II

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R A H I M


Je me suis toujours demandé pourquoi n'avons-nous pas les mêmes parents. La même éducation. Pourquoi sommes nous si différents les uns des autres ? Et pourquoi la chance ne sourit pas à tout le monde ?

Des questions que je me répète sans cesse en essayant de croire que tout ira bien. Que le lendemain je pourrais passer la journée sans la moindre peur. Sans craindre mon géniteur. En espérant qu'il se fasse percuter pour m'en débarrasser. Mais c'est une pensée, une simple imagination.

— Il est où ?! S'écrit le père

Le voilà de retour. Il a dû être mis au courant que je me suis disputé avec un camarade.

Il rentre en furie dans ma chambre et comme à mon habitude, par réflexe, j'apporte mes mains vers mon visage pour me protéger.

— Baisse tes mains !

Je les abaisse tout doucement, en regardant ses mains pour pouvoir éviter un énième coup au visage.

— Baisse tes mains j'ai dit !

— Oui... C'est bon papa j'ai rien fais...

— Combien de fois je t'ai dit de ne pas faire de bêtises à l'école ? Hein ? Répond !

— Il m'a dit "fils de chien" donc je me suis défendu.

C'est la vérité. Il a insulté mon père donc je lui ai donné un coup. Un coup d'honneur comme dirait-on. Même si ce même père n'est pas parfait, j'ai une partie de moi qui me dit de défendre mes parents si on les insulte.

Il n'attend pas mes supplications et me donne une claque. Qui atterri sur ma main.

— Tes mains derrière ton dos !

Je fais ce qu'il me dit et reçois une deuxième claque. Une troisième et j'ai tellement mal que je rejoins mes mains vers mon visage pour qu'il arrête.

— Je t'ai dit derrière le dos ! Tes mains, vite !

Non je ne l'écoute pas. J'ai beaucoup trop mal aux joues et le supplie d'arrêter.

— Non s'il te plaît je ne referai plus de bêtises ! Je te le jure papa ! J'ai bien compris...

Il me regarde essouflé et me répond avec l'une de ses phrases préférées.

— Tu t'en fou de ce que les gens te disent, pense à tes études et ne te bagarre pas. Ne devient pas un âne, un vaut rien comme ton père.

Et il s'en va, enfin.

C'est toujours le même rituel, la même mélodie. La même chanson qui tourne en boucle dans notre maison. Les mêmes paroles qui sont prononcées.  La même sentence que je reçois.

S'il te plaît. Arrête. Pardon.

Des mots qui sortent quotidiennement de ma bouche. Des mots qui, à chaque fois après être prononcés je sens une pointe d'humiliation en moi. Oui j'ai l'impression de me rabaissé. D'être tellement inférieur à le supplier et lui demander pardon. Pour des choses aussi banales et petites. J'ai l'impression d'avoir perdu ma dignité.

À douze ans, j'ai tellement honte de moi lorsque je protège mon visage de ses coups. Je me sens si pathétique à ses yeux.

Quel réaction a-t-il lorsqu'il me voit ainsi ?

A-t-il de la peine pour moi ou pas du tout ?

Je suis une merde à cause de lui. Donc comment faire pour être fier et avoir la tête haute si on me l'a rabaisse à chaque fois ?

— Rahim, vient manger. Dit la mère

Je me lève pour manger et regarde du coin de l'œil ma mère. Non elle ne me réconforte pas. Elle ne vient pas me prendre dans ses bras. Elle ne me rassure pas. Non, cela fait partie de mon éducation.

Je me dépêche de manger pour ..

— N'oublie pas de réviser avant de dormir.

Pour réviser. Voilà à quoi ressemble ma routine. Il me frappe. Elle me nourrit. Toujours le même scénario et les mêmes rôles.

Mais après tout, on ne choisi pas ses parents.

MON PAPAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant