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La paillasse glacée fait frissonner mon dos nu. Allongé dans le noir, j'ai les pieds qui pendent dans ma vie. Dans le vide. Dans le néant. J'essaye de ne pas faire de bruit en pleurant et de faire taire mon coeur qui hurle. Je ferme les yeux. Ma respiration s'accélère. Des images surgissent derrière mes rétines. Ca recommence. Je commence à trembler, je rouvre les yeux, je me redresse.

-Tombe pas Robin. Tombe pas, je me répète.

Ne tombe pas encore dans cette folie atroce. Mon corps encore gelé il y'a quelques secondes se réchauffe. L'enfer s'enflamme. Le monde s'enflamme. La cuisine s'enflamme. Tout s'enflamme tellement que des perles de sueur commencent à glisser le long de ma nuque.

Je ne veux pas visiter le paradis pour finir par me briser les os en chutant. Le pire, c'est que la chute est chaque fois de plus en plus violente. Il m'en faut toujours plus pour atteindre le paradis. Mais si je ne prends pas le courage de m'envoler au paradis et ensuite d'assumer la chute, mes os se briseront quand même. Sur la paillasse. Ils se briseront en la frappant.

Et maman le saura. Elle sait que je ne vais pas bien de toute manière, une fois, elle avait vu du sang qui maculait la paillasse. Mentir maman. "J'me suis coupé avec le couteau à pain".

Ce que maman ne savait pas, c'est qu'elle me coupait souvent cette paillasse. Elle coupait souvent mes phalanges pâles, au beau milieu de la nuit. Quand je n'avais pas d'autres solutions. Simplement que j'effaçais le sang. Et oui maman. Le sang, c'est facile à faire partir quand il n'a pas encore séché. C'est violent comme la haine mais c'est comme l'amour: facile à faire disparaître. Suffit de bonne volonté.

Je tremble si fort que je manque de tomber de la paillasse en descendant.

-Tombe Robin. Tombe pour t'envoler. Tombe pour planer jusqu'au paradis, je murmure en pleurant sans bruit.

La couleur de l'océan [terminée☆]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant