la crosse et en rabotant celui de la poignée, cela devrait s'enclencher sans difficulté, supposa-t-il en déplaçant les pièces. J'ai justement quelques pièces supplémentaires, des poignées ou des crosses changées. Laissez-moi donner quelques instructions à mes aides puis nous reparlerons.

Tranit lui fit signe de disposer. Adacie reposa son arme et la regarda, curieuse.

— Hier, quand vous avez tiré sur la fouine, vous avez ressenti cette gêne ?

— Non, pas sur l'instant. J'avais peur, comme tout le monde et j'ai agi. Mais ensuite, je ne pouvais pas ne pas y penser. L'impression était là.

Adacie fit signe qu'elle comprenait, mais il subsistait un doute dans son regard.

L'armurier revint assez vite et en profita pour enseigner à Tranit les astuces d'un nettoyage complet de ses armes. Il lui fit sortir les canons, démonter le magasin tubulaire et les blocs-culasses de ses trois armes.

Le nombre de pièces identiques était impressionnant. La taille de certaines vraiment incroyables. La jeune femme observa l'intérieur des canons. Celui de la carabine contenait deux rayures, rayures extrêmement difficiles à produire ce qui expliquait la rareté de ses armes. Une grande quantité de canons était refusée.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant