À l'Abordage !

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Par réflexe, Morgane dégaina son épée. Les yeux rivés sur l'horizon, ce fut avec horreur qu'elle remarqua que le navire inconnu s'approchait progressivement. Un coup de canon la fit tressaillir, un puissant mais sourd son agressa son ouïe, elle vit alors une colonne d'eau se dresser à quelques mètres de La Colombe.

Ses yeux s'écarquillèrent. On les bombardait déjà de boulets !

Le monde se mit à se mouver autour d'elle, mais Morgane était complètement paralysée, le regard sur le navire ennemi qui se dirigeait droit vers eux. Les marins s'empressaient de riposter en réveillant à leur tour leurs nombreux canons, sous les ordres sévères et violents du lieutenant Trappaez, s'ils ne couraient pas vers bastingage pour observer leur ennemi, épée et pistolet entre les doigts.

Une main se posa sur son épaule, elle revint à la réalité et remarqua alors que le sorcier venait de faire son apparition, d'une seconde à l'autre, contrairement à son jumeau qui semblait s'être volatilisé. Il plissa ses maigres yeux rubis avant de cracher, d'une voix cinglante, entre les coups de canon ennemis :

— Croyez-vous réellement qu'il est adéquat de rêvasser maintenant ? Réveillez-vous et préparez-vous à riposter !

Morgane hocha la tête d'une façon maladroite, comme mal à l'aise d'avoir été retirée de sa torpeur. Elle jeta un œil à sa lame avant de lever les yeux vers Kin, qui semblait la juger intérieurement malgré le chaos qui régnait autour d'eux. En réalité, il semblait complètement indifférent au monde qui les cernait.

— Où sont les autres ? demanda-t-elle alors.

— Dawn est en retrait, sous les ordres du lieutenant. Elle servira à soigner les hommes blessés. Quant à mon sot de frère, il prévoit déjà de se jeter dans la gueule du loup, en sautant sur le navire ennemi quand il sera assez proche.

— Je v... attendez, quoi ?!

Un autre boulet adverse frôla La Colombe de si près que Morgane en manqua de perdre l'équilibre. Le sorcier, lui, semblait toujours aussi inébranlable.

— Vous m'avez bien entendu, Morgane. Kim se prépare à rejoindre le bateau ennemi, afin de couper le mal par la racine.

— Mais c'est du su... !

— « Du suicide » ? termina-t-il, en lui tournant le dos. Complètement. Aussi insensé que notre petite discussion en pleine bataille, à vrai dire.

Il s'en alla comme s'il n'était jamais venu à se rencontre, en disparaissant derrière la masse humaine animée par cette envie dérangeante d'écraser ceux qui se dressaient devant eux. Les mortels appréciaient se massacrer entre eux, se faire la guerre pour des futilités, et Morgane n'était jamais parvenue à comprendre pourquoi. Était-ce pour remédier à un certain complexe d'infériorité qui les frustrait tous ?

Une nouvelle secousse se fit ressentir, Morgane se rua vers le groupe d'hommes qui s'agglutinaient devant elle. Ils criaient des paroles incompréhensibles et des injures, entre deux coups de pistolet provocateurs. Elle se faufila entre les marins et leur puanteur insoutenable, tout en prenant le réflexe idiot de dire « pardon » ou « excusez-moi » quand elle en poussait un. Sortie de cette océan d'odeurs répugnantes, elle prit un grand bol d'air frais, les yeux sur ce bleu omniprésent qui les emprisonnait... mais son cœur se serra brutalement dans sa poitrine.

Le navire ennemi était si près qu'elle parvenait à voir les hommes qui l'avivaient, des mortels encore plus sales et vulgaires que les marins à la botte du lieutenant Trappaez, ceux que les humains appelaient « des pirates ». Ils brandissaient des épées à la lame courbée, tout en rigolant – si elles n'étaient pas remplacées par un trou, leurs dents étaient d'une couleur jaunâtre ignoble – et en narguant les marins. Mais qui était le maître de ces bêtes humaines ?

L'Épopée d'une ProtectriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant