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Re.

Donc, la dernière fois, on parlait de l'Incident.

Est-ce que j'ai envie d'en parler maintenant aussi ? Je ne sais pas ...

Bon, on est partis.


Donc, tout à commencé par une simple discussion. Une discussion qui à tout gâché. Une discussion qui à détruit mon enfance. Parce que mes parents n'ont pas fait que divorcer. Ils ont chacun trouvé une nouvelle personne. Cette personne, pour un de mes deux parents, hante encore mes pensées et mes souvenirs, à la recherche d'un atome d'innocence laissée derrière elle. Ou plutôt lui. C'était un homme qu'on appellera A. Et cet homme, c'est mon pire cauchemar. Cet homme, il me fait encore peur même si, heureusement, aujourd'hui tout est fini. Il a payé pour ce qu'il nous a fait, ce qu'il m'a fait.

Cet homme, ma mère l'a rencontré alors qu'elle était désespérée : elle venait de divorcer et elle vivait dans un taudis minuscule. Assez vite, ils ont emménagé ensemble dans une nouvelle maison. Bien sûr, je les ai suivis vu que je vivais en garde alternée. Je pense que ma mère n'avait pas encore bien perdu les habitudes d'avoir un homme à la maison alors son esprit lui à demandé de choisir le premier venu. Avant qu'ils ne vivent ensemble, A était plutôt gentil. Je ne l'aimais pas forcément, mais il ne faisait rien de mal. Mais quand ils ont emménagé ensemble ...

Quand ils ont emménagé ensemble ...

C'est tout de suite devenu un enfer. A nous criait dessus tout le temps, on devait rester cloitré dans sa chambre jusqu'aux repas. Pourtant, je ne jalousais pas du tout ma mère de pouvoir rester en bas. Car j'entendais A crier encore plus sur ma mère. Mais le pire, ce n'est pas tant qu'il était méchant envers nous, non.

Le pire, c'est qu'il était imprévisible.

Ce que je veux dire, c'est qu'il y avait des moments où il était gentil et, d'un coup, sans prévenir, il devenait agressif. Il était bipolaire, quoi. Par exemple, un jour, je chantais dans la salle de bain en me coiffant. Je ne chantais pas trop fort pour ne pas me prendre ses cris dans la face. Pourtant, il m'a encouragée : 

" Comme c'est beau. Chante plus fort que je t'entende bien."

Alors bien sûr, toute contente, je me suis mise à chanter plus fort. Même pas 10 secondes plus tard, je me faisais engueuler parce que je chantais trop fort.

Mais il y avait bel et bien des moments où il était gentil. Un jour, peu après qu'ils aient emménagé, on a adopté un chiot. Ca va vous paraître bête mais, ce chiot, il m'a aidé à tenir le coup. Il se réfugiait avec moi dans ma chambre. Il avait peur avec moi. Il me soutenait quand je pleurais. Vraiment il m'a aidé à tenir le coup. Du moins jusqu'à ce qu'il meure. Il s'est enfui, comme je voulais le faire. Ma mère à retrouvé son corps e jour même, il avait été écrasé par une voiture.

Je n'ai jamais pu voir son corps.

Ca a été un véritable déchirement pour moi. Je pleurais, je n'avais, et je n'ai, jamais pleuré autant. Même quand il nous engueulait, même quand je me rendais compte que mes pensées n'étaient pas bien pour une fille de 8 ans (des pensées suicidaires). Même quand j'ai dû passer une demi-heure isolée de ma classe à pleurer. Même quand mon plus beau cadeau d'anniversaire a été de rentrer chez mon père. Même quand je l'avais vu se battre (en gagnant) avec un homme, devant tout le monde.

Non, je n'avais jamais autant pleuré.

