Je me lève et marche. L'horizon semble dévier, parfois. Il ondule. J'ouvre le portail et sort dans la rue, habitée uniquement par des voitures vides. Le monde est beau quand sa laideur est cachée dans la lâcheté de la pénombre nocturne.
Même d'ici, j'entends le sanctuaire et ses tombes crier. Elles heurtent la limite de notre monde. Je marche, titube, parle à Aris qui, même s'il n'est pas là, m'entends et discute avec moi. Je ris avec lui.
J'arrive à la mer. Les larmes glacées ont même recouvert le sable.
Ciel égoïste, couvre le monde de sa peine narcissique.
Je marche vers l'océan. Je souris parce que c'est beau. Aris m'attends au bord de l'eau, dos à moi. Il tourne le dos à sa vie et fait face à la mort. Je cligne des yeux. Aris n'est plus là.
L'an dernier, en début d'automne, Aris et moi étions là. A la plage. Aris faisait partie des quelques personnes courageuses qui se baignaient malgré les 20 degrés de l'eau. Moi, je lisais sur la plage, en le surveillant de temps à autre, comme un père veillerait sur son fils. Mon portable ne cessait de vibrer sous le coup des textos que je recevais de ma copine. On était en pleine dispute.
Elle m'appelle. Je me lève de ma serviette, je fais des aller-retours nerveux, on parle. Combien de temps? Aucune idée. Mais suffisamment pour que l'infini océan attrape la vie naïve de mon petit frère. 9 années étaient en train de se noyer sous les vagues.
Panique sur la plage, le maître-nageur, des cris, le corps de mon frère, les hurlements, maman qui arrive, les pleurs, je ne sens plus rien, j'arrive pas à détacher mes yeux du petit corps de Aris, je ne bouge pas.
Après que l'océan ai noyé mon frère, ce sont les vagues de larmes qui ont noyé ma famille. Un mois après l'accident, Papa est parti. Avec maman, on a sombré. On rame. Elle essaye de diriger le navire percé.
Pure ecstasy, pilules magiques, coulent dans mon sang. Piqûre dans mon bras droit, l'héroïne me sauve. Aris, je te vois.
Le jour où on a été à la plage, mon petit frère portait son sweat rouge et son jean.
Je me rends compte que je n'ai pas cessé de marcher quand je prends conscience de l'eau qui enserre mes chevilles. J'ai atteint l'océan.
Aris, on est dans le même sanctuaire désormais.
Les vagues sont les tombes qui hurlent.
J'avance. Je n'ai plus pied maintenant. L'eau glacée paralyse mon corps. Mon coeur semble s'arrêter.
Sanctuaire infini.
Vague.
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La couleur de l'océan [terminée☆]
RandomParce que le monde est plus beau déformé, Robin passait ses nuits à l'ajuster pour le supporter. Et parce qu'il avait besoin d'Aris pour vivre.