Chapitre 2

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            Ce matin-là, ce doux frais matin d'octobre où commence notre histoire, ce furent les cris de la concierge qui réveillèrent le professeur Astérion MacChabée. Dans son sursaut, il fit tomber une grande pile de livres et la concierge se remit alors à hurler. Astérion tâtonna le tapis, à la recherche de ses lunettes en forme de demi-lune. Il les retrouva sous une pile de feuilles où il avait griffonné des idées issues de ses lectures. Ses binocles lui permirent alors de mieux voir le visage effaré et les cheveux ébouriffés de la femme-fantôme et lorsque leur regard se croisèrent enfin, elle se remit à hurler, flotta rapidement jusqu'à la porte et la fit claquer violemment avec son énergie magnétique. Une autre pile de livre tomba sur le jeune professeur. Il s'en échappa et, hébété, se mit à examiner la pièce. Il se rendit compte qu'il était dans son salon. Il reconnut son bureau massif de style victorien, installé entre les deux petites fenêtres d'où s'échappaient les premières lueurs du jour, ainsi que le fauteuil Chesterfield qui trônait fièrement près de la cheminée en plâtre. La pièce était parsemée de livres, carnets et autres feuilles volantes. Astérion eut du mal à se rappeler comment cela était arrivé.

Le soleil s'engouffra davantage dans le salon et caressa son crâne, le réveillant un peu plus, et Astérion MacChabée étira tous les os qui constituaient son corps. L'homme-squelette jeta ensuite un œil sur sa montre à gousset pour vérifier l'heure mais elle s'était encore arrêtée. Il se leva pour aller vers sa chambre. En passant dans le couloir, il tomba sur un miroir baroque aux fantaisistes arabesques dorées. Il avait plein de taches d'encre noire sur sa mandibule droite. Astérion essaya de les enlever avec la manche de sa chemise. En vain.

Il se prépara, se passant de l'eau sur ses orbites puis le reste de son crâne en prenant soin d'enlever les taches sur sa mandibule. Devant son placard, il hésita entre un complet marron et un complet gris. Ni l'un ni l'autre ne l'enthousiasmait et, par dépit opta pour un pantalon noir qui trainait quelque part près de son lit, d'une simple chemise. Il glissa sa montre à gousset dans son gilet noir.

Ensuite, il revint vers le salon anciennement dévasté. La concierge avait profité d'un bref instant, après avoir apporté le petit déjeuner, pour tout ranger. Sa rapidité avait toujours impressionné Astérion même si après, il la maudissait car il ne remettait plus la main sur les documents qui l'intéressaient. Il se posa sur le fauteuil moelleux en savourant une bonne tasse de thé. La douce chaleur du breuvage envahit tous ses os à chaque gorgée. Il expira bruyamment, ferma les yeux, se laissant bercer par la tranquillité du moment.

Il rouvrit les yeux. Il regarda sa montre mais ne l'ayant toujours pas remontée il pesta contre lui-même et se précipita vers les escaliers.

- Madame Lockhart, quelle heure est-il ? demanda-t-il à la concierge.

- Vous auriez dû partir il y a de cela vingt bonnes minutes, répliqua sèchement le fantôme depuis la cuisine.

Astérion jura dans un souffle. Il prit ses livres et jeta son sac à dos sur son épaule. L'instant d'après, l'homme-squelette descendit les escaliers en manquant de glisser sur une feuille qui s'était échappée de son livre.

- Cela vous apprendra à travailler si tard le soir, lui répliqua le fantôme en signe d'au revoir, en bas de l'escalier.

Astérion grommela en mettant sa veste en tweed, une feuille dans la mâchoire et claqua la porte en sortant. Dehors, l'air frais de ce mois d'octobre acheva de le réveiller. Et ce fut d'un pas rapide qu'il quitta sa paisible vie dans ce petit appartement cosy du 221 MA Cabre street. Il retrouva alors la ville et ses créatures magiques avec lesquelles il avait grandi.

Le mythologisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant