Le mythologiste

Chapitre 4

- Les gérants des clubs de la ville ont tous des alibis pour la nuit du meurtre, annonça le lieutenant Kane. Tous vérifiés et rien de suspect, capitaine

Installé sur sa chaise roulante, le capitaine Magnus lui tournait le dos. Il observait la vie fourmillante de la rue à travers les stores de sa fenêtre. Son crâne dégarni présentait différentes veines. L'une d'elles éclata. C'était celle de la colère.

- Donc je suppose que vous n'avez rien du tout, gronda le capitaine.

Il avait fait tourner son fauteuil et s'était levé d'un bond, toisant le lieutenant. Il le dépassait d'au moins trois têtes. Un véritable troll des cavernes. Ses yeux noirs transperçaient le lieutenant, le mettant à nu, le rendant aussi fragile qu'un nourrisson. Sa bouche crispée laissait paraître de grandes dents jaunâtres. Un rictus de colère.

- L'agent Mindy examine toujours les effets personnels de la victime, se défendit le lieutenant. Peut-être trouvera-t-elle plus de chance que nous.

- Espérons-le, grogna le capitaine Magnus.

D'un geste, il lui désigna la porte en bois que le lieutenant fut soulagé de prendre. Mais une fois arrivé à son bureau, il donna un grand coup de pied à sa chaise qui voltigea à l'autre bout de la pièce. Il inspira et expira fortement pour se calmer. Il leva alors les yeux vers son tableau blanc. Il ne l'avait pas encore touché aujourd'hui. Alors, il prit un stylo et se mit à noter toutes les dernières informations qu'il avait obtenues.

Astérion attendait, derrière une grande table, les yeux dans le vide. Quand la porte s'ouvrit soudainement laissant apparaître le même homme-poisson. Il jeta un dossier sur la table et s'installa face au professeur. D'un geste machinal, l'agent l'ouvrit et parcourut les pages.

- Monsieur Astérion MacChabée, déclara-t-il. 130 ans. Habitant au 221 MA Cabre street. Parents : Arthur et Eleonora MacChabée. Toujours vivants, actuellement à la retraite. Votre profession : professeur d'étude en... Histoire mythologique ?

- Je suis un mythologiste, approuva Astérion.

L'agent le regarda perplexe.

- L'histoire même de notre peuple est répertoriée dans tous les récits mythologiques, expliqua le professeur. Ce ne sont pas de simples contes pour enfants. Ils sont notre origine. Et mon travail est de les analyser et de les transmettre aux générations futurs afin qu'on ne les perde jamais.

- Bien, continua l'homme-poisson. Monsieur MacChabée, vous êtes accusé de trouble à l'ordre public. Nous vous garderons pendant 24h puis nous vous relâcherons avec une amende de 350 spices.

Astérion en resta sans voix. Trop choqué par cette annonce, Il se laissa emmener par l'agent pour faire le chemin du retour vers les geôles, tristes et froides. Ils passèrent le couloir, puis le bureau solitaire. Mais cette fois-ci, un homme-chien écrivait sur le tableau. Astérion ne pouvait s'en empêcher et essayait une nouvelle fois de regarder la photographie. Elle était toujours là, les yeux vides de toute vie. En dessous était inscrit le mot « chanteur ».

Ce mot résonna dans la tête du professeur. Il se mêla avec ceux des journalistes. Un chanteur dont la tête chantait après sa mort. Il connaissait cette histoire, elle était dans sa bibliothèque mentale. Astérion y plongea, errant dans les rayonnages. Il effleura de ses phalanges les côtes de tous les livres qu'il avait pu lire dans sa vie. L'un d'eux attira son attention. Il le prit et le feuilleta. Et soudain tout s'éclaira.

- Orphée, souffla-t-il.

L'homme-chien se retourna, laissant son tableau blanc.