Premier Rencard~Leokumi

Un peu de rêve sur la rive.

Cela faisait trois quarts d'heure, depuis que Hinata avait décrété ces "cinq minutes de pause" qu'ils étaient sensés prendre. Arrêtés près d'un village, Takumi savourait une soupe bien chaude, assis sur une souche d'arbre, tandis que la canaille jouait de ses charmes auprès des filles des champs. 

Le prince aimait sa solitude, car, lorsqu'il était seul, il pouvait penser à sa guise au joli blond qu'il allait retrouver à Cheve. A peine avait-il les yeux fermés que l'Hoshidien voyait le Nohrien, le fin sourire revanchard qu'il avait sur les lèvres alors qu'il lui proposait une énième partie d'échecs, ses magnifiques yeux concentrés alors qu'ils se plaisaient à élaborer toutes les stratégies possibles pour une même situation, alors qu'ils étaient, il y a quelques temps encore, ennemis. Maintenant, Takumi le savait, il en était amoureux. Amoureux, si bien que ses escapades pour le retrouver étaient son seul divertissement dans son médiocre quotidien luxueux.

Un peu plus, et il entendait la voix de son bien-aimé. Sa voix, juste après l'amour, quand il le cajolait et lui ronronnait des mots doux de sa voix essoufflée. L'archer sentait presque les doigts du mage jouer dans ses cheveux, il sentait presque son corps monter et descendre au rythme de la respiration de l'autre. Et il oubliait sa rancœur envers son frère aîné, son amertume envers la montée de Mikoto sur le trône, et même la tristesse dévorante du deuil de son père. Il était une autre personne, lorsque son mage favori le tenait dans ses bras. Une personne plus joyeuse, toujours sarcastique, toujours têtue, toujours bougonneuse, mais une personne qui riait de bon cœur, et qui appréciait le calme simple de la maison décrépite qui leur servait de refuge.

"Mon prince !, s'exclama une paysanne en coupant court aux pensées de Takumi. Faites attention, le fleuve est hanté ! Vous devriez revenir près du village !, fit-elle, sous le regard presque amusé du prince.

-Hanté ?, répéta l'archer. Voyons, les fantômes n'existent qu'en Nohr., plaisanta t'il.

-Moi, je vous jure que j'ai déjà vu d'étranges ombres en sortir. On aurait dit une femme, avec de longs cheveux bleus..., commença la fille des champs.

-Alors félicitez vous d'avoir entrevu Azura. Elle ne ferait de mal à personne..., gronda le jeune homme en se levant.

-Ca n'était pas Azura ! On aurait dit..., continua la brune avant de reculer d'un pas, et de s'écrier : ATTENTION, DERRIÈRE VOUS !"

À peine Takumi eut-il le temps de se retourner qu'une sombre forme se trouvait juste devant lui. Plus grande que l'archer de quelques centimètres, l'énergie de laquelle elle semblait être faite ressemblait à celle de ces envahisseurs que Takumi avait maintes fois tué durant son périple. La créature prenait petit à petit forme humaine, jusqu'à devenir une femme, aux cheveux longs et touffus dans son dos, et que sa main, restée celle d'un monstre, ne se lève. Un doigt, ou plutôt une griffe se posa sur le front de Takumi sans qu'il ne puisse s'en défaire, et une explosion sourde retentit.

La créature disparut.

Hinata fit un bond en entendant ce bruit fort. Par pur réflexe, il prit une pelle comme arme, et se hâta aux côtés de son suzerain. Il vit une jeune fille pétrifiée par la peur. Puis, une masse, fumant d'énergie pourpre, au sol, tremblante. Le vassal reconut le jeune aux cheveux blanchâtres dont il devait assurer la protection, et se rua à ses côtés. Takumi émettait des grondements bestiaux, empreints de douleur et qui témoignaient de la lutte intérieur qu'il menait contre l'esprit qui tentait de s'accaparer de son corps, qui tremblait, se secouait en convulsions effrayantes.

"Takumi.... Takumi !, s'exclamait le brun, paniqué. Réponds moi !

-Hnnnng... Tuer..., gronda l'intéressé d'une voix monstrueuse. Non... Leo... Au secours...", se reprenait-il.

À peine eut-il prononcé ces mots qu'un tourbillon de magie, d'un magnifique vert feuille l'entourait. Hinata recula d'un pas, de deux pas, de trois pas. La silhouette d'un homme montant un cheval se découpa dans les sous-bois, de l'autre côté de la rive. Il reconnut l'allure du prince Nohrien. Il reconnut aussi le tome qu'il tenait dans la main : Brynhildr.

"On a toujours besoin d'un mage, apparemment.", raillait il.