Et je l'ai payé. Très cher, si vous voulez mon avis. A m'a crié dessus parce que je pleurais. Il disait qu'il n'en valait pas la peine. Que c'était une surréaction. Qu'il fallait que j'arrête de pleurer si je ne voulais pas "m'en prendre une". Il ne m'a jamais frappée. Parce que ce jour là, la seule fois où il m'en a menacé, je lui ai balancé une rafale d'insultes au visage avant qu'il se mette à me courir après. Je suis arrivée juste à temps à m'enfermer dans les toilettes. Et il criait. Il criait. Ma mère à bien essayé de le clamer, mais je me rappelle de la marque rouge sur la joue que ça lui a valu. Car il la battait.

Il la battait !

Je voudrais crier toute ma haine envers lui ici mais je ne veux pas que ce livre devienne interdit aux mineurs. 

Et moi, j'étais recroquevillée sur les toilettes, a avoir trop peur pour que ma logique marche. Mon imagination avait pris les devants. Je croyais qu'il allait appeler la police pour venir arracher la porte et me mettre une bonne raclée. Car à mes yeux, c'était moi la fautive. Il m'avait tellement mis ça en tête, que ce que je faisais était mal, que j'avais fini par y croire. Je pensais sincèrement que les policiers allaient le laisser me taper parce que j'étais la pire fille du monde. Je pensais que je ne méritais pas de vivre. 

Je ne voulais pas vivre.

Je ne voulais plus vivre.

A 10 ans !!

Après cette perte, j'étais seule. Excessivement seule. Cette solitude, elle a forgé celle que je suis. Elle a détruit les frêle connaissances que j'avais en matière de social. Mais elle m'a aussi permis d'avoir du temps à moi pour décompresser. Ce temps, j'ai appris à le mettre à profit pour prendre du recul sur la situation, méditer un peu, apprendre a me défendre contre la harcèlement dont j'étais victime à l'école, puis au collège, j'ai aussi appris à faire en sorte que les profs m'aiment bien (j'avais déjà assez de problèmes avec les élèves), j'ai aussi développé certains talents. Bref, ça m'a quand même bien servi cette solitude.

Car contrairement à ce qu'on peut croire, pour une fois Hollywood a raison, les malheurs ont aussi souvent d'autres avantages que de forger le caractère. 

Un jour, alors que A était parti faire je-ne-sais-quoi, ma mère a commencé a tout charger dans la voiture. Je l'ai aidée et nous sommes parties en un temps record.

Vous pensiez que c'était la fin ?


Ha ha ha bre

Pendant plus d'une semaine, je vivais chez mon père, ne sachant pas ce qu'il advenait de ma mère. Ce fut la pire semaine de ma vie, j'étais tellement stressée que je ne mangeais presque plus, mes tripes étaient constamment serrées, mon estomac noué, et mes oreilles à l'affut d'une mauvaise nouvelle qu'on voudrait a cacher. 

J'avais si peur que A s'en soit pris à ma mère. Dans ma tête, je me disais que si je le découvrais, il était mort. Vous savez, notre amie l'adrénaline, qui décuple vos forces. Et bien j'avais ça dès que je pensais à A. Aujourd'hui encore, ces crises d'adrénaline interviennent sans aucune raison. Je ne pense pas à lui, rien dans la situation que le mérite; et pourtant je continue d'avoir, de temps à autres, assez d'énergie pour faire exploser un crâne humain. Et rien ne soulage ça, il faut juste que je me retienne de le faire jusqu'à ce que ça passe.

En tout cas, ma mère a trouvé une maison en à peine une semaine. Bien joué !

Et là vous vous dites encore que c'est fini. Mais ce serait trop beau. Je n'aurais pas été assez traumatisée. 

Quand on a emménagé, j'ai eu la chambre à côté de celle de ma mère. Et, impuissante, je l'entendais pleurer chaque soir jusqu'à une heure inconvenable pour une "petite fille de 6e".

Les gens qui disent ça, j'ai envie de prendre leur crâne, de la détacher de leur corps, et de jouer au bowling avec (je suis parfaitement équilibrée). Parce que cette petite fille, elle a vécu plus que, je l'espère, vous en toute une vie.

Bienvenue dans ma têteWhere stories live. Discover now